NOVEMBRE 2001 Thaïlande Malaisie Indonésie

 

01/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 20 F - Distance parcourue : 0 km

Réveillé par la cloche à 4 heures du matin, on démarre d'emblée sur la lecture dans le hall de méditation (grande salle de béton ouverte sur la nature) à la lueur des bougies, puis méditation assise, puis yoga, puis conseils sur la méditation, puis méditation... Petit-déjeuner vers 8 heures (riz, salade et thé passé), corvées (je suis de chiottes pour le reste du séjour...), une heure de temps libre, lecture, méditation assise et debout ou en marchant. Repas vers 13 heures (riz, thé et légumes), corvées, une heure de temps libre (pour dormir en général), lecture, méditation, chants, prières...marche de groupe dans la nuit (jusqu'à 21 heures et pieds nus), douche dehors avec un seau et au lit car demain on recommence exactement le même programme.

 

02/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 20 F - Distance parcourue : 0 km

Il y a ici autant de femmes que d'hommes mais nous restons bien séparés : deux côtés dans chaque lieu et deux dortoirs distincts. La règle ici, c'est le silence pendant 10 jours, la seule liberté étant l'heure de chant le soir... Cela me plaît, ainsi que les tâches collectives, elles modifient l'attitude de tous et permettent un plus grand respect. Il est également interdit de tuer toute forme de vie, ce qui incluse les moustiques, les fourmis et les scorpions (il y a un seau à cet effet pour les capturer et les relâcher plus loin). Chats et chiens circulent librement dans les lieux.

 

03/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 20 F - Distance parcourue : 0 km

Mon voyage me fait dépenser une énergie quotidienne raisonnable et pourtant je mange deux fois moins qu'avant je il me semble que je suis en forme depuis 7 mois. Ici, on ne mange que deux fois dans la journée. Cela simplifie les choses et on y passe moins de temps...

 

04/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 20 F - Distance parcourue : 0 km

" Traite les autres humains en frères... ". A chaque fois que je rencontre quelqu'un et que je m'intéresse réellement à lui, je découvre qu'il est étonnant, intéressant, intéressé tout autant que moi par cette vie qu'il trouve si mystérieuse. Nous sommes une partie biologique d'un tout qui forme l'univers, il n'y a pas moi et les autres ou moi et le reste, il y a juste un tout indissociable : la nature. Il faut la respecter et la considérer dans son ensemble. Exercice du soir pour réduire l'ego : joindre ses mains en prière sur le sternum puis sur le front et s'incliner jusqu'à toucher le sol avec le front. À répéter. Les moines ont dit, j'essaye d'appliquer...

 

05/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 20 F - Distance parcourue : 0 km

La voie du juste milieu, c'est simple (et ce n'est pas boire une seule bière au lieu de deux), cela consiste à ne pas courir pour les plaisirs et fuir les peines. Ce n'est pas non plus fuir les plaisirs et se cantonner aux peines (comme l'ont fait certains ascètes). C'est simplement accepter que plaisirs et souffrances soient intimement liés et donc indissociables. Il ne reste plus qu'à les " observer " avec calme, lucidité et détachement.

 

06/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 20 F - Distance parcourue : 0 km

Ne pas s'attacher aux " choses ", à " soi ". Tout est impermanent, tout meurt, tout disparaît. Ne pas s'attacher à " son " corps, ici, il n'y a pas de miroir, vous pouvez chercher dans tout le monastère, il n'y en a pas. C'est dur de changer cette importance que l'on donne à l'apparence physique dans notre société mais cela mène à tellement de choses stupides. C'est pareil pour les choses que je possède, je protège, je deviens égoïste, je ne partage pas, je ferme les portes... Une phrase relevée aujourd'hui : une bonne chose n'est jamais aussi bonne que rien...

 

07/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 20 F - Distance parcourue : 0 km

Être présent ici et maintenant. Le futur n'est pas encore là et le passé nous a déjà quitté pour faire place au présent... C'est assez pour aujourd'hui...

