SEPTEMBRE 2001 Népal Tibet Chine

 

01/09/2001 (Népal) Dépenses : 124 F - Distance parcourue : 0 km

Pas de rhinocéros ce matin. La pluie tombera jusqu'à 9 heures. Titra, mon guide me conduit dans les rizières. Nous prenons une pirogue pour entrer dans le parc (prévoir 60 francs de guide et 50 francs pour l'entrée).Ce parc a été créé par un roi pour empêcher la tribu Tharu de détruite toute la forêt de cette région (Terai). C'était le domaine de chasse royal et c'est maintenant le sanctuaire des tigres, léopards, biches, singes, crocodiles. Titra est très clair sur les conduites à tenir en face de certaines réactions des animaux sauvages. Je rentre dans la jungle verdoyante et touffue avec un peu d'appréhension après cette mise en garde. Je suis tout de suite adopté par les sangsues et j'en récolte une bonne trentaine éparpillée sur les bras, les jambes et le cou. Elles font mal et laissent une trace sanguinolente sur la peau. Malgré 8 heures de marche, nous n'avons pas vu les rhinocéros, mais les biches étaient là, les mangoustes, des singes, deux sangliers locaux qui détalent à toute vitesse en nous apercevant. C'est un régal d'être dans ce coin du monde sauvage. Nous dînons avec Govinda, un Népalais et un Français, Fabien, qui termine un tour de l'Inde de cinq mois. L'ambiance est cool, nous sommes trois guitaristes en tout et on se régale de légumes du jardin en curry accompagnés de riz. Govinda offre le vin local, qui a la couleur de l'eau et le goût d'un alcool fort. Je dors encore sur la terrasse, le chien s'est installé sous le lit. Il pleut toute la nuit et seules des grenouilles perturbent le silence de la nuit.


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02/09/2001 (Népal) Dépenses : 26 F - Distance parcourue : 0 km

Thé offert par la maison et lecture du lonely planet de Fabien. Dur le rythme de ce début de journée. J'y apprends que les Népalais sont très superstitieux en évitant, par exemple de poser leur pas dans ceux des personnes qui les précèdent, les chaussures sont systématiquement enlevées dans la maison, le feu est sacré... Govinda m'apprend que deux touristes m'attendent pour une " éléphant ride ". C'est assez haut, on accède à la plate-forme par une échelle et une fois installé, on peut profiter pleinement des coups de queue de l'animal (déposant la boue sur les jambes...) et des pets de l'animal. Mais nous voyons ainsi le paysage au rythme de l'éléphant, ce qui donne une autre dimension à ce qui nous entoure. Nous avons la chance de tomber sur trois rhinocéros. Au retour, l'éléphant galope ! Nous sommes trempés. Il est 11 heures et Govinda m'apprend que la route pour Katmandu est coupée à cause d'éboulements. Je renonce au stop et j'en profite pour me documenter dans les guides, tranquillement installé sur la terrasse. Fabien me donne " sur la route " de jack Kerouac, un grand classique de l'auto-stoppeur globe trotteur. Soirée autour du riz, de légumes, piments, vin local et guitare. En plein milieu de la soirée, un jeune du village débarque pour nous prévenir qu'il y a un rhinocéros à 10 m de nous. Tout est détrempé, mais nous avons le temps d'apercevoir une masse sombre qui nous observe. Le jeune nous fait signe qu'il peut charger et qu'il vaudrait mieux se reculer un peu. Il finit par s'éloigner et disparaît dans une autre rue.

03/09/2001 (Népal) Dépenses : 103 F - Distance parcourue : 160 Km

Réveil sous la pluie. Je traîne une heure. Riz soufflé et deux toasts qui traînent dans mon sac. Un jeune m’amène le thé sur un plateau. Je prends tout cela sur mon sommier en terrasse. Rickshow à pédales. Les élèves (natte et ruban rouge pour les filles) se rendent à l’école à pied sur ce petit chemin au milieu des vaches, des rizières, loin de la pollution des voitures et du bruit. Je pars avec Michael en bus pour Pokhara pour faire 4 à 5 jours de trekking autour des Annapurna. Je paie mon bus (17F) car si je fais du stop, je ne suis pas sûr de rejoindre Michael à temps et puis je vais faire au retour une grande partie de cette route en stop. Nous traversons les montagnes dans une vallée ou coule la Narayani, agitée, très large et marron. C’est tout vert. Arrivée à Pokhara, ville étonnante ou vous pouvez trouver le clip de rechange qui ferme votre sac, des distributeurs de carte visa, équipements de montagne, tout pour le Routard en fait. J’achète 3 clips, un jogging léger pour 15F, du muesli, des raisins secs et un protège pluie pour le sac(15F). Je partage une chambre à 10F avec Michael dans une  maison sur une petite colline qui nous offre une vue magnifique sur le lac. Quelle paix ! Dîner en ville pour 7F avec riz, légumes et coca cola ! Il nous faut obtenir un passeport pour le parc national mais c’est fermé, ce qui repousse notre départ matinal à 9h. Michael me fait part de la difficulté qu’il rencontre à trouver une femme juive car il est lui-même juif et ça complique en effet les choses.

04/09/2001 (Népal) Dépenses : 86F – Distance parcourue 60 Km

Nuit superbe. Il fait soleil, petit déjeuner en face du lac Phewa avec lait ; muesli, pain, confiture : il faut manger pour le trekking. Internet étant à 30F de l’heure ici, j’attendrai Kathmandou (4F seulement) pour envoyer mes photos. Nous obtenons sans difficulté notre droit d’entrée pour le parc, contrairement aux informations de diverses agences de voyage qui veulent le vendre plus cher ( 220 F au lieu de 200). Pour 5F on prend le bus qui se tortille sur une route magnifique mais en très mauvais état. Il nous faut 2h pour faire les 60 Km jusqu’à Nayapul (1070m) et s’engager sur un chemin style voie romaine qui ne présente aucune difficulté sauf les endroits où il sert de passage à l’eau de pluie. Comme il fait soleil et que l’on a aucune confiance sur l’avenir au niveau du temps, on fait un maximum de photos. Les montagnes sont étagées par une multitude de rizières. Pour une fois, l’homme, en transformant la nature a fait quelque chose de beau. Sur le chemin une colonie de mules, chacune munie d’une cloche autour du cou, des porteurs de cages dans lesquelles sont entassées des poules encore vivantes (il faut bien nourrir les touristes là-haut), des grands papillons noirs et bleus, des épis de mais pendus aux balcons de bois peints en bleu, ces maisons de bois magnifiques qui rappellent la Suisse, l’odeur de la nature les chants d’insectes parfois assourdissants : Nous sommes loin de la pollution. Nous passons plusieurs ponts suspendus et, marche après marche, nous nous élevons pour atteindre Viveri à 1960 m. le tee shirt est trempé de transpiration. Une petite pause vers 16h nous permet d’admirer les écoliers en uniforme bleu qui quittent la classe en se lancant dans le chemin pentu. Après cinq heures de marche nous sommes contents d’arriver dans notre chambre avec vue imprenable sur les montagnes. Douche chaude, puis vodka, coca avec deux français, Gauthier et Julie, qui nous ont rejoint dans la salle de restauration avec vue panoramique. On a mal aux jambes et on est bien contents de ne plus bouger. Je prends une soupe à l’ail et un curry de légumes. Le reste de la soirée, c’est rigolade, discussion sur la condition de la femme en Inde, échanges sur nos voyages. Nous avons à devenir ce que nous sommes disait Saint Ambroise. Le voyage peut aider à rechercher en nous-mêmes ce que nous sommes effectivement.






