Vancouver / Quebec

à vélo et en solo en 37 jours

5 591 km 272 heures à pédaler

du 6 juillet au 12 aout 2007

 

 

Jeudi 5 juillet Marseille

            Je dîne avec Stessy à Carry le Rouet, unecharmante petite station balnéaire près de Marseille et où m’a-t-on dit, est né Jean-pierre Foucault ! Au menu, une copieuse soupe de poisson et de belles brochettes de sardines, sur le port et sur fond de coucher de soleil… C’est une dernière soirée assez agréable où je discute avec Stessy et où elle ne peut s’empêcher de verser quelques larmes… Je tiens à lui offrir un petit cadeau afin qu’elle ne m’oublie pas durant mon escapade au Canada. Elle choisit un collier rose sur l’étal des artisans. Après une brève balade en raison de la fraîcheur inhabituelle en cette saison, nous sommes heureux de retrouver le chemin de l’hôtel, même si celui-ci n’est qu’un modeste F1 près de l’aéroport. Malheureusement, la nuit est courte car nos voisins de chambre font un raffut de tous les diables. Je me lève dépité de voir que lorsque les gens ne sont pas chez eux, ils ne respectent rien ni personne !

Vendredi 6 juillet Marseille – Francfort – Montréal - Vancouver

Je suis épuisé de ne pas avoir dormi, mais nous prenons la direction de l’aéroport, c’est Stessy qui conduit ma voiture. C’est une première pour elle, et je ris de la voir aussi stressée car elle va devoir rentrer toute seule chez nous. Arrivé à l’aéroport, je procède à l’emballage de mon vélo, mais les sacs sont bien petits ce qui ne rend pas la tâche commode, un monsieur dans la queue à l’enregistrement des bagages, se propose gentiment de m’aider. Un peu d’humanité à cette heure matinale, ça fait du bien ! Incroyable, seuls deux postes sont ouverts pour enregistrer, bien entendu, cela nous met en retard. Finalement, j’embrasse Stessy en riant, j’essaie de la rassurer car elle a l’air inquiète. A la porte d’embarquement, on me demande de vider ma gourde en raison des nouvelles normes de sécurité, mais je réussis tout de même à garder in extremis mon kit d’outils pour le vélo (j’ai oublié de le mettre en soute). Je ne paie pas de supplément pour le  vélo car avec la remorque, cela constitue deux bagages, comme tout le monde finalement… Seule différence, ils sont hors dimension, je dois donc passer par des ‘check points’ spéciaux. Le voyage n’est pas désagréable et je rencontre Julie, une sportive aussi ravissante qu’intéressante. Elle me parle volontiers de son Québec et me révèle qu’elle est anthropologue à l’Institut Max Planck. Nous survolons la banquise et j’aperçois des plaques blanches qui naviguent sur fond de mer bleue. Arrivée à Montréal : il est minuit pour moi et c’est dans un état de grande fatigue que j’embarque sur le vol qui m’emmène à Vancouver. Depuis mon hublot la vue « by night » de Vancouver me ravit. La ville semble s’étendre sur une infinité de kilomètres carrés. Lorsque nous arrivons, je trouve un petit coin tranquille dans l’aéroport pour dormir un peu. Il est 22h25 heure locale, mais pour moi il est en réalité 7h33 du matin, soit 27h de voyage !

Samedi 7 juillet Vancouver – Garibaldi 132 km  8h21 sur le vélo – Day 1

Cette fois, pas de doutes, je suis bien en Amérique : grosses voitures 4x4, school buses jaunes, double ligne jaune au milieu de la route, des milliers de pavillons en bois au milieu de pelouses avec le pick-up garé devant. Le centre ville est curieux : des tours design, ça fait vieux hétéroclite… Les bus transportent des vélos devant les pare-chocs ; je peux voir beaucoup de chinois et d’indiens enturbannés. Des cars tirent une voiture à l’arrière ! Je croise des pêcheurs de crabes sur un pier et plus loin des canadian gooses sur la plage de sable blanc, sur laquelle s’entassent un grand nombre de troncs d’arbres. Dans les boutiques, les caissières demandent comment on va. La route longe un fjord, les montagnes sont enneigées, le train siffle comme dans les westerns et il n’y a pas de barrière, alors gare aux sourds. La route en travaux monte dur et je souffre pour cette première journée. J’occupe souvent la voie en travaux car les automobilistes et les trucks ne semblent pas ralentir à mon approche. J’aperçois une magnifique cascade, un KFC et Mc Do, la  façade des Rocheuses diaboliques, le Strawamus Chief impressionnant, des mines… Je parviens à parcourir 132 km, malgré la montée et le décalage horaire, soit 18 km de retard sur l’objectif journalier de 150 km, mais bon, soyons indulgents puisque ça monte beaucoup et le pire est à venir demain !

Dimanche 8 juillet Garibaldi – Lilooet 148.93 km – 19 km de retard – 7h30 sur le vélo et une vitesse max de 71.5 km/h !!! Distance cumulée 280 km – Day 2

            Petit déjeuner dans une station de ski avec des chalets en bois, cela ressemble tout à fait à Chamonix ; je vois des filles partir en surf ! Je dispose d’un litre de jus d’orange que j’écoule dans la journée, d’un litre de lait que je bois tout de suite, de pain de et de confiture. En route ! Cela monte beaucoup, je découvre de très beaux lacs et de très hautes montagnes ; le temps menace à la pluie, mais je vais finir sans eau en pleine chaleur ; heureusement une voiture s’arrête lorsque je tends ma gourde, les gens me la remplissent d’eau glacée et de glaçons aussi. Lorsqu’un panneau annonce « very extreme » pour la prochaine montée de 13 km, je pâlis ! De plus, la fumée qui sort des freins des voitures qui descendent et la vieille odeur d’amiante ne m’inspirent pas. Réflexion faite, je suis en vacances, je n’ai pas envie de me flinguer pour le restant du voyage, je fais donc du stop sur 13 km et je ne le regrette pas car avec la remorque ça aurait été du suicide. Un type m’explique que les chinois sont nombreux à Vancouver, ils l’appellent d’ailleurs HongKouver (HongKong) ou Chinada au lieu de Canada… Ils sont venus travailler dans les mines et construire le chemin de fer. Je me presse jusqu’à 19h30 mais c’est malin, me voilà dans une réserve, tant pis ! Je demande la permission de camper, c’est oui  tout de suite, alors je me douche et bivouaque dans une garigue pleine de palombes et de colibris. Sur la route, les gens me parlent, étonnés. Ca fait du bien de croiser du monde alors qu’ici les voitures se font plus rares (une toutes les minutes). Je ne souffre pas comme l’année dernière du cou, du dos, des fesses et des tendons. Seules les piqûres de bêtes sur les jambes et le visage brûlant me posent problème.

