Hyères / Cap nord 

en solo

Juillet 2006

34 jours / 5 002 km / 255 h sur le vélo


Arrivée au Cap Nord le samedi 5 aout à 22h sous un soleil magnifique et après 226 km et 11h11 sur le vélo ouf!

Un grand merci à Jo du magasin CAP 83 pour la préparation rapide et efficace du vélo, à mon père pour le suivi quotidien, à Stephane et Jean Paul Sultana pour avoir stocké le vélo, à ma famille et amis qui m'ont soutenu,  et à tous ces hommes et femmes rencontrés sur la route qui m'ont une fois de plus prouvé que l'homme peut être bon.


Lundi 3 juillet 110 km 6h43 sur vélo 50 km/h max HYERES/ESTERELLE DAY1

Départ vers 10 heures. Il y a du vent rafraîchissant et en fait je n’aurai jamais chaud sur mon vélo grâce à ce souffle du à l’avancement du vélo. Par contre dès que je m’arrête c’est la suée. La remorque fait ressembler mon vélo à un TGV difficile à manœuvrer. Je n’ai pas l’habitude et je manque de le renverser au départ car très lourd à maintenir. Je pars avec beaucoup de pensées en tête car pour moi c’est un peu l’aventure étant donné que je ne suis ni entraîné puisque j’ai consacré mon temps à mon examen et que je n’ai jamais fait de vélo. Je trouve le pédalage facile mais je ne force pas comme tout le monde me l’a conseillé pour laisser du temps au muscle pour qu’il se construise gentiment. En fait beaucoup de gens ont, comme d’habitude quand je monte un projet, mis en garde sur plein de choses et il ne faut pas s’arrêter à écouter tout le monde sinon on reste à la maison. Maintenant, comme à chaque début on doute car les paroles reviennent en tête… Vu que c’est l’été sur la côte, je demande constamment de l’eau aux gens : dans une boutique de Port Grimaud, dans les stations service. Vers 19h, je cherche à trouver un coin pour dormir en sécurité et si possible sauvage et pittoresque. Quelle exigence ! Je trouve finalement un coin super beau, un point de vue panoramique avec pour seuls défauts d’attirer encore tard les touristes ainsi que les moustiques et bien sûr je n’ai pas prévu la moustiquaire ! Je dors à la belle étoile car il fait beau et chaud. La nuit est difficile car pour me protéger des moustiques je me cache dans le drap mais j’ai alors trop chaud. Ça va durer toute la nuit…


Mardi 4 juillet 85 km cumul 196 km ESTERELLE/MENTON DAY2

Douche avec les 4 litres qui me restent dans le bidon, quel plaisir vu la suée de la nuit. Levé de soleil sublime, le train passe, le voyage commence. Je suis un peu inquiet car j’ai mal aux deux genoux et je suis crevé de la nuit. J’ai mal aux fesses et je ne sais déjà plus comment poser mes mains douloureuses sur le guidon, car je n’ai pas acheté de gants. Ça monte pour aller à Cannes mais la route sinueuse en bord de mer est magnifique. Je mets une heure pour trouver une boulangerie et une heure pour acheter le lait à la sortie de Cannes car sur la promenade pas de superette. C’est long deux heures à attendre de pouvoir petit déjeuner. Le gars de la superette est peu aimable mais la boulangère m’offre un pain quand elle voit mon vélo et mon drapeau c’est les moments que j’adore. Le geste gratuit qui prouve que l’humanité existe dans certaines situations.  Traversée de Monaco diabolique : tunnels, travaux, montées infernales sous un soleil de plomb. Spaghettis et fruits secs le midi. Je loge par contre chez Charles et Barbara à Menton qui me recueillent cassé. Je me déplace comme un handicapé. J’ai mal aux mains, aux genoux et heureusement que mes amis sont sympathiques et me remonte le moral. En fait j’ai confiance en mon corps mais le doute plane et je sais que seul mon corps m’arrêtera dans mon projet.

Mercredi 5 juillet 123 km 318 km cumul MENTON/BERGEGGI DAY3

Couché à une heure du mat mais réveillé à sept heures avec une très bonne nouvelle : je n’ai plus mal donc l’aspirine a du faire son travail pendant la nuit. De plus le sommeil profond dans un bon lit a du contribuer à cet état de grâce. Je m’attendais à pire car Jean Paul m’avait dit que le troisième jour était en général mortel. Je ne trouve pas de gants et la moustiquaire est trop chère en pharmacie. J’essaye ma carte bleue pour ne pas avoir de souci à l’étranger vu que je la mets dans ma chaussure pour la cacher en cas d’agression.  Les tunnels font peur car je n’ai pas spécialement d’éclairage et ils sont étroits et sombres. Riz et fruits secs à midi et fringale à 17 h. donc j’achète des brugnons et des gâteaux dans une boutique d’où je peux surveiller mon vélo. En effet, je ne peux pas me permettre le supermarché car je n’ai pas envie d’arrêter mon projet à cause d’un vol de vélo ou de matériel. En voyage c’est ma préoccupation principale : surveiller le matériel et faire peu confiance. Je fais remplir comme chaque soir mon bidon de 5 litres pour le dîner et la douche du matin. Je ne trouve pas d’endroit sûr avant 21h30 bien que j’ai demandé l’hospitalité à des italiens qui m’ont expliqué gentiment que chez eux c’était propriété privée comme si je ne le savais pas. Je trouve une pelouse vue sur mer mais les arroseurs automatiques se déclancheront vers 22h et je doit me réfugier à moitié trempé derrière un muret où les gens doivent venir pisser. A partir de 23h je suis réveillé par une pute qui amènera des clients toutes les demi heures à dix mètres de là où je dors. Bref, une très mauvaise nuit bien que les moustiques ne viendront que vers 5 h du matin, heure à laquelle je décide de me remettre à vélo.