05/09/2001 (Népal) Dépenses : 82F – Distance parcourue 0 Km

La pluie est là ! La brume aussi ! Comme nous n’avons que quatre heures de marche aujourd’hui, on attend pour voir si la pluie s’arrête. Je commande une omelette et un verre de lait avec lequel je confectionne un muesli, largement arrosé de miel, de confiture et de sucre. Finalement on décide de partir sous la pluie en protégeant le sac. Au moment de sortir, la pluie s’arrête et ne reprendra qu’à cinq minutes de l’arrivée. nous rencontrons fréquemment des drapeaux bleu, blanc, rouge, vert, jaune qui flottent sur des mâts et sur lesquels figurent des textes sacrés en sanscrit. Petit arrêt pour observer un homme qui donne à manger à son cheval tout en le sellant et  qui monte aussi à Ghorapori. C’est bon ces moments où on ne fait rien à part écouter, voir, sentir, essayer de comprendre ce qui se passe. Arrivée à 2800 m après 3 h 30 d’ascension. On déniche une chambre à 3 lits et trois fenêtres donnant sur les 3 cotés de la maison. De là j’observe sur le chemin les porteurs de poulets qui font une pause. Des français nous rejoignent pour une soirée dans la salle commune. Il y a aussi des israélites, 3 anglais, des guides. Les chaussettes sèchent autour du poêle. Vers 18h30 on mange du riz/légumes et on termine par la fameuse tarte aux pommes de l’Himalaya.

 

06/09/2001 (Népal) Dépenses : 76 F – Distance parcourue 0 Km

Le bruit me réveille à 4h30 du matin. C’est le guide qui dit aux israélites de se lever car il ne pleut pas et les montagnes devraient être visibles de Punhill. Je réveille Michael et, chaudement vêtus, nous partons pour ¾ d’heure d’ascension dans la nuit. La lune pleine mais souvent cachée par les nuages  ainsi que la torche nous permettent d’avancer. Arrivés en haut, à 3200 m sortent de la brume et de la nuit les sommets sacrés illuminés des premiers rayons du soleil. On ne voit pas l’intégralité de la chaîne mais chacun des monts se révéleront un par un, petit à petit : l’Annapurna sud, le plus proche de nous, le Hiunchuli, L’Annapurna 1 qui culmine à 8091 m, le Nilgiri, le Dhaulagiri. On a de la chance, on le sait et on est bien contents. Les israélites ont attendu hier en vain  toute la journée pour les voir et se réjouissent avec nous ce matin. Il y a parfois plus de 1000 personnes sur le Punhill en haute saison pour admirer le spectacle. Des hommes ont laissé leur vie sur ces 8000 majestueux, raides, enneigés. Descente, petit déjeuner et l’on repart vers 8h pour près de sept heures de descente dans la forêt/jungle pour gagner Ghandruk à 2075m. C’est détrempé, ca glisse, il y a des ponts de bois, des parties du chemin écroulées. On traverse sur des cailloux des dizaines de cours d’eau qui envahissent le chemin. On marche vite et les temps annoncés sont pulvérisés et les jambes le sentent. Arrêt d’une heure dans un de ces villages érigés uniquement pour les touristes trekkeurs en plein milieu de la jungle. A Ghardruk on trouve un hôtel magnifique( le plus beau que Michael et moi avons rencontré depuis le début de nos voyages respectifs) pour 7F chacun. C’est hyper-cosi, un vrai sweet home tout en bois, dans la chambre des petites fenêtres au raz du sol, du plancher brut, les ardoises visibles sur la charpente en bois. Je passe un quart d’heure avec une vieille femme qui file la laine de mouton sur un métier très simple : Une roue mue par une manivelle entraîne  une courroie de corde qui fait tourner à toute vitesse une aiguille sur laquelle la pelote de laine filée se forme. De l’autre main une touffe de laine qui s’effile en torsion petit à petit vers l’aiguille. Une sangsue en profite et je découvre mon pied en sang. Ca coule de partout et il est temps d’aller à la douche. Plus tard les enfants rentrent de l’école. Notre hôte nous apporte une assiette de grains de mais grillé qu’ils appellent pop corn. Ici c’est la paix de l ‘âme retrouvée. Ils se mettent en cuisine pour nous seuls, car ce soir il n’y a pas d’autres clients dans la superbe salle à manger. Je commande des momo, bouchées de légumes à la vapeur et de Dhal bhat (riz, lentilles,légumes et bouillon). Ensuite discussion sur la manière de donner son temps à ceux qui en ont besoin. Que faire comme boulot à notre retour ? On partage nos impressions sur les personnes que nous avons rencontrées ces derniers jours…






07/09/2001 (Népal) Dépenses : 85 F – Distance parcourue 60 Km

Michael ouvre la fenêtre pour voir si les montagnes sont découvertes mais se recouche. J’en déduit que les nuages cachent les géants. On prend notre temps avant le départ car il n’y a que quatre heures de marche aujourd’hui. On bulle dans la chambre, toutes fenêtres ouvertes sur la nature. En fait le Snowland Lodge a du charme car, situé sur les hauteurs de Ghandruk, il a été refait dans le pur style himalayen, contrairement aux hôtels modernes du centre du village. Je lis au lodge que l’espérance de vie au Népal est de 53 ans pour les femmes et de 54 pour les hommes. La mortalité infantile est de 1,28 pour 10 naissances. Seuls 38% des hommes et 12% des femmes ont reçu une éducation scolaire. Le Népal ne s’est ouvert aux touristes qu’en 1951. L’hôtelier qui ne sait pas écrire me demande de lui faire la note. Je suis bien sur honnête et nous partons après avoir payé ce que nous devons. Michael traîne un peu car il fait super beau :  paysage de rizières, de cascades,  villages typiques. Des femmes étendent des grains de mais sur des bâches au soleil. Un homme tresse un panier d’osier, une mère allaite son enfant, une autre coiffe sa petite fille. J’ai les jambes fatiguées par la descente infernale. Des marches, encore des marches… Je chante pour me défouler « bel escalier, puis je monter ? Mais oui madame, il faut payer ». Un coca pour repartir et on arrive juste à temps après avoir couru dans une montée, pour attraper le bus qui klaxonnait rageusement. Dans la montée deux types ne voulaient pas nous laisser passer en prétextant qu’il n’y avait pas de bus et qu’il fallait prendre le taxi. Comme toujours la chance et il se met à pleuvoir à saut alors que l’on rentre dans le bus. C’est un endroit très local, avec paniers, poules, gerbes de blé, pécheur qui quitte la rivière et monte avec son poisson vivant dans la main. Ensuite on prend un taxi en compagnie d’un népalais pour partager le prix de la course, soit 2F chacun, mais il descend avant et nous devons payer sa place. On retrouve notre chambre et nos affaires laissées là. Restau : bière et lasagnes. Je mange la salade de Michael qui ne veut pas être malade. Longue discussion, avec vue sur le lac, avec un couple d’israélites qui font le tour du monde mais sans limitation de temps. Ils planent un peu mais sont très attachants.






