Bordeaux Sète en canoë

2014

 

12/7  Langoiran Langon 23 km

Approche du canal depuis le train : quelques cyclistes, promeneurs, voiliers mats tombé. Ça donne envie car très beau très calme. Théo et sa copine me trouvent à la gare et m’emmène découvrir mon canoë que je n’ai vu qu’en photo sur le bon coin… Bordeaux que nous traversons me semble tout petit. Je n’y suis pas retourné depuis 25 ans… Son papa a chargé le canoé sur la remorque et m’emmène sur la Garonne.  Nous arrivons sur le chantier Tramasset à Langoiran. Magnifique travail sur bois, squelettes de bateaux. J’apprends qu’il est impossible de lutter contre le courant de la Garonne et qu’il faut profiter du mascaret de 16h. C’est le courant inverse, une grosse vague qui rentre de la mer vers la Garonne. Il est 16h quelle chance ? Quel Hasard ?... Aujourd’hui en plus j’ai un gros coefficient de marée (100) quel bol… Tout rentre dans le canoë. Je suis maintenant rassuré. Un sac étanche, un bidon de canoë, un jerrican d’eau 10l, un chien ?... Gros (30 kg), Max et qui ne rame pas même sous la torture. Les bords de la Garonne étant très boueux, le papa ressort de la mise à l’eau avec les pieds marron sur 30 cm de hauteur ainsi que Max qui pourrit le bateau en deux secondes…  J’ai rarement pagayé dans ma vie et je pars pour 400 km… Nombreux hérons et cabanons de pèche sur pilotis avec un grand filet qui monte et descend à la manivelle, caractéristique de la région pour la pèche au carrelé. Max ne veux pas poser ses fesses car le fond du canoë est mouillé car je mets un peu d’eau à chaque coup de rame. Première ampoule au pouce… Demain je mets les gants… Arrivés à Langon un peu cassé. Donc 2 cocas, deux kebabs achetés en abandonnant le canoë sur la berge avec un peu d’émotion. Concert dans le parc avec de jolies filles qui dansent avec des cerceaux. Le système de roulettes qui se fixe sur le canoë pour le tracter sur la berge s’avère naze et Je pose ma tente à la nuit avec manque d’habitude et max s’avère très sage et prends finalement peu de place au fond de la tente posée sur une pelouse dédiée à une balise pour bateau. Nuit avec les oiseaux, réveil avec les cloches d’église et les averses…

13/7 Langon Bernes 30 km

Mauvaise nuit car toujours un peu de charivari dans la tête dans les débuts d’un voyage : vais-je pouvoir pagayer ? Vais apprécier la solitude ? En plus, je dois profiter du mascaret à 6 h du mat comme annoncé par Martine. Lors du réveil, c’est un torrent qui coule dans le mauvais sens ! Je dois attendre 8h pour voir la Garonne paisible, en repos. Arrivé à Castet d’Orthes l’entrée du canal de Garonne et la première de 53 écluses à passer jusqu’à Toulouse pour un dénivelé de 128m. Petite boutique vieillotte en haut du village avec les prix à la main et on fait la queue comme à la guerre. Je me tape 1 km à pied pour passer les trois écluses consécutives et la roue se casse d’entrée de jeu… Vive Cabesto et les 65 euros pour de la merde… Les plaisanciers veulent nous prendre en remorque et je refuse allègrement. Première couleuvre 60 cm. Je tracte mon canoë comme jésus porterait sa croix s’il avait existé… Pluie drue toute l’après-midi, le moral vacille et je pose la tente sur la pelouse trempée d’une écluse désertée. Je me change et au lit à 19h. Un type m’a dit « c’est pas gai ce temps » lol pagaie..  Mal aux reins et les bras coupés aux articulations. J’avais prévu 50 km par jour ça ne sera pas possible…