Jeudi 6 juillet 115 km 434 km cumul BEGEGGI/TORTONA DAY4

Les préservatifs autour du banc attestent du bon travail de la fille. Je me régale de pains italiens sur le port industriel de Savona. Je bois comme chaque jour mon litre de lait, cette fois ci en regardant les chats sur la plage. Comme il y a des douches pour les baigneurs, j’en profite pour la lessive. Les chats ne toucheront pas le beurre que je leur laisse ! Dure montée de 2 heures avec mes 35 kg de bagages sur la remorque pour gagner le col de St Guistina. Je ne suis pas cycliste et je souffre vraiment dans les montées, cela durera jusqu’a la fin du voyage.  Je m’arrête vers 11h cassé et je comate durant 1 h en me faisant un peu peur car je ne me sens pas très bien. Fruits secs et spaghettis et ça va mieux. Que j’ai mal aux fesses !!!! Je me baffre un sandwich saucisson et coca dans une auberge où deux jeunes serveuses me sourient bien beaucoup avec un air coquin. Je roule comme un dératé : 30 km/h sur des autoroutes où je squatte une bande d’un mètre vu que les camions font à chaque passage des sacrés appels d’air qui font osciller le vélo du devant jusqu’à la fin de la remorque. 17 h le temps menace alors j’achète saucisson, bolognaise, raisin qui, je ne le sais pas encore, vont servir à faire un repas de fête vu que je vais apprendre dans ma tente ma réussite au concours de professeur des lycées professionnels. Texto de Luc : « félicitation tu es le premier fonctionnaire de la famille ». Je saute dans la tente, je retrouve un max d’énergie car j’ai beaucoup donné pour la préparation de ce concours et tout d’un coup c’est la récompense. On m’avait dit que je pouvais consulter ma messagerie gratos mais ce n’est pas vrai et mon forfait s’épuise. Une vielle dame m’autorise à camper dans son pré et la pluie éclate alors que je monte la tente sur une bosse car elle m’avait averti que l’eau s’accumulait dans les creux. Ici c’est bien car les maisons sont éloignées de la route principale et il faut prendre des petits chemins bordés d’arbres pour accéder au calme.

Vendredi 7 juillet 112 km 5h32 sur vélo 546 km cumul TORTONA/ST NAZZARO DAY5

Douche africaine et la tente sèche gentiment. Pain beurre confiture et latte et café internet. Soleil caché et vent de face ce qui est très important quand on pédale. Les gens sont très étonnés que je voyage seul comme d’habitude. Qu’est ce que je peux être fatigué le midi !!! Je me repose sous de grands arbres dont le tronc est couvert de cadavres de larves de cigales. Elles sont comme immobilisées pour l’éternité. Route chiante, j’achète du chocolat, des spaghettis et de la sauce bolognaise Barilla. J’ai acheté aujourd’hui des gants de vélo à 13 Euros et en plus ils sont assortis à mon sac jaune. Le gars dans la boutique m’offre une barre vitaminée ! Je ne prends plus les déviations des villes mais je traverse tout droit et gagne ainsi beaucoup d’effort de plus c’est plus pittoresque que les boulevards.  Tout le monde me regarde… Ma lessive sèche sur la remorque maintenue par des tendeurs. J’achète aussi une éponge grattoir et comme elles sont par deux, j’en donne une à la caissière qui semble étonnée de mon geste qui consiste à ne surtout pas augmenter le poids de la remorque. Je veux aller jusqu’à Cremona mais l’orage menace. Je mets la tente chez un paysan sympa et il m’offre son hangar pour prendre l’eau, la douche au tuyau d’arrosage et protéger mon vélo de la pluie. En fait s’il me l’avait dit avant je n’aurais pas monté la tente et j’aurais dormi dans le hangar à côté du tracteur. Je dors face aux champs de maïs.

Samedi 8 juillet 140 km 7h21 sur vélo 685 km cumul ST NAZZARO/MAREGA (LEGRAGO) DAY6

Je traverse le Po sur une voie réservée aux vélos. Vu mon drapeau les italiens m’interpellent car il y a le match de la coupe du monde France/Italie. Je traverse des villes désertées par les voitures car les italiens ont coupé la circulation pour permettre à chacun de marcher tranquillement sur les routes pavées. Des tonnes de vélos en profitent, j’adore cette vie plus simple. Sur des routes de campagne je croise les premiers canaux vénitiens, c’est calme, les hérons font les équilibristes, il y a des digues, des petites écluses, des écrevisses c’est pour cela qu’il faut savoir aussi quitter les grandes routes plus rapides, moins sinueuses mais effroyables au niveau du bruit généré par les camions. Plus tard, sur la grosse route RN10 je vois 3 oiseaux et des tonnes de hérissons qui sont restés figés dans des postures absurdes suite au choc mortel contre les véhicules, je me bouche le nez. Il y a parfois des pistes cyclables mais les maires n’ont jamais dû faire de vélo car il y a des trottoirs à franchir tous les 50 mètres et une multitude de plaques d’égout. Après avoir essuyé une dizaine de refus je trouve Ali qui m’ouvre son champ et me conviera à dîner. Il n’y a pas sa femme car elle reste en cuisine ce qui est la tradition chez les musulmans. Je crois qu’il avait déjà mangé avec sa famille et il remange avec moi. Il programme des robots sur des chaînes de montage et dépanne les PC à domicile pour un peu plus d’argent. Il est content d’être en Italie car pas mal de ses amis sont en prison au Maroc.

Dimanche 9 juillet 134 km 819 km cumul MAREGA/TREVISE DAY7

Les mélodies de cloches sont très complexes et magnifiques. Je travaille sur la carte de l’Europe ce qui est un peu déprimant car je ne fais que 3 cm par jour… Pas de pain car fête nationale. Montagnana superbe, ville à arcades entourée de fortifications où je trouve une pâtisserie ouverte pour manger et acheter un litre de lait. Je croise un luxembourgeois qui va en Slovénie sur un vélo de ville et habillé d’un blouson de ski alors que le soleil tape. Je dors sous le cerisier d’un paysan, déçu de ne pouvoir faire plus de kilomètre vu le mal partout. Quand j’en ai un peu marre sur la route, je me parle tout haut, je me dis « c’est pas gave » comme dit ma fille. Une demi boite d’ananas, du saucisson et des spaghettis

Lundi 10 juillet 127 km 7h sur vélo 946 km cumul 946 km TREVISSE/TARVISIO DAY8

Routine…Internet, shopping. J’offre du papier toilette à la dame qui fait la queue au supermarché car je ne peut pas transporter les 4 paquets vendus ensemble (on fait des choses en voyage !!). Elle me dit grace je lui répond prego. Plus tard et pas au courant du changement d’heure j’ouvre une épicerie et déclanche l’alarme ainsi que le rire des ouvriers qui travaillent sur le chantier proche. Je longe les Dolomites qui nagent dans la brume. Je règle un problème de réchaud en mettant de la terre dans le pas de vis car une fuite atténuait la combustion. J’ai mal aux poignets car je suis très penché sur le cadre, j’ai mal au cou et j’ai toujours des sacrés coups de barre le midi qui m’obligent à dormir avant de pouvoir trouver l’énergie de cuisiner le déjeuner. Je suis constipé, certainement l’eau des puits italiens. Un paysan, dont le chien veut me dévorer, m’offre de l’eau ainsi que l’hospitalité dans son champ. Je dors près de la voie ferrée mais quel plaisir toujours de choisir son coin pour la nuit après avoir été si loin de sa maison, on se recréait un petit chez soi avec les choses toujours à la place habituelle.