08/09/2001 (Népal) Dépenses : 4F – Distance parcourue 200 Km

Réveil 6h, je prends le taxi pour la gare routière avec Michael et je lui dis au revoir car il va à Kathmandou en bus et moi en stop. C’est ma religion. A force de marcher dans des baskets chinoises détrempées, j’ai attrapé des champignons entre les doigts de pied. Comme mes baskets ont déjà rendu l’âme et que mes tongues me feraient mal, je marche pieds nus  et je fais dix km pour sortir de la ville. C’est dur car vraiment les Népalais ne comprennent pas ce que je fais sur le bord de la route. Une voiture, un camion puis un grand vide…Je m’assieds sur mon sac car mes pieds fatiguent et je commence à penser que je n’y arriverai pas aujourd’hui. Miracle : Daman et Bandu (spot rouge sur le front car ils sortent du temple) m’emménent a toute vitesse à Kathmandou en 4x4, après avoir vérifié mon passeport. Sur la route défoncée, un accident entre un bus et un camion, des ponts suspendus gigantesques et des femmes qui se lavent tout habillées. Je suis invité au Dhal baht puis thé au lait et arrivée à Kathmandou. Mes deux compagnons m’invitent à passer 5 jours gratis chez eux en famille. J’accepte car c’est ainsi que j’apprécie le mieux le tourisme. Je consulte mes mails chez eux. Riz pilé et viande pimentée, rondelles de concombre et tomates avec gin orange et j’allais oublier la banane en entrée. Daman passe la soirée en nous parlant de son épouse qui vient de le quitter il y a quelques jours en emmenant son fils car ça va mal. Il passe son temps au téléphone et me passe le combiné pour que je parle à ses amis car il est très fier de m’avoir chez lui. Il est connu ici comme champion de karaté et me semble côtoyer la bonne société de Katmandu. Je parle ainsi au téléphone à un chanteur népalais très connu dans le pays et en Inde. On écoute en même temps son CD. Minuit, au lit dans une vraie chambre pour moi seul.

 

09/09/2001 (Népal) Dépenses : 27 F – Distance parcourue 0 Km

Réveil à 5h pour aller courir ! On se rend ensuite au cours de karaté qui a lieu en plein air au milieu du temple de Pashupatinath. Sur le chemin, beaucoup de monde déjà debout à coté de moutons vivants et deux dont la tête est coupée. Un homme leur lave le corps : heureusement je n’ai pas pris mon petit déjeuner. Ici c’est plein de temples et de singes qui font les dingues entre les toits, les murs, les arbres, les lignes électriques. Certains sonnent la cloche qui se trouve devant chaque temple pour réveiller le dieu qui y habite. Je passe un grand moment à regarder les hommes qui trempent leurs mains dans la rivière Bagmati et se font couler un peu d’eau sur le front. Cela ressemble à Bénares, avec des marches qui tombent dans l’eau. Les hommes y jettent des fleurs en offrande. Je balance mes photos sur Internet en mangeant deux toasts accompagnés de thé et je me rends chez Bandu pour le riz du midi. Je fais travailler son fils sur un livre scolaire qui traite des ordinateurs comme j’ai fait avec sa fille hier après midi. C’est assez surprenant les livres de classe ici «  Un bon élève, c’est un élève qui se couche tôt, qui arrive à l’heure à l’école » Sur le téléviseur, ils ont laissé l’autocollant qui cache un coin de l’écran et sur lequel il est écrit « It’s a Sony ». Des photos de famille, certaines avec le téléphone ou devant la TV. Au mur, la photo de la famille royale. Bandu met ses habits du dimanche, abandonne femme et enfants et m’emmène en ville. Pour la culture c’est pas son truc. En revanche il est fier de me montrer le plus grand centre commercial et de me présenter deux amis qui y tiennent boutique. La phrase de présentation c’est « Il vient de France et il est ingénieur ». On passe devant le groupe de temples Hanumam-Dhoka Durbar ou j’achète une poupée à deux faces, femme et éléphant, et une cloche pour les deux ans de ma fille Fanny. Je me débrouille pour que Bandu rentre sans moi et je retourne voir le groupe des temples pagodes du 12e siècle. C’est ici que les rois sont couronnés. J’achète une carte de la ville pour 1,50F et visite le quartier Tamel des agences de tourisme et des touristes. Je rentre à pied (5 km) par des quartiers plus typiques. Sur le pas de la porte, Daman avec sa femme et son gosse : Elle voulait divorcer, il est parti la rechercher en avion dans la journée. Il m’invite chez ses parents. Dhal Bhat, visite d’une fabrique de vêtements en kashmir, thé, Dodo. La visite à ses beaux-parents de la belle fille qui s’était sauvée était fascinante.



10/09/2001 (Népal) Dépenses : 74 F – Distance parcourue 0 Km

Lever cool. Œuf et pain de mie beurré. Bandu vient me chercher en moto pour aller voir son ami homme d’affaires au Tibet qui pourrait avoir des tuyaux utiles à mon voyage. A part la ballade en moto dans Patan, je m’ennuie royalement car ils ne parlent pas anglais et je reste un bon moment à me demander ce que je fiche là. Vers dix heures je prends un minibus pour régler moi-même et rapidement cette affaire de Tibet. Je connais les prix et j’opte pour un voyage organisé, seule solution possible pour passer du Népal au Tibet, à 310$ pour 7 jours. Un coup de carte bleue à la fameuse Katmandu Ghest house, billets, Je calcule juste car il semble que l’on ne puisse changer les roupies népalaises à la frontière. Il pleut et je n’ai pas le moral. Je rigole deux minutes à la poste car je colle 54F de timbres à 2 F sur mon colis qui s’en retrouve ridiculement couvert. J’ai faim : j’achète du muesli que j’avale sec. Je rencontre Laurie, une canadienne  avec laquelle je partage un taxi pour nous rendre au temple bouddhiste de Swayambunath. Elle est très contente de passer l’après midi avec moi et moi aussi. La pluie s’arrête et le moral remonte. Le temple domine la ville avec des drapeaux partout dans  les arbres et des roues de prière partout. Dans chaque roue, cylindre de bronze, une prière sur une bande de papier enroulée sur elle-même. Il faut les faire tourner à la main pour avoir de la chance et dans le sens des aiguilles d’une montre s’il vous plaît. Dans le monastère, des moines bouddhistes en habit rouge et jaune chantent des litanies au rythme d’un tambour qui donne une force incroyablement mystique à cette musique. D’énormes cornes soufflent une vibration basse. Les hommes de tout âge ont les doigts entrelacés et lisent des prières sur de larges bandelettes. C’est incroyable, on ressort de là en plein air complètement ailleurs et déboussolé par la magie de ce chant collectif. On prend ensuite un taxi pour Pashupatinath, temple indouiste dédié à Civa. Aujourd’hui il y a des crémations sur le bord du Bagmati, qui se jette dans le Gange. Des vêtements blancs, signes de paix,  sont retirés et jetés à l’eau. A dix mètres de nous, la famille fait trois fois le tour du bûcher. Le fils refait le tour cinq fois avec le feu car c’est lui qui est chargé d’allumer le bûcher en commencent par la bouche. Avant, chacun jettera sur la bouche quelques gouttes d’eau de la rivière. Il fait nuit : le corps s’embrase et la famille pleure. A coté un temple ou les familles ( le fils aîné et la femme du défunt) commencent les 13 jours de deuil pendant lesquels ils se lavent 3 fois, restent vêtus de blanc, font leur cuisine. Pendant un an pas d’alcool si le défunt est une femme, pas de lait si c’est une femme. Je quitte Laurie et rentre pieds nus dans la nuit à la maison. Riz, soirée, dodo..