Lundi 9 juillet Lilooet - Clinton 108 km – 60 km de retard – 7h42 sur le vélo. Distance cumulée 389 km – Day 3.

            Aujourd’hui je vais faire 98 km avant de trouver une boutique. Je me fais offrir un verre de lait vers 16h : un peu tard pour un petit déjeuner, n’est-ce pas ?!?! Les paysages arides sont superbes, je suis le train mais le parcours est difficile car cela monte toute la journée. A Pavillon, je trouve un centre qui gère la réserve indienne ; on m’y offre à boire et l’accès à Internet car la boutique annoncée sur la route n’existe plus. Ici, les gens roulent 50 km pour faire le plein de courses et l’hiver, ils font des conserves. A Cache Creek, je tombe sur la route de la ruée vers l’or, mais le trafic étant abominable, je décide de changer d’itinéraire dès demain si je le peux car je supporte très mal le bruit des trucks qui sont nombreux et dangereux. Plusieurs fois ce sont des maisons qu’ils transportent, et celles-ci dépassent allègrement… Côté santé, je perds ma façade de dent ! Heureusement que je l’avais fait dévitaliser avant mon départ au cas où cela se produirait. Arrivé à Clinton, je dévalise le seul magasin de la journée. C’est la véritable ville de cow-boys ici ! Je bivouaque dans la forêt à l’abri de tous les regards. Je place le sac de provisions loin de la tente car je crains la visite d’un ours et ma tente étant petite, je n’aurais pas de place pour le gros poilu ! Côté moral, les montées et le manque de nourriture me minent le moral, mais les bonnes surprises aident rapidement à le retrouver : les gens qui m’ont vu à Vancouver viennent me parler, je découvre de beaux papillons bleus, et j’admire profondément la beauté es lacs. Merci Sonja pour la tarte que tu m’as ramenée de Vars, je l’ai dévoré avec grande joie dans une montée en plein soleil…

Mardi 10 juillet Clinton – Bridge Lake – 106 km - 104 km de retard  -  6h45 sur le vélo. Distance cumulée 495 km – Day 4.

            Au programme aujourd’hui : quatre biches, une bête inconnue, des colibris et 60 km de piste sauvage au milieu des ours noirs et des loups, mais je n’ai aperçu ni les uns ni les autres, sauf la peau de loup chez un fermier… Je fais une sieste dans le hamac, je suis épuisé et je pense que cela est dû aux montées difficiles et à la diarrhée que j’ai attrapée à force de boire l’eau des puits. Ma carte bleue ne fonctionne pas dans les distributeurs d’ici (petites boîtes installées dans les boutiques de cow-boys qui font tout : vidéo, poste, alimentation, essence…).  Je suis donc stressé car je n’ai plus beaucoup d’argent et tout est très cher. Cependant, je suis content d’avoir pris la piste car c’était le « deep » Canada rural, malgré des difficultés plus important niveau parcours… Le soir, je campe au bord du lac, je fais un feu, les canadiens m’expliquent que les cerfs viennent le matin sur l’autre rive… Je me douche dans le lac. Les canadiens m’offrent une bière et me refont tout mon voyage sur la carte. Je me demande si BBLou a réussi son entretien. J’arrête la vitamine C et l’aspirine du soir car je trouve que mon cœur s’emballe dans les montées. Donc je me ménage aussi, serait-ce mon souffle au cœur ? Aujourd’hui, je calme un peu le jeu des kilomètres à avaler. Je profite plus des moments au lieu de rester fixé sur mon objectif. Vais-je arriver à profiter de mes vacances comme ce soir ou me presser ? J’en avais même sacrifié la sieste ! C’est amusant sur la route, il y a trois villages « 70 mile house », « 100 mile house » et »150 mile house », des repères pour les pionniers…

   

Mercredi 11 juillet – Bridge Lake – Avola – 118 km – 136 km de retard - 5h49 sur le vélo – 67.5 km/h max – Distance cumulée 613 km – Day 5.

Il y a de la brume sur le lac. J’ai retenu deux éléments étonnants aujourd’hui. Le premier : je croise au magasin une femme que j’ai rencontrée à Bridge Lake. Le deuxième : je rentre dans une magasin de pêche à 30 km du lac où j’ai dormi et le type me dit qu’il m’a vu camper la veille alors qu’il était en train de pêcher sur sa barque. Il me raconte qu’il y avait des castors à l’entrée et à la sortie du lac et me confie que ce que j’ai pris pour des loups n’étaient en fait que des oiseaux ! J’ai eu très peur cette nuit avec des loups qui hurlaient de l’autre côté du lac, j’ai dormi avec mon opinel dans la main. Au matin, deux loutres viennent observer ce que je fais en sortant la tête et le cou de l’eau. Les poissons ont dévorés mes spaghettis. C’est amusant car la biche que j’ai vue hier sautait les quatre pattes en même temps comme dans Bambi ! Et non, je ne plaisante pas ! J’arrive enfin à retirer de l’argent alors je prends 250 euros que je cache dans ma chaussure ; je ne mourrai plus de faim cette fois ! Je prends une immense descente, en réalisant une vitesse maximale de  67.5 km/h, puis je tombe à nouveau sur un terrain plat, le long d’un fleuve et ensuite c’est de nouveau des montées qui m’attendent…  Je meurs de chaud et on annonce 40°C pour les prochains jours. Je vide ma gourde dans les interstices de mon casque. Comme j’en ai assez, bien que je sois beaucoup plus en forme qu’hier, je m’arrête camper sur le fleuve. Je fais un feu pour faire fuir les moustiques et prends une douche rapide dans l’eau glacée. J’ai de sacrés coups de soleil et des piqûres sur les jambes. Je jette le riz que je viens d’acheter car il est trop long à cuire.

Jeudi 12 juillet – Avola – Valemount – 123 km – 163 km de retard – 6h44 sur le vélo – Distance cumulée 737 km – Day 6.