 

Mardi 11 juillet 122 km 7h13 sur vélo 1069 km cumul TARVISIO/FERLACH (AUTRICHE) DAY9

Bien dormi, ça monte et ce n’est pas fini ! Les sms marchent passé la frontière ! J’achète des lions, de la confiture, du chocolat et 1 litre de coca. Le type de la station service m’offre de l’eau et me permet de cuisiner à coté tout en regardant les types charger leurs pick-up de bière et me charge mon portable. C’est beau mais ça monte comme jamais ! Des pistes cyclables impeccables, des bancs, des lacs, le paradis, des tourniquets catadioptres qui tournent avec le vent, il y a des sous dans ce pays.  Je regonfle les pneus en station et ça roule bigrement mieux mais comme c’est la première fois, j’ai peur que ça éclate. Dodo chez un paysan et visite d’un lapin près de ma tente. Vue magnifique, petits clochers blancs.

Mercredi 12 juillet 112 km 5h51 sur vélo 72,9 km/h max !!!! 1181 km cumul FERLACH/RUSE (SLOVENIE) DAY10

Orage toute la nuit et réveil dans la brume, je me rends compte que j’ai perdu un T Shirt de vélo hier près d’une cascade où je faisais la lessive. Montées infernales 7km/h !!! Mais aussi descentes infernales qui me font aller à 72,9 km/h ce qui est du suicide vu que le vélo se met alors à osciller dangereusement. La bonne nouvelle c’est que je trouve un passage à Olmec qui ne monte pas du tout contrairement à ce que tout le monde m’avait dit et je gagne ainsi de manière inespérée la Slovénie en longeant la Drava. A midi je me fais inviter à une bière par Franck qui parle français car il a travaillé en Suisse mais je termine avec difficulté 1 litre de bière, un schnaps ce qui me fera rouler tordu par la suite. En fait ici les gens finissent de travailler vers 14h et vont boire ou faire du sport. On discute aussi avec un grand qui va à l’enterrement d’un pendu et nous raconte qu’il y en a deux fois par semaine ici. Je dors à la ferme près de deux gros cochons aux yeux tout ronds, de vaches et de poules qui puent. J’ai vu aujourd’hui des hérons, des cygnes et des canards sauvages.

 

Jeudi 13 juillet 146 km 1326 km cumul 6h55 sur vélo RUSE (SLOVENIE)/LETENYE(HONGRIE) DAY11

Le fermier m’invite à boire le café et son petit fils me montre son album de foot. Pas beaucoup de meubles dans cette grande bâtisse. Thé au schnaps ! Je leur montre où j’habite car il y a une carte de l’Europe sur son album. Je passe en Croatie après avoir dépensé mes sous Slovènes. Je tombe à cause de gravillons et je me relève immédiatement car même si le trafic va doucement à cause des travaux j’ai un camion derrière moi. La sacoche a valsé sur la route et le vélo n’est pas trop abîmé. Je ne le sais pas car je ne sens rien mais je me suis cassé une côte et j’ai un bleu à la fesse ce qui va gêner mon sommeil durant une dizaine de jours. J’ai cinq petites plaies sur les bras et l’épaule. Très jolie centre ville à Varazdin avec que des vélos et piétons. Je cuisine les spaghettis sur le banc ce qui étonne plus d’un passant vu le bruit du brûleur. Je dois passer sur 2 km d’autoroute pour passer la frontière Hongroise ce qui me semble très bizarre mais je n’ai pas d’autre solutions à priori mais c’est bien indiqué que l’autoroute est interdite aux vélos. Les trabans deviennent légions, les routes se dégradent sérieusement, les maisons sont petites, les bus polluent, les gens vendent leurs pommes devant chez eux. Un type moyennement sympa tolère que je campe devant chez lui et m’offre de l’eau. Il m’indique que la route est vallonnée jusqu'à Budapest. Les filles sont beaucoup plus jolies ici, les tracteurs sont nombreux et les façades des maisons affichent leurs briques car l’enduit doit coûter trop cher. Mon voyage n’est pour l’instant pas un voyage d’agrément car j’ai trop de questions en tête, est-ce que je ne vais pas me blesser, avoir mal, avoir la monnaie du pays, trouver les cartes…

Vendredi 14 juillet 155 km 1482 km cumul 8h20 sur vélo LETENGE/VESPREM DAY12

Réveillé à 2 h du matin car un poids lourd vient prendre la remorque contre laquelle j’ai mis la tente. Route dangereuse pour les vélos jusqu’à Zalakomar et elle est même interdite aux vélos mais je ne sais pas où aller ailleurs. A Zalakomar, j’ai l’impression qu’ils sont tous gitans. Je change dès que je peux pour un itinéraire touristique qui longe le lac Balaton. C’est beau, très beau mais ça monte pour rien alors que la route principale est plate. Bon, si c’est pas tous les jours on peut faire du tourisme non ? Des oies sauvages passent à distance. En fait ce lac c’est la déception car on ne le voit presque pas de la route, il y a des roseaux et sinon c’est des campings, des boutiques touristiques où les gens sont détestables. En demandant de l’eau, la dame m’apprends qu’elle est psychologue à Prague et elle me demande pourquoi je voyage, elle ne comprends pas pourquoi vouloir souffrir ainsi sur les routes. Qui a raison ? L’orage menace, il faut penser à dormir mais ici que des campings, alors crevé (140 km déjà) je me lance malgré tout dans une montée abominable de Csopak à Veszprem et où je ne peux dormir car c’est bordé de terrains militaires. Comme toujours dans les voyages lorsque tout va mal, la providence frappe :  je croise Andréa et Zoltan à vélo eux aussi qui m’invitent chez eux comme j’en peux plus de mon vélo, Zoltan le prends pendant que je chevauche son vélo de course super léger. C’est dans ces moments que l’on trouve tout logique, naturel, beau. Le coucher de soleil semble imprégner mon corps, je plane, je pédale dans ma tête. Andréa est professeur de français donc elle est bien contente de parler longuement avec moi. Zoltan travaille dans l’armée mais il s’intéresse aux spiritualités et m’offre pour mon départ une carte postale du Bouddha. Je suis marron sous la douche et deux shampoings sont nécessaires, pareil pour le linge… Les immeubles HLM sont vétustes, l’électricité fait peur à voir.