11/09/2001 (Népal, Tibet) Dépenses : 353 F - Distance parcourue : 120 km

Daman et sa femme n'ont pas voulu me laisser repartir sans avoir bu une tasse de thé. Leur accueil s'est avéré très chaleureux. J'ai ensuite pris la route pour rejoindre l'agence à Tamel. On embarque tous dans un minibus pour parcourir les 900 km qui nous séparent de la Cité interdite. Je redoutais un peu de me retrouver avec un convoi de touristes friqués, me voici rassuré : une Sud-africaine âgée, deux allemandes, deux autrichiennes et une Suisse, un Français de Nouméa, une Américaine... L'ambiance est excellente mais la route  se transforme vite en parcours du combattant. Il pleut légèrement, il y a du brouillard, c'est " voyage au bout de la nuit ". Nous sommes bloqués à 10 km de la frontière tibétaine par un éboulis, provoqué par les pluies,  qui a emporté une partie de la route (c'est courant ici et cela se reproduit chaque année). Nous devons descendre du bus pour parcourir tant bien que mal le tronçon instable chargés de nos bagages. Une faune locale propose ses services moyennant 50 F. Je suis fauché alors je porte le mien. Le paradoxe est que je passe un des moments les plus dangereux de mon voyage alors que je suis en voyage organisé : on observe la situation juchés sur une falaise et nous voyons des blocs de pierre de détacher, entraînés par les eaux. Le but du jeu est de parvenir à passer au travers. A chaque éboulis, la foule, massée sur les côtés se met à hurler. Ce passage difficile ne sera pas le seul ! Deuxième bus, puis deuxième passage périlleux. Je porte le sac de la sud-africaine qui s'en sort plutôt bien, elle avance courageusement sur la pente glissante. Nous croisons des porteurs  qui font la navette entre les camions de marchandises bloqués de chaque côté, colonnes de fourmis chargées de sacs de riz, de magnétoscopes et autres marchandises diverses. Nous arrivons au Népal en empruntant le pont de l'amitié, lui-même reconstruit plusieurs fois (pour les mêmes raisons que les routes). On gagne un caravan serail (hôtel pour routiers) dans un village chinois : 4 par chambre, thé sur table basse au centre de la pièce, les lits sont disposés autour. Malheureusement, les toilettes sont dans un état déplorable et les douches inexistantes. Nous faisons le tour de la ville, des putes, des camions.... Une petite bière dans un temple chinois au coucher du soleil (OK, c'est interdit, mais bon...) et partage d'un repas commun pris dans la rue et composé de brochettes de tofu, champignons, choux-fleurs, pommes de terre revenues dans l'huile. L'addition se calcule au nombre de bâtons par terre (1 F/brochette). Je parviens à faire une toilette sommaire au robinet (eau glacée) et repos bien mérité.



12/09/2001 (Tibet) Dépenses : 200 F - Distance parcourue : 357 km

Nous quittons Zhangmu (2500 m) vers 11 heures pour gagner Tingri (4000 m). Nous croisons des hommes chargés de l'entretien des routes. Ils sont toute l'année dans des tentes au bord de la route. La pluie s'arrête avec l'altitude, la brume s'estompe et nous parvenons au plus beau plateau du monde. La lumière est fabuleuse et donne au ciel et aux montagnes environnantes des couleurs que l'on n'a pas coutume de voir. Ciel très bleu, nuages très blancs, montagnes râpées jaunes, steppes désertiques, on plane complètement dans cet univers surréaliste. Mon  appareil-photo me lâche : il ne fait plus les mises au point. On croise les premiers yacks, ils sont chargés de foin. Ils sont encadrés par des cavaliers d'un autre temps. De temps en temps, nous passons à proximité de villages perdus, drapeaux à chaque coin du toit, un mur de bois de chauffage tout autour. Des femmes et des hommes s'activent dans les champs, leur peau est brûlée par le soleil d'altitude. Nous arrivons enfin le soir, épuisés. Je partage ma chambre avec Jean-François qui souffre de l'altitude.


13/09/2001 (Tibet) Dépenses : 351 F - Distance parcourue : 320 km

Jean-François a été malade cette nuit. N'ayant pas trouvé le moyen d'ouvrir la porte, il a tout vomi sur le pallier. Il n'est pas le seul, à vrai dire, tout le monde est malade et je finis par me demander pourquoi je suis en pleine forme. Nous ne verrons pas l'Everest, il y a trop de nuages. Dommage, mais c'est comme cela. Dans le bus, c'est plutôt silencieux, il fait froid et la forme générale n'est pas au beau fixe. On passe deux cols dont celui de Gyatchu à 5220 m. Certains sont venus prier ici, un peu plus près des dieux, des kerns de cailloux en témoignent, ainsi que des drapeaux et des étoffes avec des textes  en sanscrit coincés sous les pierres. Je voudrais m'arrêter, partager des moments avec les gens que nous croisons,  mais je dois me contenter de quelques échanges de regards au poste de contrôle. Un officier chinois monte dans le bus pour l'inspection, il ne salue personne, bref, il est tout sauf aimable, ce type. Sur la route, on croise des femmes qui portent dans le dos des cruches d'eau ou du foin à l'aide d'une corde qui passe au-dessus de la poitrine... Une trentaine de jeunes alignés coupent l'herbe à la serpe, comme à l'armée. Plus loin, plusieurs personnes reconstruisent un nouveau village car le leur est menacé par la crue de la rivière. L'herbe est pelée et les montagnes complètement ravinées. L'orge est cultivé et sert à faire la bière (consommée en général après le dîner). Nous arrivons à Lhatse (ville pour camionneurs). Tout le monde est malade et je pars en compagnie de Deana dans une gargote où l'on finit enfin par comprendre le prix demandé. On commande directement dans les cuisines : viande épicée, riz, champignons, pommes de terre, le tout accompagné de thé au lait de yack. Le prix est raisonnable : 7 francs. C'est là que l'on apprend que des dingues ont fait écraser des avions sur le World Trade Center et sur le Pentagone. On reprend la route, la borne kilométrique indique 1998 km pour se rendre à Shanghai. Nous restons dans ce bus pendant 12 heures, avec toute la poussière qui rentre à l'intérieur : nous sommes épuisés quand nous arrivons à Xegartse (3900 m), deuxième ville du Tibet. Nous sommes logés dans un super hôtel, une fois n'est pas coutume. Jane, notre guide, refuse que nous allions à Gyang-Tse (fermé depuis un bon mois). Nous ne sommes pas d'accords et les mots qui fâchent fusent. On se couche sans êtres vraiment fixés sur notre destination du lendemain. Céréales en guise de dîner et repos bien mérité.