            J’ai dormi en face d’un arrêt de train mais ils n’ont pas circulé la nuit. Voilà deux jours que je longe la North Thomson Road River dans laquelle il y a des saumons selon les panneaux. Je vais faire 123 km sur une jambe car mon genou gauche me fait trop souffrir. Je mets de la pommade. Il me faut faire attention car les magasins sont rares et approvisionnés toutes les semaines. J’achète du lait, du pain, des pommes, mon disque plastique, et des bonbons pour le moral et le sucre ! J’ai aussi pris des chips, du jambon, du riz, une boîte d’ananas, une barre de céréales et des céréales en petites rations… Je me suis fait subitement attaquer par des mouches en m’arrêtant à une station service  pour refaire la pression suite à ma première crevaison. Du coup j’ai les jambes en sang. En fait, je me trouve dans un sale coin car, à part sous ma tente, je me fais attaquer sans cesse et c’est vite stressant. Je compte les wagons d’un train, il y en a 120 ! Ils mettent même deux containers l’un sur l’autre. Et voici la grande nouvelle de la journée : Fred a rencontré l’ours noir ; j’ai entendu du bruit dans les buissons du bord de la route et je pensais que c’était un élan puisqu’il y avait un panneau juste avant. Donc, sans peur, je pose mon vélo et je vais voir ce dont il s’agit, et là je tombe nez à nez (4 mètres) avec la tête de l’ours qui sort des buissons pour voir qui était cet étranger ! En fait, c’était un jeune ours et il est parti 5 minutes après dans sa forêt, sans avoir demandé son reste. Je suis tellement ravi !!! J’ai vu aussi des rapaces avec le bout de la queue et des ailes blanc et le reste du corps noir. J’aperçois également des corbeaux qui sont énormes, j’en viens à me dire qu’ils sont préhistoriques… Quand j’ai vu l’ours je me suis écrié « oh, merde ! L’ours noir ! » en ne sachant pas trop ce qui allait arriver… lol.

Vendredi 13 juillet – Valemount – Jasper – 122 km – 6h13 sur le vélo – Distance cumulée 859 km – Day 7.

            Crevaison, le pneu rentre mal sur la jante et la roue fait une bosse à chaque tour. J ai hyper mal au genou et il se fera oublier dans l après midi. Je rencontre un groupe d étudiants américains qui vont du Texas en Alaska à vélo. Le mont Robson (3954m) fait le fier avec une tonne de neige et de glace sur sa tête. Pas d’élan malgré les nombreux panneaux les signalant et, bonne nouvelle, ça ne monte pas dans la Yellowhead pass. Dodo près d’un joli lac avant Jasper.

Vendredi 14 juillet – Jasper – Obed – 156 km – 6h44 sur le vélo – Distance cumulée 1015 km – Day 8.

            Paysage de rocheuses avec rencontre de chèvres des montagnes et nombreux chevreuils. J’ai le vent dans le dos mais ça monte dur en fin de journée. C’est le « tail wind » le vent de l’ouest. C’est lui qui a imposé mon choix du sens du parcours. Je manque d’eau mais on me dépanne quand je montre mon bidon aux véhicules. Canards sur le lac au bord duquel je campe dans un camping officiel mais Edmour, un québécois, m’invite sur son emplacement donc je ne paye pas. Il va à Montréal mais lui fait moins de kilomètres par jour et profite donc de ses après midi et je ne le suivrais donc que demain matin. Il y a aussi un couple de hollandais avec leurs 3 enfants (10 ans, 4 ans et 2 ans) à vélo. Le grand pédale, les deux parents tractent les deux autres enfants et le matériel ! Ils font ainsi 40 à 60 km par jour. Je répare ma roue bosselée, en fait la valve n’était pas bien enfoncée dans la jante. Je me suis offert le big mac avec big coke et big fries à six dollars. J’ai aussi changé l’heure en passant en Alberta (province) et ça veut dire que je me rapproche de la maison car plus que 8 heures de décalage. Il est 22h17, je suis crevé et je prends mon bain dans le lac en regardant les gens canoter au soleil couchant.

Samedi 15 juillet – Obed – Entwistle – 159 km – 7h31 sur le vélo – Distance cumulée 1174 km – Day 9.

            Et bien pour le seul camping que j’ai fait, les gens se sont battus à minuit après avoir bu trop de bières et mis la musique à fond. De plus Edmour me réveille à 5 heures mais 4 heures pour moi avec le changement d’heure. Comme il va moins vite je passe ma matinée à le rattraper car je fais des courses au Wallmart, je crève et chaque fois je le retrouve. C’est assez rigolo de passer d’une boutique minable pour laquelle j’ai pédalé 98 km à ce super marché grand luxe. Edmour mange son peanut butter, je reste au jambon fromage. Nous nous quittons après le repas et le vent de face se lève et la pluie menace. Fatigué, je m’arrête après mes 150 km (mon contrat). Je trouve une paysanne en train de tondre son yard qui m’autorise à camper dans son champ couvert de pâquerettes si je ferme bien la barrière demain matin pour ne pas que les vaches s’échappent.

Dimanche 16 juillet – Entwistle – Gibbons – 161 km – 7h45 sur le vélo – Distance cumulée 1336 km – Day 10.

            Pas de visite des vaches cette nuit. La route s’étire lassante sur 100 km puis je débarque tel un indien dans la ville d’ Edmonton par une 2x3 voies. C’est une ville qui a 100 ans et qui me fait penser aux villes de SIMCITY qui sont un empilement de divers grande chaines : Mc Do, KFC, Wal Mart. Je trouve tout de même un vieux cybercafé très western avec des écrans géants et où les gens viennent la plupart avec leur portable pour payer deux fois moins cher. L’après midi c’est les grandes prairies : champs jaunes, des fermes, des chiens de prairies dressés sur leurs pattes de derrière. Encore des chevreuils.  Je rentre dans un ranch pour demander à camper, des tonnes de sauterelles sautent sous mes roues. Je rencontre Bill, uncle Bob et Donna qui m’invitent à une soirée Budweizer, saucisses au barbecue jusqu’à minuit. Donna me prépare ma saucisse à la canadienne : bun (pain) beurre et moutarde. Les cadavres de bières s’entassent. J’ai le droit à la douche, la lessive à la machine et je partirai demain avec deux rations militaires. Bizarre le voyage : c’est le premier jour ou je n’ai pas trouvé à laver mon linge car j’étais en ville et c’est la première fois que j’ai la machine à laver ! Morale donc du voyage : quand ça va mal, ça va aller bien. Les coyotes hurlent, Bill met des branches de sapins sur le feu pour faire fuir les bugs qui piquent.

Lundi 17 juillet – Gibbons – Ashmont – 128 km – 6h46 sur le vélo – Distance cumulée 1463 km – Day 11.