 

08/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 20 F - Distance parcourue : 0 km

Tout commence par les contacts (phasa) entre l'oeil et les formes, les oreilles et les sons, le nez et les odeurs, la langue et les saveurs, le corps et les choses touchées, l'esprit avec les idées. Si le contact est bon, donc avec l'esprit d'analyse adéquat, alors on aboutit à des sentiments et des envies contrôlées, comprises et assimilées. Si le contact se fait à l'aveugle, sans confiance (Daddha), sans intervention de la pensée (Ayonisomanassikara), sans esprit et attention (Asati-sampanana), sans contrôle des sens (Aindree sanguana) et avec des actions fausses (corps, paroles, esprit ­ Dujjaritta) alors on fait place libre pour les faux sentiments (Vedana), les faux désirs (Tanha), on s'attache (Upadana) aux 5 khandha (pensées, sentiments, corps, perception, conscience) et vient alors l'ego (Jati) qui entraîne la souffrance (Dukkha). Voilà la loi de la nature des causes et effets découverte par Bouddha. Cela ne signifie pas tristesse et mortification dans un vide cosmique. Une fois que rien ne perturbe le corps, qu'il n'y a plus d'émotion qui vient perturber l'esprit (peur, frustration, envie, amour, sexe) et qu'il n'y a plus d'attachement aux sentiments du " je ", " moi ", " mon ", " mon âme" , c'est là que l'homme goûte à la joie la plus vraie : celle de l'homme libre de tout attachement. Cela n'a rien à voir avec la joie futile et qui passera vite qui est créée lorsque l'on obtient quelque chose fortement désiré. J'ai été frappé par la joie, la paix, le calme, l'humour et la présence des différents intervenants du Suan Mokkh. Je ne pense pas avoir rencontré ailleurs autant de joie et d'enthousiasme sur des visages. Pour changer, une phrase de Saint-Exupéry " ceux qui souffrent et partagent sont en général plus profondément humains que les égoïstes heureux ". Encore de lui : " Abandonne, renonce, souffre, lutte, franchis les déserts de la soif, refuse les fontaines et je te conduirai à l'épanouissement de toi-même. ; " Si la vie humaine n'a point de sens qui la fait tendre vers une fin, le souhait se réduit à vivre le mieux possible mais je ne puis me contenter de l'atroce joueur de bridge qui consomme une à une ses années sans rien préparer en lui-même " ; " L'homme est d'autant plus grand qu'il est plus lui-même ".

 

09/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 20 F - Distance parcourue : 0 km

Une petite histoire pour aujourd'hui (elle illustre bien mon état d'esprit actuel)...

Le petit prince rencontre l'Ego

Le petit prince : "Bonjour"

La chose : "Bonjour"

"Qui es-tu ?"

"Moi pardi, Je si tu préfères"

"Je ne comprends pas"

"Et bien je suis l Ego"

"Je ne te connais pas"

"C est bien curieux, car tous les hommes me connaissent"

"Qu'est-ce que tu fais dans la vie?"

"Eh bien, je prends un homme et je lui fais croire qu'il est le maître de son corps, de ses pensées et qu'il est plus important et meilleur que les autres."

"C'est idiot ç'a n'a pas d intérêt."

"Je lui apprends à tout considérer de son point de vue et de ne pas perdre son temps sur l'empathie. Je lui fais tellement aimer ses valeurs qu'il ne voit plus que par elles et élimine de ses relations tout frère qui en aurait d autres"

"Mais alors tu tues les relations entre les hommes, c'est triste, les hommes sont faits pour s'aimer"

"Mais non ce n'est pas triste car je les fais s'aimer eux-même, avec moi, il est le meilleur, il aime son apparence, sa voiture, ses choses, il aime dire tout haut ce qu il a fait de bien. J'apprends aussi aux hommes à passer par-dessus leurs voisins, ne pas céder la place, prêter le moins possible et protéger ses biens"

"Alors tu fais de leur rencontre un champs de lieux communs alors qu'ils ont tant d'expériences personnelles à partager"

"Non, la différence n'est pas bonne,  tu comprends,  il a mis du temps et de la sueur à cultiver ses valeurs personnelles alors il est normal qu' il ait raison non?"