Carte Tibet


 

14/09/2001 (Tibet) Dépenses : 350 F - Distance parcourue : 0 km

Réveil à cinq heures et prise de tête au petit-déjeuner avec la guide : le groupe veut plus de temps pour visiter le monastère et nous imprégner de cette ambiance. Bilan : on annule Gyang-Tse pour aujourd'hui, évoquant la route longue et mauvaise (je suis persuadé qu'elle ment). Nous restons donc et visitons  Tashilhunpo (fondé en 1447 par le premier Dalaï Lama et qui deviendra le siège des Panchen Lama). Des hommes et des femmes chantent en réparant les ruelles (nous ne savons pas si ces chants sont naturels ou contraints) et nous arrivons devant les fresques à l'entrée du temple : éléphants, tigres, aigles mangeant des serpents, biches... En entrant, nous découvrons un Bouddha de 26 m de haut et devant, des bassins remplis de beurre à lampe d'où émergent des mèches étincelantes symboles d'une vie longue et éternelle. La forte odeur des bougies, de l'encens, le chant des moines nous transportent dans un autre temps. Les moines jettent de l'eau en l'air et en versent dans les mains des pèlerins qui s'en aspergent le front puis la bouche, sans oublier de donner à chaque fois le billet de 1 Yuan qui va bien (cela te ramène vite sur terre !). Après avoir fait le tour du " cloître ", j'accède à une salle incroyable, celle des assemblées avec le trône central. Elle est sombre, bardée des piliers de bois et de velours rouge. Je me sens pris aux tripes par ce lieu, totalement envahi par la chaleur qui s'en dégage. Je profite de l'après-midi pour gravir les sommets qui entourent ce lieu et je profite une bonne heure du soleil, de la religiosité de l'endroit, au milieu des drapeaux, de l'encens, tout au bonheur de me retrouver là, seul, sur le toit du monde, loin de tout tracas et de la folie des hommes. Quand je redescends, il est tard et je me pose à côté d'un tibétain dans un restaurant de rue : il est tout à fait éberlué de me voir ici. Je regagne l'hôtel en méditant sur les vertus du bouddhisme. Il y a quatre vérités saintes : la vie est souffrance (Dukkha) car nous avons des désirs (Tanha). Si l'on arrête ces désirs (Nirvana ou Nibbana), si l'on se détache des choses matérielles, on adopte la Voie du Juste Milieu et ses 8 chemins. J'en retiens que l'on peut se dispenser de rentrer dans le cycle infernal de la course aux besoins non vitaux pour accéder au bonheur de se trouver en harmonie avec soi-même au lieu de jouer à cache-cache avec sa personne en se noyant dans une multitude de choses inutiles, d'aspirations non essentielles.

15/09/2001 (Tibet) Dépenses : 359 F - Distance parcourue : 320 km

On prend directement la route de Lhassa après le petit-déjeuner (un peu hard le thé au beurre le matin...). Sur la route, on croise des droudrou, les seuls véhicules utilisés (sorte de motoculteurs équipés d'un long guidon). Un détour pour monter à 4800 mètres voir le lac Yammyho Yumco, d'un bleu presque tropical, entouré de montagnes vertes et pelées. Nous arrivons finalement à Lhassa, lieu de légende. Le peuple tibétain est soumis à la loi chinoise qui impose la restriction des naissances. Vu la mortalité infantile qui existe ici (50 %), le peuple tibétain est en voie d'extinction. Nous sommes logés dans un hôtel dont le confort me permet de prendre un bain chaud ! Je sors ensuite avec Jean-François, nous mangeons à la table de deux moines tibétains et la communication n'est pas simple. Précepte bouddhique à méditer pour la nuit : " tous les phénomènes sont impermanents "...

16/09/2001 (Tibet) Dépenses : 362 F - Distance parcourue : 0 km

Petit-déjeuner royal, lecture de Kerouac dans un bain, on peut rêver pire... Nous voyons le Potala depuis le toit de l'hôtel puis nous prenons la direction de Dreprung (qui compte 400 moines à l'heure actuelle, pour 10 000 autrefois). Dans le Gander Palace (résidence du Dalaï Lama), on voit une fresque qui représente un oiseau sur un lièvre, lui-même sur un singe juché sur un éléphant à côté d'un arbre. Ces animaux aiment l'arbre pour des raisons différentes (l'ombre pour l'éléphant, les fruits pour l'oiseau...) mais se respectent car ils en ont tous besoin. Je quitte le groupe pour suivre un groupe de moines qui se rendent à un office. J'y reste une bonne heure à m'imprégner des chants et des odeurs. De jeunes moines leur servent du thé (les moines ont tout un tas de trucs dans leurs soutanes, dont des bols). D'autres courent (je n'ai pas compris pourquoi...) comme des fous dans le hall. En sortant, nous achetons du raisin avec Deana mais nous nous faisons virer de la pelouse où nous nous sommes installés par la police chinoise. Apparemment, il n'est pas de bon ton d'être par terre devant le Jokhang (le sanctuaire le plus vénéré du Tibet). Des colonnes de pèlerins se couchent au sol pour la prière. A l'intérieur, c'est une multitude de chapelles qui sont comme autant de petits théâtres avec des divinités qui font les gros yeux. Sur le toit, nous avons une vue imprenable sur le Potala et sur les deux gazelles dorées qui symbolisent le parc où le bouddha donna son premier enseignement. Je laisse mon appareil photo à réparer en n'étant pas sûr de m'être bien fait comprendre. On verra bien... Soirée sympa avec Jean-François, tour du Potala de nuit et brochettes de tofu / brocolis dans la rue.


17/09/2001 (Tibet) Dépenses : 747 F - Distance parcourue : 0 km

J'ai mal dormi, suite à la conversation téléphonique que j'ai eue avec mes filles à 1 heure du matin : la seule question que m'ait posée ma fille aînée était " Tu descends ? " (ce qui signifie, dans le Sud, " tu viens ? "). Il n'y a toujours pas d'eau chaude dans cet hôtel (bien qu'il en coûte 60 $ par nuit...) mais j'ai l'occasion de me déchaîner sur le petit-déjeuner : fruits, pain, miel, ¦ufs.... Nous retournons voir le Potala (nous y étions déjà allés la veille mais il faisait nuit et nous n'avions aperçu aucune lumière) pour constater que la vie a totalement disparu de cet endroit. C'est à cet endroit, en 1959,  que des guerriers Khampas ont enlevé le 13ième Dalaï Lama, lui évitant de faire partie des 10 000 à 15 000 personnes tuées en 3 jours de révolte. C'est beau mais nous sommes trop de touristes et on a vraiment la sensation étrange de déambuler dans des lieux qui ont terminé leur vie pour devenir un musée national. Plus tard, dans la rue, nous croisons plusieurs pick-ups chargés de morceaux de viande sanguinolente (du yack) et bloqués dans les embouteillages, de quoi devenir végétarien dans les plus brefs délais. L'après-midi, nous passons un moment au Sera Monastery et nous nous retrouvons tous au restaurant le soir. C'est la dernière soirée et on rigole sérieux... Demain, je reprends la route : celle qui m'attend est qualifiée par mon guide de " dangereuse, longue et sauvage ". Le stop y est interdit.