            Je suis cassé vu la soirée que j’ai passée, je m’accroche pour atteindre Smoky Lake, dévorer un énorme yaourt aux fraises et faire une sieste à côté d’une église en bois sans moustiques pour une fois. J’écrase des tonnes de grillons verts et écoute le craquement de leur corps avec horreur. Le soir je mets la tente à l’ombre d’une balle de paille. Plus tard quand elle rentre, Isabelle me donne de l’eau. Elle a déménagé du Québec cher pour venir ici et pouvoir se payer cette ferme et ses chevaux. Son mari travaille dans le pétrole à Fort Mac Murray, il travaille 10 jours et rentre 4 jours. Je mange le bœuf strogonoff de la ration militaire canadienne. Visite le soir de papa et maman chevreuil.

Jeudi 18 juillet – Ashmont – Pierceland – 131 km – 6h52 sur le vélo – Distance cumulée 1595 km – Day 12.

            Omelette du kit de l’armée au petit matin. J’attendrai l’après midi pour le lait car pas de boutique. Journée galère car vent de face dès 6 heures du matin et le paysage ne change pas. Je reprends un peu plus le moral après la sieste en face du musée de Bonnyville. Je croise un renard, une pie qui attaque un nid, des libellules bleu électrique et des dorées comme des princesses, des vaches, des chevaux, des lamas, des bisons. Un indien chante sur sa terrasse accompagné d’un tambour. Dodo dans le champ d’une famille aux origines russes dont les grands parents se sont sauvés pour ne pas que leurs enfants partent à la guerre en 1914. Dodo avec un peu de musique au MP3.

Vendredi 19 juillet – Pierceland – Flotten Lake – 146 km - 9h sur le vélo ! – Distance cumulée 1741 km – Day 13.

            Je découvre en arrivant à Meadowlake National Park que je vais me taper des kilomètres de piste car contrairement à ce que dis ma carte c’est pas des routes asphaltées mais en gravel roads comme on dit ici. Remarque ça change des champs. Cela fait 5 jours que j’ai le vent de face et je me demande si dieu m’en veut. Je rencontre encore un jeune couple dont le gars travaille à Fort Mac Murray deux semaines et revient voir sa copine deux semaines à Saskatoon. Je fais les courses en grand car je ne sais pas ou sera le prochain magasin ainsi que le plein d’eau car là aussi c’est le point d’interrogation. Je finis la journée sur les rotules à cause de la piste qui me fait bouffer de la poussière et me casse le dos. J’atterris chez des indiens mais je ne reste pas camper car j’ai peu confiance : ils font sécher au soleil de la viande de chevreuil et des poissons alors qu’ils sont dans un parc national, la carabine pends dans un arbre, les filles ont le visage esquinté par les tonnes de mouches qui volent autour du charnier et le chef se prépare un joint ! Il me dit que la piste est fermée et que je vais devoir faire demi tour. Je prends mon courage à deux mains pour atterrir cette fois au paradis. Tara Jean, Terry et Albert m’accueillent et me font rencontrer le maire pour élucider cette histoire de piste fermée et en effet elle l’est depuis l’année dernière et elle est gavée de bisons sauvages alors je ferai demi tour demain. En attendant, ils m’invitent à poser la tente chez eux et à dîner dans leur cabine de bois en bord de lac.  Et comble du comble nous terminons la baignade dans le lac par un saut dans un jacuzzi à bulles, à lumières et à musique posé devant le lac. J’ai une bière à la main et je m’enfonce bien dans l’eau car les moustiques attaquent sérieux. Après ce moment surréaliste avec coucher de soleil nous finissons autour du feu avec une spécialité locale : le marchmalo grillé au feu de bois avec une pique de 2 mètres de long et coincé entre deux crackers dans lesquels on glisse un carré de chocolat. Que du sucre quoi ! Les écureuils font du bruit, accompagnés par l’oiseau national qui est sur les pièces canadiennes.

Vendredi 20 juillet – Flotten Lake – Big River – 121 km – 6h45 sur le vélo – Distance cumulée 1862 km – Day 14.

            Je me retrouve sur une piste impossible, l’indien m’avait dit 20 km mais c’est beaucoup plus et je bouffe la poussière, je m’enlise. Je ne croise que deux véhicules un peu étonnés de voir ici et je me couvre de sable. Il fait une chaleur du diable et l’eau que je bois est jaune. Je change mon programme car pour Beauval il y a 160 km de pistes et 100 km encore derrière. Je fais 40 km dans un pick-up pour me remonter le moral, vus les kilomètres faits pour rien hier. Bivouac sur un lac géant mais je crève de chaud sous la tente car je n’ai pas trouvé d’ombre et le soleil se couche tard ici et les moustiques m’empêchent de l’ouvrir. Je repense au maire d’hier qui fait son jogging avec une corne pour effrayer les ours. Je rigole aussi en pensant à la jeune mariée un peu affolée qui me demandait sa route pour se rendre sur la plage ou l’attendait le curé en pensant que j’étais du coin.

 

Samedi 21 juillet – Big River – Prince Albert - 176 km ! – 7h56 sur le vélo – Distance cumulée 2038 km – Day 15.

            Pluie cette nuit, je range la tente mouillée. De toutes façons elle sèche en deux deux le soir. Il est 9 heures, c’est un peu tard et j’ai le vent de face mais vu l’orientation de la route cette après midi je vais prendre le vent dans le dos et filer à 40 km/heure sur le plat. Je donne à Victoria (jolie caissière) 2 rouleaux de papier cul sur les 4 achetés car je ne peux les transporter sur le vélo et je remplis mes bidons à la fontaine d’eau fraîche du magasin. Je trouve des petites carottes qui vont changer mon quotidien. Des indiens bourrés se disputent à 14 h dans la rue principale. Sieste à l’ombre de l’église de Debben. Je m’endors un peu inquiet car il y a des grosses empreintes de bête à coté de la tente.

Dimanche 22 juillet – Prince Albert – Tisdale - 135 km ! – 7h05 sur le vélo – Distance cumulée 2174 km – Day 16.