"Mais l'homme ne se construit que grâce aux autres, sans l'autre, l'homme serait encore à quatre pattes, il ne faut pas que l'homme se considère homme en tant qu' individu mais  comme humanité"

"Écoute, grâce à moi, l'homme ne voudrait pas changer de peau avec quiconque, il trouve tout le monde moins bon, il est content tu vois ?"

"Non, je ne vois pas, je vois que tu es trop méchant et je ne t aime pas"

 

10/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 20 F - Distance parcourue : 0 km

Encore une histoire !

Le petit prince rencontre l'Avenir

Petit Prince : "Bonjour"

La chose : "Bonjour"

"Qui es-tu?"

"Je ne suis pas"

"Je ne comprends pas"

"Je serai, on m'appelle l'avenir"

"Je ne te connais pas"

"Évidemment tu vis dans le présent toi mais de nombreux hommes vivent chez moi'
"Qu' est ce que tu fais dans la vie ?"

"J'invite les hommes à quitter le présent complètement et à se projeter en moi à chaque instant'
"C' est idiot puisque tu n'es pas encore là"

"Non, ce n'est pas si idiot car, de cette façon ils oublient leur peines présentes en se disant que plus tard tout sera mieux, ils espèrent avec moi, ils attendent toute leur vie que le monde soit différent"

"Non, je vois qu'ils passent à côté de la vie et qu ils mourront sans jamais être heureux. Profiter du moment présent, voila la vie"

"Mais non, avec moi les hommes n'attendent rien du présent, ils vont vers un but"

"Non, tu es bête, la vie c'est pas toi, tu arriveras bien assez tôt, moi je suis un enfant du moment qui est là, à côte de moi, aujourd'hui."

Mon séjour ici est difficile à expliquer, on m'a ouvert les yeux d'une manière nouvelle, le bouddhisme, c'est bigrement intéressant, la méditation carrément complexe. Je suis passé par des hauts et des bas, par le calme, la sérénité, par la tempête aussi, les pleurs parfois. Pas facile de voyager en soi. Ce monde, tu n'y as accès que dans un calme et une concentration extrêmes très difficiles à obtenir car des pensées diverses s'empressent de se bousculer, de faire des vagues sur l'eau pour t'empêcher de voir clair en toi. Le but : découvrir que tu n'es rien, à part la nature. Comme disait Sri Ramakrishna : " Que reste-t-il quand on pèle un oignon ? Rien ". Pas de corps, pas d'émotions, pas de désirs, d'attachements, d'ego. " Vous n'êtes pas là pour gagner quelque chose mais pour perdre, laisser de côté. " Je vais me souvenir longtemps de ces sourires, ce vieil homme que tout le monde écoute à la lueur des bougies, dehors sous la lune, déclarer sa vérité avec détachement, humour et compassion. Je vais me souvenir longtemps du moine qui arrivait chaque matin avec le lever du jour, pieds nus, son bâton de pèlerin, sa lanterne et sa bure safran dans la nature verte. Il portait autour du cou une gamelle de riz qu'il venait de mendier au village. J'entendrai également Jang, une nonne qui chantait la prière d'amour aux autres en tibétain, compassion qui s'élevait dans le soir, visage illuminé du bonheur de vivre...Je lui ai demandé un entretien pour qu'elle me dise pourquoi elle parvenait à un tel sourire et elle m'a répondu simplement que cela avait toujours été comme cela et qu'il n'y avait aucun besoin de rechercher un " pourquoi ". Cet après-midi, on a le droit de parler pour échanger nos expériences de méditation. Bilan, on a tous du mal. Autre chose, ils sont tous passionnants, à ma grande surprise, ils voyagent tous depuis 6 mois ou plus, ont tous leur histoire...