14/7 Bernes Buzet sur Baïse 39 km

Max mouillé dans la tente… Levé 7h. 2 yaourts, pas de pain car mouillé. Bercé par la cascade de l’écluse. Le « courant » sera contre moi jusqu’à Toulouse moment où les écluses seront descendantes. Les écluses sont automatiques. On tourne une canne qui et accroché à un câble au milieu du canal et ça déclenche l’écluse. Je fais sécher la tente au Mas d’Agenais ou j’ai trouvé une douche froide. Un gars qui a loué une péniche m’explique que ça chasse du cul et qu’il a heurté la berge moultes fois. Un type m’explique qu’il nourrit les canards pour qu’ils restent chez lui… Max que je fais courir sur la berge pendant que je pagaye saute deux fois à l’eau à la rencontre de chiens venant en sens inverse. Depuis qu’il est castré, il a des drôles de réactions… Des pécheurs d’écrevisses trop petites et de silliure (poisson chat qui a un corps de murène). Une femme fait du vélo et son mari suis les étapes en voiture… Un type ramène sa péniche d’Amsterdam et loue la maison des éclusiers. J’arrive épuisé dans un petit port ou le tenancier est anglais et tous ces clients sont anglais sauf moi. Je me régale donc d’une pinte et du dialecte.  Tente sous un saule pleureur. Avant de me coucher, un plaisancier me dit de faire attention aux couleuvres et j’observe les chauves-souris… Cauchemars en perspective ?

15/7 Buzet Boé 35 km

Levé 7h. Courses au petit spar en laissant le canoë 10 minutes sous un pont. Le canal est plus sauvage, plus de chemin de halage visible puis on longe l’autoroute histoire de faire contraste et détester notre société du transport routier. Chapeau et lunettes, pas trop d’ombre. Martin pécheur. Je prends une écluse avec un bateau ce qui est interdit mais m’évite de sortir et de tracter le canoë dans une montée détestable. Un suisse m’offre une bière et nous discutons sous les arbres pendant qu’il recharge mon portable sur sa péniche louée. Je me fais mal au poignet au passage d’un bateau qui va trop vite. C’est le début de 4 jours de souffrances car tendinite. Je banderais le lendemain. C’est inquiétant dans ce genre de voyage quand on a mal à un endroit vital pour la suite du parcours.. On verra bien. J’ai aussi des fourmis dans les mains régulièrement. Vu la monté terrible à Agen de plusieurs écluses magnifiques en cascade, je déclenche l’ouverture. Les enfants qui sautent dans l’écluse vide sont déçu de voir que je vais la remplir et qu’ils devront attendre le prochain bateau dans l’autre sens… Etant trop devant l’écluse, je tourbillonne et le courant gronde. Bonne leçon. Une écluse c’est dangereux…Pont canal magnifique, tout en pierre, je pagaye au-dessus du vide. Bivouac dans un joli parc et je fête l’anniversaire d’un cycliste qui pose sa tente pas loin et m’invite à boire la clairette et deux bières jusqu’à minuit. Crevé, mal au dos…

16/7 Boé Moissac

7h. Café avec mon pote, brossage de dents et c’est reparti. Mal au poignet. Chaud, très chaud. Je passe toutes les écluses avec les plaisanciers mais en me mettant bien à l’arrière cette fois ci. J’ai bloqué la première écluse prise tout seul car je suis passé trop vite sur la cellule et il n’a pas considéré que la péniche été sortie de l’écluse… Hirondelles, ragondins, libellules bleu électrique. Je longe une centrale nucléaire (Golfech) puis c’est le TGV qui passe à quelques mètres… Courses en laissant le canoë sous surveillance de personnes rencontrées. Arrêt à 20h près d’une écluse et du train. Je me lave avec une gamelle plongée dans le canal devant les trains qui passent. En plus l’eau est mauvaise puisque la maladie de la pisse du rat règne… C’est aussi pour cela que le canal est interdit à la baignade. Ce soir il y a de la bouffe : olives, pain, fruits, saucisson, fromage. Mal partout…