Sale journée, vent qui me fait pédaler à 18 km/h.Heureusement le paysage devient marécageux ça change des champs. Le vent tourne et je fini à 36 km/h pour dormir dans le ranch de Laurie et Ted. En fait je suis invité à la douche, au dîner pour finir dans un vrai lit ! Salade de pomme de terre à la sauce américaine, carottes, salami, glace et visite nocturne aux chevaux. Ils sont très curieux. Par exemple ils regardent la barrière qu’ils viennent de casser en se demandant bien ce qu’il a bien pu se passer. L’un d’eux prend dans sa bouche le marteau de Ted. Mon pneu avant explose, il n’a pas supporté la piste. Je visite aussi la grange ou est entreposé le foin, les selles. La maison est moderne mais pour nous ça fait un peu carton pâte.

Lundi 23 juillet – Tisdale – Armit - 163 km – 7h sur le vélo – Distance cumulée 2337 km – Day 17.

            Je pars vite à 35 km/h pendant 3 heures et je finis sur les rotules à 13h après 115 km à Hudson Bay. Une seule boutique sur le parcours ou j’ai acheté 2 litres de lait pour carburer tout en répondant aux mille questions des locaux venu boire un verre et draguer la serveuse. Il fait 34 degrés je trouve refuge dans une bibliothèque ou j’ai l’accès gratuit à internet ! Je goûte a une station service 450 ml de sirop glacé de toutes les couleurs car je fais plusieurs couches comme j’ai vu faire par les canadiens assoiffés. Salade de pâtes et brugnons. Je repars sous une chaleur dingue avec un Tee-shirt mouillé et j arrive sans une goutte d’eau dans la seule cabane ou je trouve le garde forestier qui m’approvisionne en eau pour la nuit : ouf ! J’en ai marre de manger tout le temps la même chose. Le chat passe sous la tente fermée pour me rendre visite la nuit. Le garde m’ouvre une caravane au cas ou car ils annoncent une tempête.

Mardi 24 juillet – Armit  – Minitonas - 147 km  – 7h22 sur le vélo – Distance cumulée 2485 km – Day 18.

            Réveillé par le soleil vers 6 heures, je décampe pour prendre le pdj à l’ombre car ça va devenir la fournaise sous la tente. Les bugs ou la fournaise… Cette nuit j’ai eu chaud jusqu’à deux heures du matin. Dure matinée à 15 km/h avec le vent de face. Route déserte et le bas coté n’est pas asphalté donc pas possible de se rabattre alors, quand on est trois, c’est celui qui vient de face qui roule sur le gravier et qui rends la route opaque avec la poussière qu’il soulève. Belle forêt et l’après midi plus de vent mais 34 degrés à l’ombre alors je me verse des bidons d’eau sur la tête. Je suis invité à dîner par Don et Elsie qui me font le chili con carne alors qu’ils ont eux déjà mangé à 17h. Douche chez eux et j’observe les Humming birds (colibris qui volent en stationnaire) et qui viennent boire au perchoir qui leur est dédié avant qu’ils ne repartent en septembre au Mexique. Je crève de chaud sous la tente et je laisse des giclées de sang sur la tente en tuant les moustiques.

Mercredi 25 juillet –Minitonas – Dauphin - 170 km – 7h20 sur le vélo – Distance cumulée 2656 km – Day 19.

            Tempête cette nuit, pdj (toast beurrés confiture, lait, kellogs avec banane en rondelles). Pluie toute la journée, au moins il fait moins chaud, j’ai même froid à la pause que je fait dans le garage d’une dame sympa. Hier je rêvais d’une boisson fraîche et aujourd’hui c’est d’une boisson chaude que je vais rêver ! Beaucoup de grenouilles écrasées car le terrain et marécageux. Je longe le Winipegosis lake (200 km de long) et puis je crève sous la pluie et à côté des moustiques (dieu m’en veut c’est sûr).Une dame affolée de me voir comme ça me propose de prévenir quelqu’un au village mais je la rassure en lui disant que je maîtrise la situation. Je monte le nouveau pneu et une nouvelle chambre à air car ici impossible de coller une rustine vu l’eau qui tombe. Des panneaux rigolos : « U pick » (vous ramassez) ou « Eggs 4 sale » (des œufs à vendre)… Nuit à côté de la grange de Henry ; j’ai même envahi une petite cabane pour faire sécher tout ce qui était mouillé. Lumière magnifique le soir pour prendre des photos et apprécier le voyage, le soir c’est le meilleur moment car que du bonheur, de la paix, du calme, de la plénitude de l’exaltation. Discussion avec Henry qui vient me rendre une visite le soir avec son 4x4 et me fait rater le moment propice pour les photos mais bon les contacts avec les hommes c’est aussi important dans les voyages, n’est ce pas ?

Jeudi 26 juillet – Dauphin – Eriksdale - 157 km – 6h49 sur le vélo – Distance cumulée 2813 km – Day 20.

            J’achète un nouveau pneu à Dauphin au cas ou car les deux premiers sont morts au bout de 2000 km et je roule donc avec ceux de l’année dernière qui ont 5000 km déjà. Je change aussi le rétro que j’ai cassé. Je passe par « the narrow » qui enjambe le majestueux lac Manitoba. En regardant sur la carte c’est le seul endroit assez étroit pour construire un pont. Beaucoup de vent, des pélicans, des troupeaux de cormorans. Je me gave de cerises et fini dans le yard de Cherryl qui m’autorise à croquer une salade de son jardin et fini par m’amener une assiette et une bière dans ma tente !

Vendredi 27 juillet – Eriksdale – Whyte Wold beach - 165 km – 7h20 sur le vélo – Distance cumulée 2978 km – Day 21.

            J’abandonne le chien. Le fils de Cheryl a bien failli m’écraser cette nuit avec son 4x4 car il est passé sur la sardine de devant et l’a enfoncée grave (vive la jeunesse). Bon vent de dos. Je rencontre un vieux couple qui revient d’une réunion de famille ou chacun a été retrouvé par un chercheur en généalogie. Il a travaillé sur la liste des passagers d’un bateau de l’époque de la colonisation. Je rencontre comme ça beaucoup de canadiens qui recherchent leurs origines. J’essaye de trouver un bateau à Gimli qui m’emmènerait à victoria beach pour traverser le lac mais c’est la débâcle alors je remonte sur mon petit vélo. Le lac est immense, venté, des jetées en bois magnifiques pour éviter les cailloux en bord de lac. En allant à la source d’eau ou chacun s’approvisionne je me fais inviter par Lynda et David à une bière puis à dîner : vin de bordeaux, steak au barbecue. Je leur raconte que j’ai rencontré les Hutterites (comme les amishes mais eux utilisent les moteurs). Je repense à Bill qui disait : « if it has tits or tires you will get problems » si ça a des seins ou des pneus tu auras des problèmes… Ici c’est plein de chipmunks (cousins des écureuils mais avec des rayures sur le long) qui crient et énervent le chien.