 

11/11/2001 (Thaïlande) Dépenses : 10 F - Distance parcourue : 400 km

Réveil toujours à quatre heures, toujours aussi le silence. Dernière lecture, dernier yoga, dernière méditation. Séance photo pour ceux qui veulent et petit-déjeuner. Il est 8 heures 30 quand tout le monde se met à parler librement. C'est fini. En 10 jours, chacun s'est fait une idée sur chacun sans rien savoir, c'est marrant. En fait, il n'y a pas vraiment besoin de beaucoup parler, une multitude d'échanges se sont faits sans parole. Il est 10 heures quand je me retrouve dans le bruit de l'autoroute. Retour un brin brutal à la réalité. Pramot et Rovngsak me prennent en stop dans leur camion, qui roule à 40 km. Ils sont sympas et m'offrent gâteaux et fruits, la première bière (ça commence !). Ils vont en Malaisie demain matin et m'offrent l'hospitalité pour la nuit. Nous voilà dans une espèce de garage sur le bord de la nationale, sur une natte. Sur le mur, la photo du roi et dans la pièce, un frigidaire, un lit caché par une tenture et un puit, dans le fond, autour duquel se fait la vaisselle. Dans le jardin, un trou pour les toilettes. Au dîner, bières (la singha), whisky, canard, cochon, c'est fini, le régime végétarien... Les deux femmes et les filles restent à l'écart. En fait, c'était seulement une première partie. Le vrai dîner sera servi ensuite (légumes, riz, oeufs....) et cette fois les femmes mangent avec nous. Extinction des feux à 23 heures...

12/11/2001 (Thaïlande, Malaisie) Dépenses : 68 F - Distance parcourue : 200 km

Je trouve un moment pour méditer à 5 heures du mat et nous prenons ensuite la route pour la Malaisie. Au bout d'une demi-heure de route, ils me conseillent de ne pas passer la frontière avec eux. Je ne cherche pas midi à quatorze heures, je trouve un taxi qui me prend gratuitement et je passe la frontière sans problème. Je ne change pas d'argent tout de suite. Je préfère attendre un peu de savoir de combien je vais avoir besoin. Foo Liang me dépose un peu tard sur une bretelle d'autoroute et je me retrouve sans pouvoir traverser. Jhee s'arrête par miracle et me pose près de George Town. Je fais du stop à un carrefour en pleine ville et un musulman accepte de me conduire à l'hôtel, moyennant une pause-prière de 20 minutes. La prière s'éternise et je repars à pied (puis en voiture) jusqu'à mon hôtel (un dortoir à 14 francs). Ensuite, c'est courses, Internet, dîner (bananes et pain de mie) et ballade en ville. Je réserve mon bateau pour Sumatra. Je me sens moins seul car beaucoup d'hommes sont en longui...

 

13/11/2001 (Malaisie) Dépenses : 93 F - Distance parcourue : 0 km

C'est l'appel à la prière qui me réveille. Il y a déjà beaucoup de bruit dans la rue et je pars au lever du jour chercher un bus qui m'emmène à Penang Hill. Il faut faire un changement de bus et j'en profite pour découvrir un temple chinois accroché à flanc de montagne (c'est le Keklok Si Temple) et je prends mon petit-déjeuner sur les marches. Plus tard, je prends le funiculaire pour monter à Penang Hill. La vue sur le port est très belle mais j'apprécie encore plus la descente dans la jungle, véritable plongée dans la nature tropicale. Arrivée au botanical garden, puis stop et deux bus pour parvenir au temple aux serpents. Des vipères dorment sur les autels au milieu de l'encens et les offrandes. Au Kuan Yi Temple (chinois), j'observe la foule qui circule et prie. Je me rends ensuite au Sri Mariamma Temple (indien, celui-ci) et j'arrive au moment où tous les fidèles s'agglutinent au centre du temple, des musiciens imposent un rythme qui conduit à la transe. Riz, légumes épicés dans la rue, Internet et au lit.




14/11/2001 (Malaisie) Dépenses : 208 F - Distance parcourue : 390 km

Je prends la direction du pont et je passe la frontière avec une foule compacte. Je prends ensuite le bateau pour l'Indonésie. Je discute avec un Italien qui connaît le coin comme sa poche, ce qui me permet de définir un peu ce que je vais voir avant l'Australie. Ciel gris pour mer brune, on est loin de la croisière paradisiaque... Un bus nous dépose à Médan après une bonne heure d'embouteillages. Je me résous, vu l'heure, à prendre un dortoir à côté de la grande mosquée. Je partage mon dîner avec mon ami Italien, cela fait un bien fou d'échanger mes impressions avec les siennes. Je joue ensuite de la guitare dans la rue jusqu'à la fermeture des portes de la guesthouse.