 

Samedi 15 juillet 108 km 1590 km 6h38 sur vélo VESZPREM (HONGRIE)/KOMARNO (REPUBLIQUE SLOVAQUE) DAY13

Andréa me laisse sur la bonne route super ventée et en plus elle monte ! C’est la route d’une station de ski et mon vélo tombe emporté par le vent alors que j’achète de quoi reprendre des forces psychologiques. Les 7 km/h me minent le moral. Suite à des conseils dans une station service je change de route pour prendre du plat et en plus protégé du vent dans une petite vallée. C’est ça le voyage, des contrastes. Je rentre en République Slovaque en traversant le Danube qui n’est pas du tout bleu. Je veux changer mes devises à la frontière mais personne ne sait où se trouve le type qui a pourtant laissé ouvert sa boutique. Énervé, je ferme le panneau du gars et je ferme les deux portes. Je peste encore car m’attends une grande montée mais une vielle folle puis un jeune qui lave sa voiture ne veulent pas me donner de l’eau. Sale humanité ! Au soir un cubain m’indique que le champ dans lequel je voulais camper appartient à un furieux qui possède un fusil et je vais donc trouver l’animal mais d’animal il n’y a pas, alors je ne prends pas de risque et part voir ailleurs, en face d’une villa où l’on m’autorise à camper dans les moustiques. Je sors juste les mains de la tente pour cuisiner et je me retrouve avec 7 moustiques morts dans mon riz, les protéines qui me manquaient ! Comme je me suis trompé au magasin, c’est du piment et pas de la bolognaise qui accompagne ce soir mon riz. Mal au cou car nerf bloqué suite à l’accident de vélo, mais le souvenir de la cigogne vue aujourd’hui vient bercer mon sommeil.

Dimanche 16 juillet 121 km 1712 km cumul 7h39 sur vélo KOMARNO/PARTIZANSKE DAY14

Très bonne nuit et les moustiques partis dormir me permettent de faire mes ablutions matinales. Je fais la fête car il n’y a pas de vent ce qui sera faux 5 minutes après car il se lève force 5 et me mine le moral. J’ai 60 km à faire à découvert à 15 km/h. Seul réconfort, j’arrive à envoyer quelques sms. Blés, tournesol, le vent est froid. Les gens ne répondent pas à mes bonjours donc j’arrête dégoûté. J’ai acheté des cartes détaillées ce qui me permet de voir un peu le relief et de moins déprimer car la distance parcourue parait plus grande quand on tourne souvent la carte pour la replacer sous son plastique de protection sur ma sacoche avant. Un cycliste m’explique que je peux camper tranquille car les champs ici faisaient partie de kolkhozes. La terre qui n’a pas été travaillée depuis des années est dure et je dois insérer les sardines de la tente entre les fissures. Un renard au loin chasse.

Lundi 17 juillet 126 km 1838 km 7h sur vélo PARTIZANSKE/DOLNY KUBIN DAY15

“KORBACE SYR ZMRZLINA” Comment prononcer le dernier mot??? Aujourd’hui cela fait 100 heures que je pédale sur mon vélo me dit l’ordinateur. En voyage, surtout quand ça va lentement ce sont ces petits évènements que l’on fête pour se donner du courage. Cette nuit j’ai eu très peur, j’ai même sorti mon opinel car j’entendais des bruits de pas lourds, pas d’hommes je pense, ce que je crains le plus ! Peut-être était-ce finalement une grosse bête, mais quelle bête ? J’attends dans ma veste polaire que le soleil vienne pour sécher la tente couverte de rosée. Je reprends le chemin tout terrain pour regagner la route sans déranger les abeilles dans leur roulotte. Le cycliste m’avait dit que le pain serait ouvert seulement entre 8h à 9h. Lait en sachet plastique et confiture autrichienne modèle économique, le tout consommé au soleil devant la boutique sous l’œil intrigué des passants qui regarde le vélo train. Les gens sont plus sympas que les hongrois. Je jette ma poubelle de la nuit (fixé sur la remorque) comme tous les matins. Dans un village je monte en musique car des haut-parleurs du temps des kolkhozes diffuse des rythmes entraînants. Plusieurs cigognes qui picorent des grenouilles dans les champs où le tracteur finit la moisson. Je termine ma monnaie mais j’oublie que j’ai l’essence à faire pour le réchaud et j’ai plus un sou maintenant ! Heureusement un automobiliste compréhensif me fera le plein gratos. Autre bêtise, cela fait 1838 km que je roule sans pompe car j’ai enlevé une pièce primordiale à la mienne en pensant que c’était une protection à retirer. Heureusement il y a un bon dieu pour les idiots et je n’ai pas encore crevé. Je discute avec la fille de la station service qui me donne de l’eau, m’offre un siège et recharge mon portable, m’ouvre les toilettes et me laisse taxer ses clients en essence. Je me sens un avenir de parasite. Je trouve plus tard dans la campagne un vieux lavoir occupé par deux filles qui rigolent de me voir ici à laver mon linge. Je repense au type qui n’a pas voulu m’indiquer mon chemin et au vieux qui m’a mis sur la bonne route en prenant son vélo pour m’accompagner un bout. Drôle d’humanité, triste humanité. Je me console en me disant que les bougres ne l’emporteront pas au paradis. Je me goinfre des boites d’ananas le soir, je crois que j’ai besoin de sucres. Je planifie dans ma tente toute la route pour la Pologne. En toussant je hurle de douleur vue que ma côte doit être félée.