Samedi 28 juillet – Whyte Wold beach – Whitemouth - 120 km – 6h23 sur le vélo – Distance cumulée 3099 km – Day 22.

            Trop de vin, couché trop tard donc dur dur le pdj chez mes amis! Café, toast, peanut butter, orange. Je pédale contre le vent donc Mac Do pour se remonter le moral. Oies du canada et route dangereuse car trafic intense et pas de bas côté. Crevaison…Tracy et Reinhard m’offrent douche dîner et camping sur rivière et gazon tondu à ras (ça fait 6 heures qu’il est sur la tondeuse aujourd’hui). Tracy m’explique qu’un jour elle a vu l’ours traverser à la nage la rivière, qu’elle voit souvent des biches et qu’il y q des snapping turtles qui viennent bronzer sur son green. Reinhard m’explique comment fonctionne sa voiture qui va sur les rails. Les pintades viennent inspecter ma tente la nuit.

Dimanche 29 juillet – Whitemouth – Kenora - 144 km – 7h30 sur le vélo – Distance cumulée 3243 km – Day 23.

            Pdj : patates, œufs au plat, café, toast. Vent de face, peu de trafic, crevaison, biches, belle forêt et premiers rochers en bord de route. Rencontre avec deux oursons que je sépare et je ne reste donc pas puisque la mère ne doit pas être loin. Une biche se fait dévorer par les oiseaux. Je tombe sur la route principale (Highway 17) qui est finalement pas si affreuse au milieu des lacs et même si j’ai mal aux fesses car le bas coté est pourri. J’ai 3 mètres de large pour rouler tranquille, ce qui me rassure car bonjour le trafic ici. En plus j’en ai pris pour 555 km jusqu’à Thunder Bay ! Passage en Ontario.

Lundi 30 juillet – Kenora – Wabigoon lake - 154 km – 7h21 sur le vélo – Distance cumulée 3397 km – Day 24.

            Lait à la première station service où je discute avec une étudiante qui bosse ici pour se payer ses études comme beaucoup de jeunes ici. Après c’est 72 km sans ravitaillement. Lacs magnifiques, passé Vermillion c’est plus plat et plus campagne. Je pose ma tente au bord du lac et me paye un bain depuis le ponton municipal en faisant attention de ne pas me faire écraser par le train (119 wagons). Une punaise a voyagé avec ma tente et je la garde encore cette nuit mais je tue les moustiques désirant passer la nuit avec moi. Une espèce de marmottes fouille l’herbe et une fouine viendra manger dans la nuit ma poubelle sous l’auvent de la tente. Bonheur : je regarde des jeunes qui se jettent habillés dans le lac au coucher de soleil. Quelle simplicité, quelle insouciance, la vraie vie sans complexes, sans règles débiles : ils ont l’air d’être de bons amis.

Mardi 31 juillet – Wabigoon lake – English River - 159 km – 7h14 sur le vélo – Distance cumulée 3556 km – Day 25.

            Pas de lait car le milk man n’est pas encore passé et il me faudra attendre 80 km pour le boire à la prochaine boutique ! Travaux sur la route, le gars laisse passer tous les véhicules et bloque ensuite la route pour moi sur 1 km. Il fait chaud, ça monte mais vent de dos ! Bivouac inoubliable sur presqu’île, j’accroche d’abord la tente avec la sardine de devant car le vent souffle comme un fou ce qui va me permettre de supporter la chaleur dans la tente. Ma boite d’ananas refroidit dans le lac pendant que je fais la baignade. Deux écureuils curieux me rendent visite. La nuit, le vent s’étant calmé je me fais dévorer par des micro mouches et des moustiques se sont précipités en 10 secondes sur mes pauvres jambes et je vais donc devoir m’endormir avec des démangeaisons aux chevilles et poignets.

Mercredi 1er août – English River – Thunder Bay - 196 km ! – 8h54 sur le vélo – Distance cumulée 3753 km – Day 26.

            Je m’échappe en veste et pantalon car c’est infesté de moustiques. Je retrouve le gars des travaux d’hier un peu surpris de me revoir. Il travaille 12 h par jour. Ça manque de boutiques mais pas de montées ! Je demande à un vendeur de camping car s’il y a un magasin de vélo ouvert à Thunder Bay et il décroche immédiatement son téléphone pour se renseigner c’est pas en France que l’on verrait cela ! J’achète un nouveau pneu ainsi que le câble de vitesse qui a lâché comme l’année dernière et un Tee shirt de vélo car j’en ai perdu un. Je dois trouver un bivouac sur le lac avec vue sur Sibley Peninsul. Comme je m’en doutais, arrivé dans la civilisation, les gens n’acceptent plus de me laisser camper chez eux et il y a même une bonne femme qui me laisse sous la pluie à 20h alors que j’ai fait 196 km et qui m’explique que si elle continue à me parler elle va être mouillée ! Il y a le sable, les vagues mais ce n’est pas la mer, c’est le grand lac supérieur, celui au dessus du lac Michigan. Baignade au savon. J’avais planté la tente sur les rochers à un mètre de l’eau mais je la met un peu plus haut car le temps est mauvais et je lis dans mon guide que des vagues de 12 mètres de haut arrivent parfois dans le port de Thunder Bay… Je mange le saucisson d’été, enfin c’est ce qui est marqué sur l’emballage.

 

Jeudi 2 août –Thunder Bay – Nipigon - 102 km ! – 4h44 sur le vélo – Distance cumulée 3855 km – Day 27.

            Je prends la highway 11 et pas la 17 car je ne veux pas faire comme tout le monde et ce voyage se passera au nord ! Tente devant grosses pierres polies qui tombent dans le lac avec une petite île ou se sèchent les cormorans et où malheureusement les mouettes vont gueuler une bonne partie de la nuit. C’est une aire de repos sur la route mais pour une fois c’est pas marqué « no overnight camping » alors je vérifie avec un couple de canadien qui m’offre une bière et puis avec un autre couple de québécois qu’ils ont bien l’intention de reste cette nuit ici. Au fait j’ai trouvé la bonne réponse à la question « pourquoi faire ce voyage ? » c’est pour montrer que ce n’est pas parce que l’on est petit que l’on en peut pas faire de grandes choses. Dans la nuit une bête soulève mon oreiller en se glissant sous la tente car je l’ai posée sur une souche pour être contre le lac. Peu de kilomètres aujourd’hui car besoin de chatter sur internet et l’aire de repos était trop tentante. De plus après c’était réserve indienne donc pas trop envie de les déranger.