 

15/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 33 F - Distance parcourue : 90 km

Je prends un bus pour Langkat, la route est en mauvais état et serpente dans la jungle. Il faut donc s'accrocher ferme sous peine de finir sur les genoux de son voisin (pour ma part, une jeune écolière très digne...). Je déniche ensuite un bungalow sur pilotis (je ne sens pas de partir à pied sur le sentier de jungle maintenant), tout en bois et négocié à 10 francs. Il faut dire que je suis le seul touriste dans cette guesthouse assez éloignée et sauvage. Il pleut et le type de la pirogue qui me fait traverser jusqu'à la réserve me dit de repasser le lendemain pour voir les orangs-outangs. Déconvenue vite oubliée grâce à l'après-midi sympa et tranquille que je passe au bungalow : lecture, yoga, ... Noix de coco et pâtes en guise de repas et je me couche en même temps que se lèvent les bruits de la nuit et de la jungle. Je me laisse bercer et je m'endors...

16/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 45 F - Distance parcourue : 160 km

Je suis réveillé depuis pas mal de temps et j'ai l'impression que le soleil prend tout son temps pour se lever... Petit dej et passage de la rivière en pirogue. Ensuite, il faut marcher un peu dans la jungle pour parvenir à la plate-forme sur laquelle sont nourris les orangs-outangs qui viennent d'être remis en liberté et qui ne sont pas encore capables d'exploiter les richesses de la jungle pour se nourrir. Ils sont fascinants à regarder évoluer, de branches en branches, aspirer des bananes. Je tends mon doigt et l'un d'eux l'attrape comme un bébé. Je ressens une sensation étrange à ce contact avec cette main de taille humaine, qui possède les mêmes plis, les mêmes ongles, seule la peau noire est plus ferme... Je prends le bus pour Medan puis pour le volcan Sibayak, j'ai une dizaine de poules sous les jambes, puis sur les pieds, moyennement confortable le voyage. Je parviens à Brastagi vers 15 heures, je profite du marché aux fruits et déniche ensuite une chambre pour 8 francs. Soirée courte et tranquille.


17/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 23 F - Distance parcourue : 0 km

Lever 5 heure 30, yoga et petit-déjeuner dans la foulée. Le ciel est gris et il vaut mieux que je parte tôt si je veux pouvoir rentrer avant la pluie (souvent l'après-midi). Cinq minutes de minibus et me voici sur la piste, armé de deux baluchons (polaire, gore tex, bananes, mandarines et carte). Premier bonheur de la journée : une rencontre avec les singes blancs et noirs qui sautent de branche en branche. Plus loin, un serpent mort sur la piste... J'ai tout le temps et je ralentis le pas pour profiter de cette nature préservée le plus longtemps possible. Le deuxième bonheur, c'est le concert de cris de gibbons m'accompagne, c'est irréel, on dirait des oiseaux. Je suis seul dans cette jungle et un frisson de peur me glace le dos, mais cela passe vite. Le volcan Sinabung se dresse fièrement à l'horizon, quelques nuages entourent son sommet. Je parviens, après deux heures de marche, au cratère du volcan Sibayak à 2000 mètres d'altitude. Je marche sur la roche vers des ouvertures jaunies de soufre qui crachent violemment des fumées blanches (dans un bruit de cocotte-minute...) Je rencontre des étudiants au sommet, ils sont de Samosir et nous passons un moment ensemble à jouer de la musique ensemble. Au bout de deux heures, il est temps que je redescende car la brume se lève. Je choisis un chemin différent de celui que j'ai emprunté à l'aller. Je glisse allègrement et j'en aurais presque la sensation d'être Indiana Jones... Je continue un peu à pied dans la vallée pour profiter du calme ambiant et je regarde les villages, les enfants et les gens qui travaillent les pieds dans la rizière. Je termine mon parcours en stop et, ayant mon après-midi devant moi, j'en profite pour lire, faire de la musique et faire un tour au marché pour dénicher une superbe papaye, du tofu et du pain...