 

Mardi 18 juillet 138 km 1976 km cumul 7h sur vélo DOLNY KUBIN / KRAKOV (POLOGNE) DAY16

Réveil vers 6 h comme d’habitude et c’est toujours trop tôt car il faut que la tente sèche et il faut donc attendre le soleil. Douche avec l’eau à 10° car la nuit est fraîche dans les Carpates. Le petit déjeuner ne sera que dans 40 km car je n’ai plus de sous Slovaques et je dois attendre de passer la frontière. Je vide le lait en poudre car en fait j’achète du lait frais chaque jour.  Je fait les 800 m pour regagner la route car je me suis bien caché pour dormir tranquille. Des côtes monstrueuses toute la journée, je déglingue les kit kat. Frontière passée à 11h30 et il reste 8 km pour me ruer vers un bancomat et sortir l’argent polonais ! Un type m’explique que je dois prendre la route principale qui certes monte au départ mais descend tout du long avec des kilomètres de travaux. Je baffre des chips avant de partir mais elles sont aux oignons… Il est 15h et j’ai fait 100 km. Je trouve 3 petits vieux sur les hauteurs de Cracovie illuminée qui me font poser la tente dans leur jardin, m’offre leur douche et tout ça après s’être assuré que je n’étais pas allemand mais français. J’attends avec impatience la Pologne plate que l’on m’a décrite et un gars me rassure en me disant que j’ai fait le plus dur. Ici il y a des grosses dindes, des plus petites en liberté et des cigognes. Le soleil est enfin à droite ou à gauche alors que jusque là je l’avais devant ou derrière ce qui veut dire que je fais maintenant des km dans la bonne direction : le cap nord alors q’avant j’allais au Tibet ! En fait j’ai choisi de faire ce grand détour sur la droite pour pouvoir longer la Russie et voir donc des endroits un peu plus sauvages. Quand je pense que les petits vieux ont préféré que je dorme dans leur jardin au lieu de dormir en face comme je leur avais demandé ! Je voudrais bien visiter les mines de sel, ils y a même une église taillée dans le sel dans la mine et je voudrais aussi rendre hommage aux déportés de Auschwitz mais ce n’est pas mon objectif alors je reviendrai.

Mercredi 19 juillet 191 km ! 2167 km cumul 9h sur vélo KRAKOW / TARNOBRZEG DAY17

Arrêt superette pour acheter du jus d’orange car aujourd’hui, vu la carte, je devrais bien rouler car je ne vois pas de relief. Comme je rends une bonne partie de ma plaque de beurre à la caissière (il fait trop chaud pour le garder) elle insiste pour me donner un soda. Le chasseur d’instants gratuits que je suis est comblé ! La route principale monte et descend car elle est construite sur des collines alors que la vallée est à portée de guidon ! Je me perds donc pour regagner des petites routes plates dans la vallée : du bitume puis du gravier et maintenant du sable ! Je croise même un beau lièvre apeuré de voir ma monture et là c’est la déprime car il y a un fleuve infranchissable et 4 pécheurs polonais qui me disent en cœur « nié » et confirment que c’est pas possible. Voilà les joies de l’aventure. Enfin je ne regrette rien c’est bien de tenter et puis je vais trouver des belles routes pourries certes mais pittoresques à souhait. C’est le paradis : champs de tabac, des vaches, des chevaux, des dindes, des poules et du plat ! Une dame me dit que je peux traverser plus loin mais il n’y a rien sur la carte et si c’est faux, je vais faire un sacré détour. En fait il y a un bac qui semble sortir de nulle part, la musique à fond et le gars qui comme dans les films de Kusturica sort avec sa casquette pour me faire traverser. C’est encore un moment irréel comme il y en a beaucoup dans les voyages. Pas de moteur mais un jeu de câbles astucieux qui donne un angle au bac poussé alors par le courant. Plus loin, on m’offre de l’eau du puit ultra fraîche et des petits concombres que je charge sur la remorque.

Jeudi 20 juillet 165 km 2332 km cumul 8h sur vélo TARNOBRZEG/OKRZEJA DAY18

Petit déjeuner dans un grand marché en bas de Sandomierz car je ne veux pas monter sur cette ville perchée. Des montées mais comme chaque fois en voyage après le mal, le bien : je me fais inviter au café puis à la soupe puis aux boulettes de viande puis aux cartofen (patates) par une famille dans une petite ferme : Gregory, Ania, leur deux filles Domenica et Natalka (qui me montre son livre d’anglais)  et la grand-mère Natalia. Ils me montrent les photos de famille, je parle avec mes cartes, je fais la lessive et charge mon téléphone. Les voisins ne tardent pas à venir comme en Afrique. Il fait -35° ici en hiver. Cet accueil me donne l’énergie pour rouler les collines tout l’après midi. Il fait tellement chaud que le bitume colle aux pneus ! La route est creusée par les camions donc, soit tu roules au milieu de la route et tu te fais écraser, soit tu te mets dans la rainure fondue, soit tu te mets sur la bosse étroite enfin bref un vrai casse tête. Je plante la tente chez un gars trop sympa qui m’amène voir deux jeunes filles Joanna et Wioleta avec qui je peux discuter en anglais durant toute la soirée. On me sert des scramble eggs du pain et du chocolat. Wioleta m’explique qu’elles dorment dans la cuisine pour avoir chaud.

Vendredi 21 juillet 193 km 2525 km cumul 8h39 sur vélo OKREZEJA/CYARNOWO DAY19

Vent de dos, petites routes où je croise une voiture toutes les 5 minutes. Des bébés cigognes. Je tombe sur 800 m de piste romaine car les habitants ne veulent pas payer le bitume! Impossible de pédaler là-dessus et je ne sais pas encore pour combien de temps cela va durer… Je demande de l’eau et Jenesa m’invite aux gâteaux secs café et je suis harcelé par les enfants : Hubert, Szymon, Natalia, Maria, Adrian et max le chien. Les garçons me montrent leurs dessins de porshes, wolkswagen, new beattle…Sur un autre dessin il y a une maison avec une antenne Canal + ! Je leur dessine une 2CV Citroën. Des gros rideaux aux portes pour le froid, le grand poele couvert de carreaux blancs, la photo de Jean Paul II. Visite du jardin où l’on me fait cadeau de concombres, petites pommes et tomates. J’ai acheté un saucisson horrible car tout mou dans sa peau, il finit donc en bolognaise peu ragoûtante.  Voulant battre les 200 km, je m’obstine à rouler sous l’orage et je me retrouve gelé et m’arrête en sous bois sans avoir fait les 200 km. La tente est posée sur un duvet de mousse épaisse. Pourvu que le loup ne soit pas là car si il y était il me mangerait. Trèves de plaisanterie, il y a des loups ici. Pour ceux qui pensent que je suis en vacances, j’ai des tonnes de trucs à gérer et je suis raide mort de fatigue.