18/09/2001 (Tibet) Dépenses : 7 F - Distance parcourue : 292 km

Je suis réveillé à 5 heures par Jef qui prend l'avion pour Katmandu. On m'offre à la sortie de l'hôtel l'écharpe blanche religieuse et je traverse la ville avec. Je demande ma route, mais on ne m'indique pas la bonne direction. J'ai avec moi un carton sur lequel il est écrit Kumming en chinois et en tibétain. J'ai également acheté une carte de chine, ce qui me permet de montrer directement où je veux me rendre. La première personne qui s'arrête me confirme que j'ai finalement trouvé la bonne route mais ne comprend pas que je fais du stop. Deux chinois (ou tibétains) s'arrêtent avec leur camion Isuzu chargé de cigarettes. Contrairement à ce que dit le Routard, ils ne demandent pas d'argent. Nous passons d'abord dans des plaines et nous arrivons vite en haute montagne, passant par le col du Milha (5020 m). Nous faisons une pause et mes deux compères vont déposer des drapeaux religieux reliés par une cordelette. Comme je les vois écrire quelque chose dessus, j'en déduis que ce sont des voeux et j'inscris le mien aussi : pas de guerre... Puis nous jetons en l'air une trentaine de petits papiers (ils sont couverts d'inscriptions en sanscrit) et mes camarades crient quelque chose pendant que les papiers sont emportés par le vent. À midi, on se rend dans un restaurant chinois où nous attend soupe de Yack, thé, alcool chinois, riz, légumes, viande de porc... Ils m'apprennent à poser les pousses de bambou sur le riz, à piquer dedans avec les baguettes et pousser pour tout fourrer dans la bouche, le bol à hauteur des lèvres. Je veux payer, mais c'est impossible. L'après-midi est longue, je prie à chaque ville pour ne pas croiser la police car le chauffeur m'a montré le mot " travel permit " dans mon Lonely Planet (donné par Jef). Ma guide m'avait pourtant assuré qu'il n'était pas nécessaire ici... Il est 20 heures, ils me déposent à Bayi. J'ai fait presque 300 km avec eux, je suis épuisé. Je n'ai pas faim alors je traverse la ville dans le noir et je grimpe sur un flanc de montagne où je déniche un endroit pour la tente sous des arbustes piquants. Personne ne me voit ici.


19/09/2001 (Tibet) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 56 km

Pour un retour au bivouac, je n'ai pas mal dormi. Je me sens calme car hier a été une journée de stop efficace et je ne pensais pas arriver ici si vite. En cherchant à rejoindre la route, je glisse et tombe dans la boue. Je marche pendant 20 minutes puis deux tibétains acceptent de me conduire à Nyingchy en me laissant ensuite sur le bon chemin. Il est très difficile de dire " bonjour " en tibétain (Tashi Dele) et je ne sais jamais si mes interlocuteurs sont chinois ou tibétains. La plupart du temps, ils ne me répondent pas et restent un peu bêtes de me voir là. Je vérifie ma direction à la boussole, il pleut et la route se transforme vite en mauvaise piste. Il n'y a plus une seule voiture et je marche pendant 4 ou 5 heures. Je suis en plein doute : les seuls véhicules que je vois vont dans l'autre sens. Les ouvriers sur la route m'offrent le thé, j'en profite pour me reposer les épaules et, manque de bol, je rate ainsi le seul véhicule qui allait dans la même direction que moi. Je reprends la route et marche jusqu'à temps que le corps ne suive plus. Le dos fracassé, je me pose sur le bord de la route, résigné à bivouaquer sur place. Un camion s'arrête et repart car il veut de l'argent pour me prendre à bord. J'ai un peu plus de chance un peu plus tard avec une voiture qui me fait franchir un col d'altitude et me dépose dans un village à une cinquantaine de kilomètre de Tangmai. Ils trouvent ma dégaine marrante, alors ils me prennent en photo en leur compagnie, le tout avec la montagne pour fond. J'arrive au paradis : une vallée paisible, verte et vallonnée, un monastère et un arc-en-ciel pour finir le tableau. Je pense avoir croisé plusieurs monastères, mais ils semblaient tous détruits et les moines étaient invisibles. Il doit être à peu près 16 heures et je me concocte quelques pâtes, le corps dans la tente et la tête seule dépassant. Thé sucré, je profite de la sérénité du coin pour écrire ces lignes.


20/09/2001 (Tibet) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 40 km

Pain grillé sur le réchaud pour le petit-déjeuner. Plus tard, en prenant la route, je croise de nouveau l'armée chinoise. Un camion de bûcherons me transporte sur 20 km et une chinoise me fait du charme. Je marche. Trois véhicules s'arrêtent, mais repartent sans moi, faute de permis. Je suis donc au Tibet, dans l'illégalité la plus totale et il va me falloir trouver des voitures (il n'y en a presque pas) qui ne me fassent pas payer et qui prennent en plus le risque de partir en prison car prendre un auto-stoppeur étranger est interdit. Je marche pendant des heures et je croise des moines. Deux d'entre eux avancent sur le chemin en s'agenouillant et en se laissant glisser jusqu'à se retrouver à plat ventre sur le sol, pour se relever et recommencer ainsi de suite. J'en reste pantois et je finis par me dire que mon calvaire d'aujourd'hui n'est qu'une rigolade. Les heures qui passent à marcher dans la boue viennent à bout de mon moral et de mes forces. J'en suis à penser qu'à ce rythme, j'en ai pour des semaines avant de sortir de Chine. Je tombe enfin sur un monastère, avec des sortes de chalet suisse derrière. Je demande l'autorisation de planter ma tente, mais on m'invite à dormir sur le balcon en bois. Il y a deux lits et une grand-mère aux dents cassées est sur l'un d'entre eux. Les enfants sont sales, quasi nus, la morve au nez... La mère, femme au sourire fabuleux, porte un petit dans son dos et se démène avec un yack qui rue. Elle tombe et j'ai peur pour le bébé. L'homme coupe du bois. Je partage leur repas et joue un peu de guitare ensuite. Je leur offre ma cape de pluie et l'on s'endort au coucher du soleil.