 

18/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 18 F - Distance parcourue : 50 km

Qui dit " papaye ", dit " attention à la digestion "... Tous les tahitiens le savent, mais je n'ai pas fait attention et la papaye était sans doute un peu grosse pour moi. J'ai donc passé une nuit difficile... Je prends la route pour Lingga. Un 4X4 et l'arrière d'un camion m'accueillent successivement et je fais la connaissance (dans le camion) de trois jeunes filles habillées et coiffées avec soin qui vont à l'église. Le village où nous arrivons est constitué de quelques maisons sur pilotis traditionnelles, en bois et couvertes par des toitures de feuilles de bananiers.. On y accède par un escalier en bambou. Une petite fille m'invite à entrer : il fait sombre, la cuisine se fait dans 4 endroits différents et l'on dort sur le côté de la pièce, " isolés " par des tentures. Huit familles vivent dans cette maison, au-dessus de la réserve de riz. La suite, c'est un camion, puis un deuxième puis un troisième, sans oublier une moto et un 4X4 et je parviens à Tongging, au bord du lac Toba, immense et entouré de contreforts couverts de végétation. Sipiso-piso, cascade de 120 mètres de hauteur, ajoute son charme au panorama. Je trouve une chambre fabuleuse (10 F !) à l'extérieur du village et je pars directement me baigner dans l'eau limpide et pas si froide de ce lac... " Quand nul ne la regarde, la mer n Œest plus la mer, elle est ce que nous sommes " dit Jules Supervielle dans sa fable du monde que je suis actuellement entrain de lire. Le fait de voyager seul et de ne vivre de presque rien m'épargne les distractions futiles et de prendre le recul nécessaire, de voir les choses autrement, de me voir changer et de me rapprocher de la nature. Vivre angoissé, manger vite, tuer un animal, fumer, ne pas se préoccuper de son voisin, tout cela me paraît absurde aujourd'hui : mes priorités sont devenues le respect de soi, de son corps, des autres, de la nature, des animaux, de la vie, quoi... En fin de journée, je retrouve Thomas, déjà rencontré auparavant.



19/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 37 F - Distance parcourue : 50 km

Yoga et lait chaud avant de partir avec Thomas attendre le bateau qui doit arriver vers 10 heures. Il est 7 heures et nous nous installons sur le ponton pour profiter du panorama. A 9 heures, nous embarquons et nous voici sur le toit à jouir du soleil et à regarder les villages dans lesquels nous nous arrêtons pour permettre aux habitants qui le désirent de se rendre au marché de Haranggaol (fréquence de passage du bateau : une fois par semaine). A chaque halte, l'embarcation se pose sur le sable, et les clochers des églises protestantes se découpent sur le fond vert de la nature environnante, les maisons sont vertes ou bleues, toutes munies de toits de tôle. Le marché d'Haranggaol est passionnant, les gens sont très gentils, s'intéressent et viennent spontanément nous parler. Nous achetons des petits ananas, des litchis, des bananes et un polo de seconde main (mon ticheurte menace de craquer de partout, ce qui n'est pas vraiment étonnant puisque je le porte depuis 7 mois sans discontinuité). Le second bateau que nous devons prendre est peint en bleu et vert (on dirait le bateau de l'african queen). On profite du trajet pour discuter avec les gens du coin, on se sent bien... Nous arrivons au soleil couchant sur l'île de Samosir, à Ambarita. Une chambre sur la plage pour 7 francs, baignade, guitare sur le ponton jusqu'à ce qu'il fasse complètement nuit, discussion et dîner de deux ananas. Dans la chambre, je découvre que je vais passer la nuit en bonne compagnie : cafards énormes, tarentes et papillons de nuit.