17/7 Moissac Montech 24km

Bruits de poissons vers 5h du mat. Fatigué. Mal au poignet. Vent et courant contre moi et plus tard c’est l’administration qui me cherche des noises car j’ai passé l’écluse avec un bateau mais ça c’est normal. Ce qui l’ai moins c’est que le chef me dit qu’il faut une autorisation pour circuler sur le canal et que c’est Toulouse qui les délivre mais qu’ils sont fermés le we…. Je pars en ville pour l’autorisation sur internet mais la fille de l’hôtel trouve l’information inverse sur le site du canal. En effet il n’y a pas d’autorisation à avoir. Bref je me sauve sans.  Deux bières offertes par un plaisancier alors que je lui demande ou est le bar… 15 écluses… Un éclusier que j’ai vu avant me propose son aide pour réparer le chariot. Nous partons dans son atelier et refaisons une vraie charrette optimale sur laquelle je vais pouvoir compter. Merci Paul… Dodo en bord d’écluse. L’éclusier viendra discuter avec  moi vers 21h mais il semble avoir bu…

18/7 Montech St Jory 30 km

Gens rencontrés pas avenants, vent contraire l’après-midi. Douche chaude pour 2€. Pour le vent, j’évite d’y penser. 1  mètre par coup de rame cela fait donc 30000 coup de rame à la journée… Dur dur, il faut reprendre après manger.. Dodo écluse isolée à 13 kml de Toulouse.

19/7 St Jory Mongiscard 35 km

Levé 7h. Traversée de Toulouse faut pas trainer si je ne veux pas dormir dans la ville. Des squats sous les ponts en palettes et bâches. La ville concentre la misère. Je me tape 3 kilomètres à pied avec le canoë sur les passages piéton ou la route. Je passe pour l’indien dans la ville même si j’ai mis les chaussures pour pas faire trop sauvage. « C’est quoi me dit une dame » « C’est pour vous demander mon chemin madame » je réponds atterré de voir la froideur, la bêtise, la peur des gens.  Vent de face mais les arbres du canal me protège un peu. C’est maintenant le canal du midi et non plus le canal latéral de Garonne. Plein de péniches. Des décorations intérieures fabuleuses. Ecran plat, sofa, statues africaines, salle de bain grand luxe… J’en veux une. Un héron fait la route avec moi. Il s’envole à chaque fois que j’arrive à sa hauteur. Je dévore une salade aux lardons pour 6€ à 17h puis commande une pizza pour 20h. Tente à l’écluse face à l’ancien lavoir. Rencontre de Ravier un espagnol et sa femme très drôle…

20/7 Montgiscar La Bastide d’Anjou 37 km

7h. 2 yaourts, pain dur confiture pas de beurre durant ce voyage trop chaud. Des vrais canards sauvages. Ils nagent le coup à ras de l’eau pour ne pas se faire repérer et se cache sous les racines des platanes qui viennent boire sur les berges. Ragondins et beaucoup de poissons morts… Visite surréaliste d’une aire d’autoroute de Vinci. Un indien dans la station qui cherche de la bouffe pour son chien. Des automobilistes m’en donneront. Je passe sous l’autoroute. Deux mondes se croisent. J’étais passé au-dessus à Toulouse. C’est bizarre de pagayer sur l’autoroute…  Passage de la ligne de séparation des eaux. C’est un grand moment car cela signifie que les écluses sont maintenant descendantes et donc plus faciles à passer car moins hautes de ce côté et le courant va dans mon sens. L’ingénieur a fait venir une rivière pour alimenter les deux côtés du canal. Bière à un café avec des Nouveaux Zélandais rencontrés plus avant…Une péniche percute un pont. Faut dire que c’est un trou de souris ou il faut passer lorsque l’on est gros comme ça et qu’il y a du vent latéral. Bivouac sur ponton et sous la pluie.