21/09/2001 (Tibet) Dépenses : 8 F - Distance parcourue : 123 km

Je quitte ma famille d'accueil alors qu'il fait encore nuit. J'aime ce moment du lever du jour, on se sent roi du monde. Cette nuit, les rats ont marché plusieurs fois sur ma tête, heureusement, je portais un bonnet. Je traverse pieds nus le torrent glacé et j'avise des phares sur la route. Je me précipite à l'arrière du camion qui s'arrête et tombe sur plusieurs personnes encore ensommeillées sous la bâche. On m'avait dit que la route était dangereuse et je comprends pourquoi aujourd'hui. J'ai peur, en contrebas, un fleuve déchaîné, la route qui s'accroche à flanc de montagne, coupée par endroits par des coulées de boues, éboulis de pierres et autres réjouissances. La largeur de la piste ne permet le passage que d'un seul véhicule et les pneus frôlent dangereusement l'abîme, le camion ripe, patine, c'est effrayant. Des chinois font leur possible pour réparer les passages détériorés avec du bois, des pierres, risquant leur vie sans arrêt. Ils vivent dans des baraques de toile ou de bois au bord du gouffre. Je les admire, ainsi que notre chauffeur, que tout le monde observe avec inquiétude à chaque passage difficile. On quitte vivants l'enfer et l'on parvient à une vallée accueillante, aux sommets enneigés. Je finis mon arrivée sur Bomi en drou drou (motoculteur). Je prends le temps de manger (pâtes pimentées et pommes) avant de repartir. J'ai dû être dénoncé car la police m'arrête alors que je quitte la ville. Ils m'embarquent, me demandent mon passeport puis me le rendent, je fais celui qui ne comprend rien. À mon grand étonnement, ils me relâchent en arrivant devant les grilles du poste de police. Dès qu'ils ne sont plus en vue, je laisse libre cours à ma joie et je me mets à chanter à tue-tête. Je suis seul, il fait beau, je me sens tout à fait libre et heureux. Un camion me conduit jusque dans un cirque de montagnes. Il y a un monastère, je m'approche et rencontre un moine. Je lui demande s'il est possible de planter la tente et je me retrouve installé devant le temple, à 20 mètres des peintures des protecteurs aux yeux diaboliques, de la roue de la vie, une occasion rêvée. Le moine, à qui j'offre une pomme, m'apporte du thé et de l'orge pillé. En voyant le Potala et un dessin du Dalaï Lama, il  a les larmes aux yeux, baise les images et les porte à son front. Comme je donne dans l'interdit, je lui offre la photo du Dalaï Lama que je déchire du Lonely Planet. Je fais des photos du temple. J'écris ces lignes à la lueur du feu de camps, je suis sur le toit du monde, entouré de montagnes éclairées par la lune. L'instant est magique, je suis libre.


22/09/2001 (Tibet) Dépenses : 5 F - Distance parcourue : 56 km

Je suis en admiration devant les fresques. Le tintement d'une clochette me conduit à une pièce où un moine prie. Je ne veux pas le déranger et je me dirige vers le village afin de trouver du pain. Il n'y a rien alors je me contente de la dernière pomme qu'il me reste. Plusieurs véhicules passent et c'est finalement un tracteur qui s'arrête. Il nous faudra la journée complète pour parcourir 56 pauvres kilomètres. Je suis dans la benne, la route est défoncée, il pleut, c'est de la torture pour tout le corps, mais vu la fréquence des passages d'autres véhicules, je me résigne. Toutes les 20 minutes, il faut que je descende au torrent chercher de l'eau pour refroidir le moteur. La nuit est tombée quand j'arrive à Rawu. Les deux premiers restaurants dans lesquels je m'arrête ne comprennent pas que je voudrais manger une soupe. Le troisième sera le bon. Je pars ensuite avec la frontale pour me trouver un endroit où poser la tente. Une torche, de l'autre côté du torrent, me fait des signaux, mais je n'aime pas être repéré alors je termine de monter la tente dans le noir. Nuit froide et humide.

 

23/09/2001 (Tibet) Dépenses : 5 F - Distance parcourue : 142 km

Le matin, je découvre un monastère de l'autre côté, c'était donc un moine qui me faisait des signes. Je sais que les camions ont passé la nuit à Rawu et qu'ils ne vont pas tarder à partir, je suis sur la route dès le lever du soleil. Le premier camion s'arrête, je ne suis pas vraiment certain qu'il ait bien compris que je ne payerai pas, mais bon, c'est assez compliqué comme cela, on verra bien. Je me retrouve sur les marchandises avec une trentaine de tibétains, nous sommes blottis les uns contre les autres, il fait froid. Les femmes chantent, on traverse des montagnes sauvages. Cela fait vraiment tableau de réfugiés boat people. La police passe, gyrophares et sirènes, je me cache mais cela ne sera pas pour nous. Je descends du camion, je ne sais pas trop où, les habitants à qui je demande ma route ne comprennent pas ma carte en chinois et répondent oui à toutes mes questions. Mon moral faiblit à vue d'oeil, je ne vois pas la suite du voyage sous un angle réjouissant. Un camion finit par s'arrêter, le courant passe entre son chauffeur et moi, nous sommes tout de suite complices. 3 autre types et deux nonnes partagent avec moi la benne de ce véhicule, chargé de blé. Les nonnes récitent des prières. A la nuit tombée, il caille et l'on dormira à un col en altitude, la plupart sur des nattes épaisses dans l'herbe, moi dans le camion sur les sacs de blé. Ce n'est pas vraiment plat mais je suis crevé et je m'endors malgré le froid et l'humidité.

 

24/09/2001 (Tibet) Dépenses : 36 F - Distance parcourue : 172 km

On part à l'aube dans le froid. Je garde le duvet à l'arrière de camion. Mon chauffeur me propose de monter dans un autre camion qui part pour Markan mais je préfère rester avec lui jusqu'à Zogang car je le sens bien, je connais son prix. Je ne regrette pas ma décision : on s'arrête dans tous les villages, je peux faire des photos, les gens sont sauvages, il y a des yacks, tout est paisible. Je me sens heureux. Ces gens vivent dans ce coin de paradis avec deux siècles de retard. Ils sont tout sourires et le soleil dans les blés illumine leur visage. On partage le thé au beurre de yack dans une " Isba " toute en bois. Des livres de prières qui datent et sortent d'un monastère sont posés sur un buffet, le propriétaire me montre un livre de propagande de la visite du Pachen Lama chinois dans la province. Je quitte mon chauffeur en échangeant avec lui une poignée de main chaleureuse. Il n'est plus question d'un quelconque prix pour le voyage. Quand la police est passée, il m'a fait signe de me cacher, je crois qu'on s'est compris sans un mot. Je pars sur la route avec le moral et des pommes pour déjeuner. Un couple chinois s'arrête et me prennent à bord avec chaleur. Ils rentrent chez eux, à Lijiang, accompagnés de deux autres camions. La route est infâme, on croise le Mekong rouge de terre et on finit par dîner (avec baguettes, quatre plats différents, pain blanc caoutchouteux). Je suis épuisé et je prends une chambre à Markan avec le chauffeur qui était seul dans son camion.