20/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 42 F - Distance parcourue : 50 km

Yoga sur la digue, face au soleil à 6 heures du matin, puis bananes et lait chaud pour le petit-déjeuner. Je me prends en flagrant délit de vouloir partir vite, les anciens réflexes sont tenaces, pourtant la journée s'offre toute entière devant moi : je suis en vacances, bordel ! Pour la peine, je passe une heure avec Thomas et notre hôte à discuter de la situation politique... En gros, ils ne croient plus aux promesses des dirigeants et souhaitent l'indépendance pour chacune des îles. Je déniche un VTT et pars tranquille sous le soleil. La route longe la côte, passe dans les rizières, les gens au travail me saluent tous. A 1 km de là, je visite le tribunal du roi, il y a 250 ans, on y coupait la tête du coupable après l'avoir égorgé... Tour de Tuk-Tuk, sorte de ghetto à touristes qui s'agglutinent sur un morceau de presqu'île, cernés par les pizzerias et les cybercafés. A Tomok, baignades avec des gamins du coin, la lumière est fabuleuse et les gâteaux locaux me permettent de reprendre un peu de force. En discutant un peu, j'apprends qu'un mariage est en cours de préparation et j'y suis convié. Je me retrouve donc à l'église, les femmes sont très bien habillées et coiffées avec beaucoup de soin. Sous un préau, les époux et la famille sont réunis et forment un cercle et saluent les invités. La musique est joyeuse et tropicale, je suis partage la joie ambiante, le moment est fort et simple. Je reprends le vélo pour parcourir les 15 km qui me séparent de Simarindo, je repasse dans les villages, les enfants me tapent dans la main à mon passage, les maisons batak sont magnifiques. J'arrive sur les genoux et j'opte pour un peu de riz, des légumes et, après avoir passé un moment sur le ponton, je me couche sans regret.




21/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 10 F - Distance parcourue : 258 km

Je suis inquiet, Thomas est parti hier pour une balade en montagne, il avait prévu de faire du vélo aujourd'hui et il n'est toujours pas là, ses affaires sont restées dans la chambre. Des touristes se sont déjà fait attaquer dans la montagne de Samosir... Au moment où j'embarque sur le bateau, je troque mon livre bouddhiste en anglais contre des mangues. Je pars sans avoir revu Thomas. L'arrivée à Prapat est calme, nous ne sommes que deux personnes sur le bateau. J'enchaîne directement avec un camion pour Sibolga. Il est 13 heures et je marche dans la ville sous un soleil de plomb. Personne ne s'arrête et je me retrouve à galérer pendant 3 heures. Puis, miracle, un premier camion, puis un deuxième pour Padangsidem-puan, je partage riz et légumes avec eux (on mange avec la main). Je trouve un gîte pour la nuit dans une fabrique de bois, sur une natte posée sur des tasseaux de bois. Je suis épuisé et je m'endors tout de suite.

 

22/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 26 F - Distance parcourue : 293 km