Samedi 22 juillet 131 km 2655 km cumul 6h13 CZARNOWO/SUWALKI DAY20

Réveil tard 7 h et il pleut. Douche dans la mousse c’est super comme tapis de bain. A l’épicerie le matin les gars sont déjà bourrés. Ils achètent de grandes cannettes de bière. Pas la forme aujourd’hui et la route qui traverse le parc national Narodowa est casse cul. Heureusement je vois un élan sauvage dans les marécages. Thérésa qui parle anglais m’offre de l’eau au puit, il faut tourner une molette et l’eau monte. Elle veut m’offrir son lave linge car elle a un programme qui dure 30 minutes et je fini à table. Il y a un grand four à bois avec les éternels carreaux blanc qui chauffent les deux pièces. Il y a un micro onde avec lequel elle me cuit deux cuisses de poulet accompagnées de concombre, de tomates, de gâteaux secs et du café (on jette le café au fond du verre et on met l’eau par-dessus). Des tonnes de cigognes debout dans leur nid. Moi si j’étais cigogne, je me coucherai pour me reposer les pattes. Je prends 10 km de piste puis je tombe sur une route affreuse pour la Lituanie avec un camion toutes les secondes. Il y a des cigognes qui ont fait leur nid à 2 mètres de la route, quel manque de savoir vivre !  Comme ça me saoule, je prends une petite piste et m’arrête dans un bled où des enfants ne tardent pas à venir m’offrir des parts énormes de gâteaux.

Dimanche 23 juillet 180 km 2836 km cumul 8h49 sur vélo SUWALKI/KEDAINIAI (LETTONIE) DAY21

Levé 5 h. Autoroute affreuse, frontière sinistre avec soldats et grillages (la Lettonie faisait partie de la Russie il y a 15 ans). Vers 17h saoulé par l’autoroute, je bifurque sur un paradis (Labunava) ; une steppe mongole, des chevaux magnifiques dans le vent sauvage. Je tombe plus loin sur des jardins ouvriers mais on me repousse jusqu’à ce que je tombe sur un gaillard qui me dit tout de suite où mettre ma tente. Il a une force incroyable et me puise l’eau en deux secondes. Je suis content quand il vient chercher les chèvres qui pétaient à tout va et qui circulaient autour de ma tente pour le coucher. Il m’explique que je peux dormir tranquille car il a le fusil. Je me bats avec les fourmis rouges et finis par pisser dessus.

Lundi 24 juillet 141 km 2977 km cumul 7h16 sur vélo KEDAINIAI (LETTONIE)/GRENCTALE (LITUANIE) DAY22

Demain je passe le cap des 3000 km. Le colosse vient piquer les chèvres avec un pieu et un marteau. Le bouc monte sur ses sabots arrière. Il choisi des endroits non broutés, les broutés se reconnaissent à leur trace circulaire autour du pieu. je veux prendre une petite route mais derrière le cimetière c’est déjà des gravillons et je crève au bout de 500 mètres. En plus les quelques voitures passent comme des dingues pour me couvrir de poussière et me faire disparaître dans un nuage blanc durant 1 minute au lieu de me demander si j’ai besoin de quelque chose. J’abandonne la piste et reprends la route où je croise une femme qui a installé la machine à laver dans le pré avec une rallonge et elle remplit la machine avec des seaux d’eau du puit ! J’essaye de m’arrêter dans une station service mais deux chiens me poursuivent et je repars sans m’arrêter. J’avais déjà remarqué que les chiens étaient un peu tarés ici et que la plupart du temps ils étaient attachés. Il y a des travaux sur cette autoroute tous les 5 kilomètres et le trafic est alterné avec des feux. Le problème c’est que si je laisse passer tout les camions, je n’ai pas le temps de parcourir la distance avant que le feu d’en face ne passe au vert et me retrouver alors face aux camions alors je pars en premier mais les camions derrière me bourre les fesses ce qui est hyper stressant. Un camion me pousse sur le coté, il y a des gravillons partout, le goudron fond et les motards ont des traces de goudron sur le casque. Le vent de face et la pluie me dégoûtent et je campe dès la frontière passée. Je me fais jeter par une vieille et je suis accueilli plus loin par un paysan qui m’écoute et regarde mes gestes qui lui montrent un arbre sous lequel je voudrais bien mettre la tente. Puis après 10 minutes où j’ai l’impression de passer pour un taré, il m’emmène négocier avec sa femme qui heureusement était d’accord, mais je doit me coltiner son chien qui me suit et s’emmêle dans les fils de tente en poussant un cri qui, je l’espère, n’alertera pas son maître qui va alors me maudire.  Il part quand je m’enferme dans la tente.

Mardi 25 juillet 165 km 3143 km cumul 7h45 sur vélo GRENCTALE / TUJA DAY23

Journée qui s’annonçait mauvaise car vent de face et temps gris mais c’est la super journée : Le paysan m’invite au breakfast (seul mot anglais qu’il connaît) avec sur la table le beurre maison, les cuisses de poulet fumées, le miel maison, le fromage. Sa femme qui a le bras paralysé se débrouille super bien pour faire sa tartine beurrée ! J’ai la polaire car ça caille. A partir de Riga le paysage change, c’est plus nordique : sapins avec odeur de résine, lacs bleus, maisons de bois. J’ai compris pourquoi les cigognes restent debout dans leur nid c’est pour bronzer des pattes car elles aiment qu’elles soient bien oranges. Je retrouve la mer après l’avoir laissée près de Gènes. Je fais un détour pour camper entre les arbres qui donnent sur une plage superbe mais je dois attendre 22h avant de planter la tente car il y a encore des gens qui se promènent.

Mercredi 26 juillet 158 km 3302 km cumul 7h49 sur vélo TUJA (LITUANIE) / ANAZE (ESTONIE) DAY24

Bain de mer au savon, puis rinçage à l’eau douce du bidon. Lessive dans la mer. Je prends après la frontière un circuit côtier indiqué « circuit à vélo européen ». Je rencontre en sens inverse deux frères à vélo et je leur donne des infos sur la suite de leur voyage et ils me donnent les infos sur le bateau de Tallin. Je crève face au vent et au milieu des camions. Je suis à découvert car je suis au milieu des champs de blé. Je dors dans la forêt.