 

25/09/2001 (Tibet, Chine) Dépenses : 10 F - Distance parcourue : 222 km

Réveil trop rapide, levé en 4 secondes, pas de toilette, pas de petit dej, on a dormi tout habillés : je déteste. La journée est dans le même genre : infernale (on fait 222 km entre 6 heures du mat et 19 heures avec deux arrêts). Pour la première pause, on mange vite sous la photo de Mao en regardant un film chinois ultra violent sur un DVD. Je quitte le Tibet, enfin tranquille dans ma tête. Je partage une chambre à nouveau avec le chauffeur de la veille à Zhongdian. J'ai eu un seau d'eau chaude avant d'aller dormir et je me suis lavé (il était temps, depuis Lhassa...) comme j'ai pu dans la rue noire, devant l'hôtel, comme les autres.


Carte du Yunan

26/09/2001 (Chine) Dépenses : 5 F - Distance parcourue : 124 km

Toujours un réveil précipité, toujours sans petit déjeuner. On s'arrête vers 10 heures pour partager riz et plats divers. Il faut faire une réparation sur le camion. La bonne nouvelle, c'est qu'il semblerait que l'on quitte la piste pour de la bonne route. Avant Lijiang, c'est beau, champs de blé, toits à pagodes, casquettes bleues pour les femmes, beaucoup de fruits sur la route, on m'offre une fleur de tournesol (je mange les pipas...). Mes amis me larguent à Lijiang, ce qui risque de me faire perdre pas mal de temps pour rejoindre la route principale. J'appelle ma fille pour son anniversaire et je me mets à la recherche d'un endroit pour dormir. Je rejoins la bonne route à l'aide de la boussole. Il fait nuit et un chauffeur de taxi et sa femme m'informent qu'il y a une sorte " d'autoroute " parallèle à cet axe. Ils m'y emmènent et la femme me donne des fruits et de l'argent. Avec les difficultés pour communiquer, je ne parviens pas à le lui rendre. Je suis à la sortie de la ville et je n'ai toujours pas résolu le problème du coucher ce soir. Un type m'invite chez lui, nous partageons un bol de riz très épicé. Il est gardien dans un hôtel de routier et me donne une vraie chambre sans vitres mais avec un bon lit.

 

27/09/2001 (Chine) Dépenses : 151 F - Distance parcourue : 10 km

Je pars alors qu'il fait encore nuit. Je vois le soleil se lever sur l'autoroute, les chinois qui courent, les milliers de vélos qui se rendent en ville. Des bus, des taxis mais peu de véhicules personnels. Je reste là à attendre pendant deux ou trois heures avant qu'un 4X4 ne s'arrête et ne m'emmène jusqu'à Dali. La circulation est anarchique, les péages en forme de pagodes. Mes compagnons de route me font visiter le vieux Dali et m'invitent au restau. J'ai envie de profiter de cette ville alors nous nous quittons et je pars, le sac sur le dos, pour une ballade pendant tout l'après-midi. Je fais le tour des 3 pagodes de Santa Si et je gagne le temple chinois de Zhonga (1 h 30 de chemin de montagne). C'est un havre de paix, symbole du Ying et du Yang à l'entrée. Un moine m'offre un collier avec un bouddha en pierre, un stylo, de bonbons, une image sainte, un bracelet, sa photo et un message qu'il rédige et auquel je ne comprends rien. On redescend ensemble, il sourit tout le temps. Je trouve l'auberge de jeunesse : 10 francs pour le dortoir, le bonheur d'une douche, pique-nique dans la chambre avec un écrivain, un passionné de méditation et de sports de combats, un voyageur d'un an, grande discussion tardive, cela fait du bien de retrouver la société.

 

28/09/2001 (Chine) Dépenses : 162 F - Distance parcourue : 301 km

Je me réveille très tôt mais j'attends un peu pour ne pas réveiller tout le monde dans le dortoir. Un brin d'écriture de ce journal sur le balcon et je décide d'une matinée " administrative " devant le temps pluvieux (piles, Internet à 3 F de l'heure, c'est un record, achat d'un guide car je n'en peux plus de ne pas savoir où je suis ni quoi voir...). Je prends la route sous la pluie dans l'après-midi. Pas de chance : un couple me prend au bout d'une demi-heure, mais pour finalement me laisser sur une mauvaise route (le petit problème est que je ne m'en rends pas compte tout de suite, personne ne peut me renseigner, je marche...). Un jeune m'aide au bout d'un moment en m'indiquant un bus qui me ramène au centre-ville. Je ne me sens pas bien (gastro ?) et je dors une heure sur le canapé d'un hôtel. Je m'acharne quand même et le cauchemar reprend vers 18 heures : je ne sais quelle direction prendre et je finis par parvenir à la station de péage de l'autoroute vers 19 heures. Là, je suis pris en stop par un minibus officiel et nous arrivons à Kumming 3 heures plus tard. Je dois faire plusieurs hôtels avant d'en dénicher un qui m'accepte (hôtel à touriste à 20 F le dortoir). Il est 1 h 30 du matin quand je peux enfin dormir un peu.

 

29/09/2001 (Chine) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 95 km

Petit-déjeuner d'un plat de pâtes pimentées dans la rue, près du zoo de Kumming (avec ses pandas géants). J'observe ce qui se passa autour, les gens qui se rendent au travail, le vélo est ici considéré comme un vrai moyen de transport et surtout respecté en tant que tel (voies de circulation réservées aux vélos dignes de ce nom, rien à voir avec ce qui existe en France). Un chinois qui m'a dépanné déjà hier en m'aidant à trouver un hôtel (j'apprends aujourd'hui que certains n'ont pas le droit d'accueillir des étrangers, ce qui explique mes difficultés de la veille...), me conduit à environ 8 km de la Stone Forest. Je me dispense de régler le montant de l'entrée dans le parc et je passe l'après-midi à déambuler au milieu des rochers déchiquetés. Cela me plait beaucoup, c'est calme et je décide de camper ici, profitant du coucher du soleil dans une nature vierge et sauvage. Je contemple la lune en pensant à Lucie et en espérant qu'elle la regarde aussi...

 

30/09/2001 (Chine) Dépenses : 36 F - Distance parcourue : 305 km

Je me réveille avec le jour : farine d'orge grillé avec de l'eau, du sucre et de la confiture en guise de petit-déjeuner. Avec ce genre de mélange, je suis assuré de ne plus avoir faim de la journée... Les paysans s'activent déjà dans les champs alentours. Un taxi me conduit à Shiling pour 2 F. 3 camions et une voiture me feront ensuite parcourir 305 km (excellente journée de stop !). Il est 17h30, la frontière ferme à 18 heures et le douanier me fait comprendre qu'il serait préférable que je revienne le lendemain à 8 heures. Je déniche un hôtel (10 F la nuit, c'est raisonnable...) car je ne veux pas dormir dehors près des frontières, il y a tout un tas de gens pas toujours animés des meilleures intentions et je dois préparer mon itinéraire avec cartes et guide. Les tongs achetées au Kenya rendent l'âme et je me rechausse pour 5 F après avoir pris une douche sous un robinet dans l'escalier. Je me balade ensuite dans la ville qui devient pleine de charme à la nuit tombée, il y a tout un tas de restaurants de rue, de bordels déguisés en lieux de massages, de boutiques de serpents et de tortues...