Vendredi 3 août –Nipigon – Longlac - 183 km ! – 8h26 sur le vélo – Distance cumulée 4038 km – Day 28.

            Pdj avec Pierre et Céline mes québécois qui m’offrent le café, me font goûter le cheddar en me disant que c’est du bon fromage et me laisse leur adresse à Québec en me ventant les mérites de cette ville. Une idée germe en moi : privilégier une visite de Québec plutôt que de Montréal. Je les quitte face à un vent d’enfer en me demandant si je les reverrai un jour et en repensant à l’expression « c’est coteux » (ça monte). Le vent, les nuages courent, la nature est déchaînée et je me sens tout petit. Je dors sur Longlac avec des moustiques, deux lièvres, un pygargue à tête blanche (aigle). Je suis content car la route est en bon état et peu fréquentée. Traversée d’une grande étendue d’arbres brûlés. Demain 150 km sans boutique et si la junction 63 est fermée c’est 63 km de plus.

Samedi 3 août –Longlac – Calstock - 178 km ! – 7h48 sur le vélo – Distance cumulée 4211 km – Day 29.

            Les gens parlent français ! Je trouve une demie baguette et du beurre pour mon petit déjeuner et le tout sur un banc au soleil… Ça monte, ça descend et au bout de 150 km je trouve le panneau Coca Cola, douches mais c’est fermé avec « on sale » à la fenêtre. Je suis au milieu de nulle part et je campe sur la conduite de gaz haute pression à 1 km de la route principale. Attention en plantant les sardines pour ne pas faire tout péter. Deux grues s’envolent. Journée très solitaire car personne pour blaguer deux minutes. J’écoute le MP3 et puis je trouve qu’il y a un bruit bizarre et quand je retire les écouteurs je suis pris de frayeur car ce sont des hurlements de loup que j’entends. Je sors l’opinel et écoute les loups emprunter le chemin que j’ai pris tout à l’heure et passer ainsi de droite à gauche de ma tente pour finir à 400 mètres de moi. Je peux vous assurer que même s’il parait qu’ils n’attaquent pas l’homme je préfère entendre leur hurlement dans mon salon devant la télé que près de ma tente quand je suis loin de tout.

Dimanche 5 août –Calstock – Kapuskasing - 153 km – 7h28 sur le vélo – Distance cumulée 4365 km – Day 30.

            Tout est humide de rosée. Je reprends le chemin emprunté par les loups en priant pour qu’ils soient loin. La route s’avère très bumpy et j’ai les poignets et les fesses en mille morceaux au bout d’une demie heure. Je traverse des villages qui semblent morts mais les voitures sont là. Je suis accueilli par Jean Jacques et Fleurette qui me loge dans une petite cabane en rondin style trappeur magnifique (castor empaillé, pelle à neige, poêle, tapis, table rustique en bois) une merveille qu’a construit Jean Jacques qui est aussi en train de construire son avion ! Dîner de Doré (poisson) dans leur superbe maison traditionnelle.

Lundi 6 août – Kapuskasing – Matheson - 226 km ! – 8h51 sur le vélo – Distance cumulée 4591 km – Day 31.

            Vent dans le dos alors j’en profite pour faire un bon 30 km/h mais 226 km tout de même. KFC le midi car tout est fermé puisque c’est jour férié en Ontario. Rencontre avec un ours à l’entrée d’une petite ville mais il se sauve comme les autres. On les voit beaucoup car cette année le gel a fait qu’il y a moins de myrtilles et donc ils ont faim. Discussion avec une petite qui part en camp d’été puis avec une jolie pompiste qui paye ses études avec ce job et pareil avec un employé du KFC. Je fini raide mort et trouve Mike qui (après un propriétaire de Lodge qui refuse de me laisser camper en disant qu’il va falloir que je considère comme obligatoire le fait de payer pour camper à notre époque) m’accueille à bras ouverts et m’offre une canette de canada dry avec de la vodka dedans et m’explique qu’il est difficile de faire le dosage dans la canette car on ne voit rien. On partage des saucisses et discutons de son métier de mineur (mine d’or, il bosse 12h X 4 jours et rentre chez lui 4 jours) et de sa ferme plus au sud dans laquelle il a tué 5 ours cette année car il venaient perturber ses chevaux. Nous sommes à la terrasse d’une superbe maison en bois avec vue plongeante sur le lac, il s’occupe de la maison qui appartient en fait à un autrichien qui vient 3 semaines dans l’année. Il y a des Jackfish (poissons) empaillés et bien sur des chevreuils. Il m’explique que chaque année les élans perdent leurs bois et gagne une pointe de plus. Mal au genou, il fait 22 degrés.

 

Mardi 7 août –Matheson – Rouyn Noranda - 123 km – 6h39 sur le vélo – Distance cumulée 4714 km – Day 32.

            Vent fort de face et route bumpy et coteuse ! Déprime même si la foret est belle. Je passe au Québec. Perdrix sur la route. Le soir, je trouve une surveillante de baignade qui accepte de me laisser camper sur un terrain dédié aux caravanes et payant mais sans payer. Pain aux noix avec cheddar pour se remonter le moral. Pluie dans la soirée et fuite dans la tente car gros orage la nuit. « Te prends à la deuxième lumière (feu rouge) et te trouve le dépanneur (superette).

Mercredi 8 août – Rouyn Noranda – Louvicourt - 145 km - 7h sur le vélo – Distance cumulée 4860 km – Day 33.

            Bain dans le lac à la fraîche et départ dans le froid décidément la deuxième partie du voyage se fera dans la fraîcheur. Villes minières (cuivre, or…). Autant les canadiens anglophones étaient très respectueux du code de la route autant les québécois me font peur et la preuve c’est que ce matin une voiture a voulu passer en force entre moi et la voiture de face et elle a freiné au dernier moment. Les deux voitures derrière ont dérapé et  une d’elle a fini en travers sur le gravillon… De même il n’y a plus de drapeau aux voitures et aux maisons ou alors des drapeaux québécois mais ils sont rares. J’appelle New York pour changer mon vol (appel gratuit mais en anglais of course). Je campe sur un débarcadère de pèche près d’un pont et je suis accueilli par 4 frères et sœurs avec une bière.

Jeudi 9 août – Louvicourt  – Le domaine - 145 km – 7h21 sur le vélo – Distance cumulée 5005 km – Day 34.