Jeudi 27 juillet 123 km 3425 km cumul 7 h sur vélo ANAZE (ESTONIE) / HELSINKI (FINLANDE) DAY25

Levé 5 h dans la forêt et bizarrement la tente est sèche. Pas de loup mais douche à 10°. Je ne veux pas arriver à Helsinki à la nuit et donc je pars vite pour pouvoir attraper un bateau vers midi mais le vent est monstrueux et de face bien sûr. Franchement aucun plaisir sur cette autoroute. Rien à voir à part une biche. Dans Tallin, 10 km pour arriver aux bateaux et peu d’indications. Je fais les courses en grand. Je prends un bateau plus cher mais qui arrive plus tôt car je n’aime pas arriver dans les grandes villes la nuit. En plus je suis en business class alors je me gave au buffet et j’arrose d’un vin chilien pour fêter la traversée. Au début les serveuses ont pensé que je m’étais trompé vu ma dégaine et j’ai du leur montrer mon billet pour que l’on devienne copains. Beau bateaux en bois côté Finlande, vieux tramway, des tonnes de cyclistes casqués, des pistes cyclables bien fléchées mais qui montent et qui descendent plus que les routes donc je fais l’anarchiste et emprunte les routes. Il y a aussi des gens à roller avec leurs bâtons de ski qui font le pas du skieur de fond sur le béton. Les gens sortent du boulot vers 16h. Ici les pistes de ski sont éclairées la nuit. Je monte vers une ferme où je suis reçu comme un prince par des Finlandais modernes. Je parle anglais pendant 2 h et ils m’offrent un gâteau sous forme de croissant et un jus de groseilles puis une bonne douche dans une salle de bain avec des bancs de bois et une évacuation au centre de la pièce qui est immense. Camping chez eux en face des blés avec tribu de lapins qui me regardent. Il y a aussi beaucoup de raffut dans les bois car un cerf doit roder par là. La famille me dit qu’il y a aussi des loups et des ours et me demandent si j’ai une arme.

Vendredi 28juillet 164 km 3589 km cumul 8h sur vélo HELSINKI / HARTOLA DAY26

Ma fille m’a envoyé un sms pour que je ne mange pas les lapins. Ça caille et mes habits sont humides. J’achète des tonnes de mars et de lions au magasin SPAR car je suis devenu un fanatique de ces barres sur mon vélo. Belle route bordée de belles lignes blanches. A 14h le réchaud a un joint qui fuit et le feu se propage sur toute la bouteille. Il me faudra 4 essais pour trouver la panne. Ici il y a la vieille route, l’autoroute, la voie de chemin de fer et la piste cyclable en parallèle. Des Harley Davidson, des campings cars. Un paysan me donne de l’eau mais me fait tourner en bourrique lorsque je lui demande de camper, je partirai dégoûté dormir dans la foret pleine de moustiques.

Samedi 29 juillet 150 km 3739 km cumul 7h29 sur vélo HOTOLA / AANEKOSI DAY27

Je rêve beaucoup, me lève tard et n’ai pas le courage de me laver car il fait trop froid alors le bidon sert pour la lessive. J’achète du FINLANDSK FRUKTMUSLI (muesli) délicieux, du MAITO (lait) délicieux, du jus de myrtilles, du pain tranché très noir et des bonbons pour se motiver sur la route. Je casse le câble de passage des vitesses du grand plateau ce qui va devenir super gênant car ici il y a des collines phénoménales. Tout est fermé ce que m’annonce une caissière qui appelle les magasins de vélo de la ville ! Elle m’apprend kiito qui veut dire merci si on prononce toutes les lettres. Je trouve une grande surface mais le câble est trop gros et malgré ma réparation avec les moyens du bord, je casse le système de freins que je ne pourrait changer que lundi et je vais donc changer l’itinéraire pour passer par Oulu une grande ville qui aura mon matériel high tech et je vais rouler câble bloqué en attendant. Dans les super marchés ici il y a des consignes pour chiens : on ferme la petite cage et on part faire ses courses avec la petite clef. Il y a aussi des maxi cosi intégrés aux caddies. On doit être des cromagnons pour les finlandais. Il est 16 h je n’ai toujours pas mangé et je me baffre les chips et un mars pour repartir car je voudrais au moins faire 130 km aujourd’hui. Je dors au bord d’un lac toujours bordé de roseaux.

Dimanche 30 juillet 186 km 3925 km cumul 8h20 sur vélo AANEKOSI/KARSAMAKI DAY28

Douche sur caillebotis car il y a une palette devant la tente. L’eau du lac est marron, je m’en aperçois quand je fais la lessive. Il fait froid notamment à cause du vent dû à l’avancée du vélo. C’est moins pittoresque à gauche de la Finlande mais c’est plat. Alléluia j’ai le vent dans le dos et je navigue à 20-30 km/h : un vrai bonheur car sinon c’est un peu monotone. Chaque matin, je me demande comment je vais occuper toutes ces heures sur le vélo. Dodo dans la forêt avec des bruits d’animaux pas possibles.

Lundi 31 juillet 169 km 4094 km cumul 7h sur vélo KARSAMAKI/YLILI DAY29 

Douche à 6°, la fumée sortait de ma peau ! Cette nuit j’entendais la bête respirer mais en fait c’était le duvet qui avec ma respiration faisait ce bruit. Par contre ce matin, il y a vraiment eut une grosse bête qui a couru près de ma tente. Je dois me grouiller car les magasins de vélo ferment à 17h et il y a 115 km à faire…Je rencontre Robert qui est retraité et voyage à vélo alors que sa femme voyage en même temps mais avec l’autobus. Il va lui aussi au Cap Nord et je devrai arriver un peu avant lui, c’est rigolo, chacun son histoire. Arrivé à Oulu je trouve la pièce pour le vélo et ça me coûte 65 Euros alors que si j’avais emporté le bon câble, cela m’aurait coûté 3 Euros… Très jolies filles. Vent dans le dos et je vois sur la route pour Ylili un élan et des rennes, ça doit être les rennes du père noël car ils ne sont pas farouches. Mouches, musaraignes, abeilles, moustiques, que de bêtes ici ! Et elles me tapent sur la figure car elles volent à contre sens. J’ai trouvé le paradis : Ylili : rivière calme, village en bois, des écureuils.