21/7 La Bastide d’Anjou Villesèquelande 35 km

9h. Castelnaudary très beau marché et petits lacs. C’est là où ceux qui louent des péniches prennent leurs 6 minutes de leçon de conduite. Les pauvres… Petit poulet pour midi mangé sous la pluie. Douche que je n’avais pas prise depuis 4 jours… Pas beaucoup de douches sur le canal… La piste cyclable n’est plus bitumée. Le canal serpente bien plus. Une écluse tous les kilomètres c’est épuisant. Petits ragondins, martin pécheur bleus électriques. Un mec sous la pluie et dans la boue sur son vélo me dit « C’est génial ». Je finis sous un pont ou j’établis le quartier général. On nourrit les canards et cannetons et max se spécialise dans la chasse au ragondin. Portable à charger chez un voisin et soirée avec un prof cycliste qui campe à côté.

22/7 Villesèquelande Blomac 40 km !!

5h. Départ à la nuit. Ambiance du sud : cigales, colorado.. Vent de folie mais dans le dos. Arrivée à Carcasonne pour le départ du tour de France. J’aperçois les remparts en me mettant debout sur le canoë. Arrêt magnifique à Trèbes où j’accoste direct sur le café. J’attache même le canoë à la table. Fatigue entre 16h et 18h. Beaucoup de bateaux de locations avec des étrangers pas tous agréables… La richesse ça rends pas aimable. Deux cigognes joli présage. Double, triple écluses toutes en pierres c’est beau.

23/7 Blomac argeliers 45 km

Toujours aussi beau. Le canal sillonne le Minervois au milieu des vignes. Oies, cygnes noirs. Resto à midi pour manger une truite canoë attaché au quai du resto. Les grands platanes ont une croix blanche lorsqu’ils sont attaqués par le chancre coloré, maladie  qui les décime. Sinon, le canal, le plus grand chantier du siècle de Louis XIV a perdu son nom de canal royal après la révolution  pour s’appeler canal du midi. Tente sous les platanes, plus d’écluse pendant 60 km. Max s’électrocute sur la clôture alors que l’on admire les ânes et les chevaux au coucher du soleil. Nuit chaude avec exécution de moustiques dans la tente.

24/7 Argeliers Portiragnes 40 km

7h 20h de rame. Vent de face mais pas fort. En fait, je vais plus vite que les bateaux qui eux passent beaucoup de temps dans les écluses. Belle collégiale à Capestang ou je rencontre un habitant qui me raconte l’histoire de son village.  Quatre adolescentes m’applaudissent à mon arrivée à Beziers et m’offrent le jus d’orange. Six écluses de suite en cascade. 70% d’étrangers sur ce canal. Les anglais boivent du rouge à midi au soleil et je leur explique que nous buvons plutôt du rosé.

25/7 Portiragnes Sètes 35 km

Dernière journée à canoter ça fait du bien au moral car dur dur pour les bras. 7h 16h de rame sans arrêt. Dernière écluse. Les bateaux ont des mats ! Dernière couleuvre, les poissons sautent au-dessus du canoë. Renseignements pris à l’école des glénant sur la dernière ligne droite du canal et je décide de ne pas manger car la tempête est annoncée pour cette fin d’après-midi. Je trace tout droit sur l’étang de Thau. L’eau est salée ! Vagues et vent de face. Max se couche devant tant d’eau de tous les côtés et nous partons pour trois heures contre les éléments. Arrivé à Setes, je trouve l’eau bien chaude et un pécheur accepte que je laisse mon canoë et que je plante la tente. Dans le village de pécheur, je prends les grêlons et il y a 20 cm d’eau dans les rues en une demi-heure

Bilan :

C’est toujours bien de faire un petit bilan. J’avais un canoë à manier à deux et j’étais seul ce qui est un peu violent et moins plaisant. Pas de courant sur le canal comme dans les rivières  donc plus dur… Belle ambiance calme, sans voiture, très nature. Aucune envie d’écouter les infos ou de revoir al société. Rien que le bruit des camions de l’autoroute au détour d’une courbe… Sympa aussi le côté anglais. Difficile de comprendre comment on peut ramer autant d’heures dans la journée en solitaire après coup… Pendant, on ne veut pas y penser. Routine dans la pente, du passage des écluses. Le voyage serait-il plus agréable au final sur une pirogue avec un petit moteur ?