            Réveillé à 7 heures par les camions des travaux publics qui viennent pomper de l’eau pour arroser la route en travaux de manière à ce que la poussière reste au sol. Brume sur la rivière. Je bois mon lait à la station service en matant un de ces bus aménagés grand luxe avec une blonde en mini jupe très princesse à l’intérieur du palace. Je me sens un peu pauvre surtout quand je vois le compteur de la pompe tourner pour faire le plein du bus. Moi c’est sur ça me coûte rien de me déplacer. Il y a bien sur le 4X4 tracté derrière par le bus pour les petits déplacement…Je fais 8 km de stop dans le pick-up d’un couple d’indiens qui écoute du paw haw car il y a des travaux et c’est super dangereux de rouler au milieu des voitures excédées de voir ce cycliste à 7 km/h. « Te viens d’ou avec ton bicycle ? » Superbes lacs dans le parc de la Vérendrye mais c’est long et ça devient lassant de voir tous ces véhicules sur cette autoroute de nature. Stéphane pousse les pontons avec son tracteur car le niveau du lac a baissé et les pontons vont casser en se pliant. Il m’explique que ici on ne présente pas les poissons dans l’assiette avec la tête et il est un peu dégoûté d’imaginer que c’est ce que nous faisons. C’est pour cela qu’ils ont des « fish house » la maison du poisson ou ils peuvent nettoyer les poissons pour ne garder que les filets. Je fête les 5000 km du voyage et donc les 10 000 km de mon vélo depuis l’année dernière !!!! Je paye le camping pour la première fois car c’est parc national et là j’ai pas le choix. Les filles au Québec sont vraiment plus jolies que dans le Canada anglophone.

Vendredi 10 août – Le domaine – Bellerive sur le lac - 170 km – 7h34 sur le vélo – Distance cumulée 5175 km – Day 35.

            La fille du camping me dit « c’est bien tout parfait et ça fait la job » en parlant de ma remorque de vélo (job ici c’est féminin). Un policier me contrôle avec son radar fusil à 30 km/h et semble tout émoustillé de cette récréation. Je déniche une baguette française à Mont-Laurier dans une épicerie fine et je me la goinfre avec un fromage aux fines herbes. Je prend la piste cyclable « Le petit train du nord » qui est construite sur une ancienne voix de chemin de fer. C’est fabuleux, on devrait prendre exemple car c’est des centaines de cyclistes qui viennent ici en toute sécurité (on oublie les dangers des voitures et trucks) et comme la piste est super aménagée c’est un grand plaisir. De plus ça monte doucement car les trains ne peuvent pas monter trop. J’ai l’impression de faire le train au milieu des sapins. 200 km de piste dont 100 asphaltés et 100 sur terre confortable. C’est le cadeau de la fin du voyage. Bivouac sur une plage, un gars qui s’éclate passe avec son parapente mais il a une hélice dans le dos.

Samedi 11 août – Bellerive sur le lac – Laurentides - 177 km – 7h45 sur le vélo – Distance cumulée 5352 km – Day 36.

            Très belle journée sur le petit train du nord. De plus en plus de cyclistes à l’approche de Montréal. Je me régale de fraises du Québec et de tomates cerise mais mes fesses souffrent. Fermes laitières, champs de producteurs de pelouses : idéal pour poser la tente mais je finis chez un éleveur de porcs.

Dimanche 12 août – Laurentides – Québec - 239 km ! – 9h45 sur le vélo !– Distance cumulée 5591 km – Day 37 – 272 h sur le vélo en cumul.

            37 jours que je monte la tente, cherche des endroits pour bivouaquer, cherche l’eau, la bouffe j’en ai un peu marre et je décide de tenter l’arrivée ce soir sur Québec city même si la distance est un peu folle. En fait dieu m’envoie du vent dans le dos et je reçois cela comme un message d’encouragement à me dépasser. J’appelle Pierre et Céline qui m’attendent à 19h, j’arriverai à 19h15 ! Départ donc à 7 heures du matin. Les québécois ont réussi à franciser le KFC car ici on l’appelle PFK (poulet frit kentuky). Très beau parcours sur le chemin du roy (est-ce pour moi ?) le long du majestueux fleuve St Laurent. Villages magnifiques mais je ne m’arrête pas car aujourd’hui il faut faire le bourrin. Beaucoup de vélo et de Harley Davidson. J’ai trouvé un drapeau du Québec que j’ai fixé sur mon vélo. Il y a des vendeurs de fruits, des vendeurs de blé d’inde (maïs), des cabanes à sucres (là ou l’on fait le sirop d’érable). Accueil très chaleureux de mes amis et de leur fils Patrick, de Marc et France. Dodo dans un vrai lit mais j’ai plus l’habitude alors je dors moyen.

Voilà un voyage de vélo qui s’achève, 151 km par jour en moyenne et 7 heures 35 minutes sur le vélo par jour en moyenne et 20 km/h en moyenne, ça me convient très bien.

Lundi 13 août – Quebec –

            Pas de vélo Youppie !!!! Des rotis (toast) au petit déjeuné. Je laisse par contre les creutons (rillettes de porc) à Patrick qui arrive par contre à me faire manger les œufs durs qui baignent dans le vinaigre. Journée dans Québec : balade tranquille, visite de la citadelle, coiffeur, repos, boutiques. Je suis étonné par les maisons qui sont un mélange de styles français, anglais, américain… Les gens sont très gentils. Le soir je retrouve Marc, France et Patrick pour manger la poutine (petites frites, sauce à la viande, fromage) et visiter le petit champlain by night. « Après que mon bicycle m’ait fait tant de misères, un bon breuvage et une poutine c’est bien le fun » Marc est aux petits soins avec moi et m’emmène à la gare de bus pour prendre le carton pour mon vélo (obligatoire pour rentrer dans le bus). J’emballe tout ça crevé vers 23 heures. « Tourne de bord » que me dit France pour voir quelque chose sur le côté et « pousse le banc » pour pousser le siège conducteur…Trop rigolo toutes ces expressions.

Lundi 14 août – Quebec – Montréal – Franckfort

            Avion, je ne dors pas et bois du vin rouge en regardant « spider man III » « Shrek III » et « Angela » Je bouffe de la société après tant de temps dans la nature.

Mardi 15 août – Franckfort – Marseille - Toulon

            Mes bagages sont perdus, je rentre donc léger à Toulon. Amélie et Stessy m’attendent à la gare. La remorque arrivera le lendemain et le vélo deux jours plus tard.