Mardi 1er août 173 km 4268 km cumul 7h58 sur vélo YLILI/ROVANIEMI DAY 30

Un restaurateur à qui je demande des informations sur la route m’offre un café et cherche dans son dictionnaire le mot « travaux ». Je comprends après car en effet la route est coupée plusieurs fois sur plusieurs kilomètres et j’abîme le vélo sur des caillasses monstrueuses. Ma carte bleue ne marche plus ! Frayeur car sans elle, je ne vois pas comment je peux continuer le voyage, notamment pour rentrer en France. La puce s’est abîmée dans ma chaussure car il devait y avoir des petits cailloux dedans. Il est tard, je laisse se problème de côté pour l’instant et cherche un endroit pour dormir, je tombe sur l’aéroport puis sur un chenil d’environ une centaine de chiens de traîneau qui vont gueuler toute la nuit.

Mercredi 2 août 172 km 4439 km cumul 7h20 sur vélo ROVANIEMI/PETKULA DAY 31

Rencontre d’un jeune couple slovaque qui montent au cap nord en stop. Beaucoup de rennes. Je me grouille pour arriver dans une ville avant la fermeture des banques mais ils me disent « niet » pas d’argent avec cette carte. Je panique un peu. Je finis dans une baraque en bois pour la nuit car il pleut. En fait ce sont des latrines et je campe un peu plus loin le long de la belle rivière Kitinen. Des micro mouches me piquent de partout c’est l’horreur, je me gratte toute la nuit.

Jeudi 3 août 165 km 4605 km cumul 7h53 sur vélo PETKULA/SIKOVUONO DAY 32

Brume, tout est trempé, mouches agressives. Je garde la polaire toute la journée. Toilettes finlandaises sur la route assez étonnantes : petite cabane tout en bois et siège en plastique ! 3 superbes rennes courent devant ma roue durant 300 mètres. Ils sont grands, puissants, majestueux. Je trouve un magasin qui ne lit pas la puce des cartes bleues et passe donc ma carte avec les chiffres sans problème, je peux donc manger ouf et j’en profite car j’achète pour 65 Euro de bouffe pour jusqu’à la fin du voyage. Campement face à un lac sublime avec 2 cygnes en plastique sur l’eau.

Vendredi 4 août 171 km 4775 km cumul 9h sur vélo !!! SIKOVUONO/LAKSELV DAY 33

219 km du but ! Pas de douche car 6°. Je pars avec le pantalon goretex et un coup j’ai froid un coup j’ai chaud. Beau renne que je n’ose photographier car il a l’air bizarre et j’ai peur qu’il me charge. Énormes montées. Des types bourrés à la frontière. Grosse émotion devant le premier panneau qui indique le Cap Nord ! Après Karasjok, paysages hallucinants : steppes solitaires, ventées, froides, nuages qui courent, montagnes pelées.   J’ai froid aux mains, j’ai le bonnet qui m’écrase les lunettes sur le nez, j’ai toujours mal au cop, les vitesses passent mal. La boussole s’affole car on approche du pôle.

Samedi 5 août 226 km ! 5002 km cumul 11h11 sur vélo soit 255 h cumul LAKSELV/CAP NORD. DAY 34

Je ne le sais pas encore mais cette journée est la plus belle et la dernière ! Je serai au Cap Nord ce soir à 22h après avoir parcouru 5002 km depuis Hyères, en passant 255h sur ma selle en 34 jours. Je me jette dans la rivière à 5° juste après m’être extirpé du duvet pour sentir encore sa chaleur. J’arrive à la mer, les paysages sont vraiment plus beaux qu’en Finlande, c’est sauvage, c’est grand. Je rencontre Peter un gars de la république Tcheque qui est parti à vélo d’Alicante soit 7000 km en passant par la France, le Danemark. C’est lui qui me poussera à aller ce soir jusqu’au bout. Dieu nous donne le vent dans le dos. Je vois un dauphin noir et je passe mon après midi à surveiller la mer pour en voir d’autres. Je fais une course avec un renne qui est coincé entre le vide et le rail de la route et comme il a peur de moi il cavale et je vais avoir du mal à le dépasser même si il est sur les cailloux alors que je suis sur le bitume. Autre expérience à couper le souffle, le tunnel de 8 km de long qui passe sous la mer (200m) pour gagner l’île du Cap Nord.  Ça descend fort, il fait noir, il fait froid, la vapeur sort de la bouche et de ma veste et surtout je prends une frousse du diable dans ce tunnel car j’entends régulièrement un bruit de camion derrière moi mais il ne me double pas et je ne peux pas me retourner dans cette descente infernale ou le vélo vibre à mort. En fait je m’en rends compte plus tard ce sont les ventilateurs qui font ce raffut de camion ! La remontée est très éprouvante pour moi mais Peter me soutient. 19 h à l’aéroport et personne, pas d’avion pour prendre mon vélo. Je trouve des billets de bateau pour le lendemain 6h du matin.  Je réserve tout sur internet au syndicat d’initiative aidé par l’hôtesse super compréhensive. J’ai l’impression d’être sur une autre planète car moi qui me couche à 20h tous les jours après 150 km je pars vers 20h pour encore 2 heures de montée et 226 km ! Il fait un temps exceptionnel et ici c’est hyper rare donc Peter a raison, on est crevés mais si on veux voir le soleil au Cap Nord il faut profiter de cette aubaine (il fera mauvais le lendemain).  J’arrive avec une émotion qui m’engorge dans un ciel irréel, pour le coucher de soleil qui en fait ici vient raser l’horizon pour ensuite se lever à nouveau. Il y a un vent infernal qui m’oblige à coller mon appareil photo sur la rambarde pour qu’il ne vibre pas. J’ai trouvé un car pour me redescendre un peu à minuit et je termine vers 1h du matin dans une descente où le vélo ne bouge pas car il y a trop de vent de face, j’ai les moufles, la gore tex, les lunettes, je me crois sur la lune ou dans un monde irréel.  Je finis cette journée folle sur des palettes sur le quai du bateau pour dormir quelques heures.

Retour en bâteau pour Narvik puis en avion pour Oslo avec nuit à l'aéroport et avion pour Nice pour finir en train jusau'à Toulon et reprendre le vélo pour arriver à la maison. J'espère que ces pages vous ont donné envie de vivre plus et je vous dis à bientôt pour de nouvelles aventures...