Je me réveille à quatre heures et comme le sommeil semble vraiment m'avoir quitté, je prends la route dans la nuit après un lait chaud. Je croise des camions qui ne s'arrêtent pas, je regarde le jour se lever, les musulmans qui vont et reviennent de la prière. Un jeune m'emmène en voiture sur 6 km et là commence une de mes plus grandes galères en stop : peu de trafic, beaucoup de mini-taxi et de bus, peu de place pour marcher sur le bord de la route, chacun me fait signe que non et je reste sous le soleil. J'ai du mal à trouver des bananes et je commence à avoir vraiment faim. Le pire, c'est que quand je fais une pause, les enfants, les hommes viennent me voir et l'attroupement ne m'aide pas à trouver un véhicule. Donc, c'est le cercle infernal, je marche, je me pose un peu, les enfants arrivent et je repars, je marche, je me pose un peu... Je suis crevé, j'ai mal dormi et le rhume guette, j'ai de plus en plus de mal à supporter les " Hello mister, what's your name " à répétition (environ 1 fois toutes les 10 secondes...). Je ressens au plus profond de moi ce que peut éprouver celui qui mendie son pain, me voici réduit à ma condition de misérable vers de terre. Le dos, les pieds et la tête me font souffrir, les heures passent, mais je continue à m'obstiner à marcher, luttant pour ne pas perdre le moral et comptant sur ma rencontre prochaine (et aléatoire !) d'une âme charitable. Attendre et tenir malgré la souffrance que je ressens... Plus tard, un camion m'emmène à Penjabugan. Et l'enfer recommence pendant une bonne heure et je me fis à l'idée de na ne pas arriver à Bukittinggi ce soir. Je sous-estime totalement la difficulté de la route, c'est que de la jungle, des virages sans fin et la vitesse des véhicules oscille entre 10 et 40 km/h. Bonheur ! Un homme à la retraite et son père, adorables, parlant anglais (il a travaillé à Jakarta, pour le gouvernement). Ils me déposent à Kota Nopan, au milieu des rizières et des montagnes couvertes par la jungle. J'achète une plaque de cacahuètes au miel et Salak s'arrête avec le 4X4 conduit par son ami, ses deux enfants sont à l'arrière. Nous voyageons pendant 4 ou 5 heures sur cette route infâme et ils me déposent devant mon hôtel à Bukittinggi ! Nous avons passé l'équateur (que j'avais déjà passé en avion en Afrique, puis en stop au Kenya) et ils me font goûter le durion , pas mauvais...) et le Anki (comme trois quartiers de châtaignes allongés), ils sont adorables et m'invitent à partager en plus le riz, les légumes et le thé. L'hôtel est un peu pourri (10F) mais se trouve à deux pas du marché. Des journées comme cela, merci pour les nerfs ! Le pire est que, malgré ma fatigue, je ne parviens pas à trouver le sommeil. Mon c¦ur s'emballe, les pensées s'emmêlent, c'est le thé de cet après-midi. Je réalise que je n'ai pas bu de thé depuis plusieurs mois et que cela perturbe tout mon être, une grande vague et du tumulte. Je ne boirai plus d'excitants, je sens aujourd'hui que cela modifie trop un être... Je décide donc d'opter pour le côté nature et calme, je refuse d'attaquer mon corps, le dénaturer, lui imposer ce rythme de la société moderne. Conclusion : nature = calme = sérénité.

 

23/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 53 F - Distance parcourue : 36 km

Il est 7 heures, un brin de yoga sur le balcon et je termine en observant le lever de soleil et les musulmanes qui rentrent de la mosquée. Le minibus pour le lac Maninjau ne part qu'à 10 heures alors je prends la direction du marché pour dénicher de quoi me faire un petit-déjeuner de roi. Il est trop tôt alors je discute avec le seul commerçant qui se trouve sur le marché, il me fait goûter de la peau de buffle croustillante ! Je trouve ensuite 3 oeufs, du lait en poudre, de la margarine, de la confiture et du gâteau à l'ananas. Je tente d'échanger mon guide trop lourd et redondant avec le Routard, mais vu le peu de touristes qui traînent dans le coin, le type refuse... J'obtiens mon billet pour le bateau de Padang Jakarta en classe économique (126 F) et je suis très content car il n'y en a qu'un par semaine. Un peu de minibus jusqu'à Lawang et je monte à pied voir le panorama. La route est sinueuse et jonchée de cannes à sucre. Le lac s'étend dans le cratère du volcan, c'est beau (presque mieux que le lac Toba). Il faut ensuite y descendre (2 heures de marche dans la jungle) et je rencontre des singes au poil roux et des mille-pattes d'une dizaine de centimètres de long. Sur la piste, une empreinte de tigre ! Un homme me dira plus tard que le tigre, ici, n'est pas dangereux... Je ne faisais pas le fier... Le reste, ce sont les sangsues qui s'en donnent à c¦ur joie, quelques glissades dans la boue et l'arrivée dans les rizières qui bordent le lac. Je croise un homme qui pousse une brouette pleine de noix de coco cueillies par le singe qu'il a dressé. Je trouve une chambre superbe pour 10 francs, j'ai les pieds dans l'eau. Je rencontre Wati et Ris qui m'invitent à partager un verre de lait de coco (il est presque 15 heures et la journée de jeûne du Ramadan s'achève à ce moment-là) ainsi que des bananes, du riz pimenté. Vers 20 heures, Wati m'explique qu'elle voudrait que je lui fasse un bébé et qu'elle serait contente d'aller avec moi en France. Elle a changé son foulard et sa jelaba pour un look tout à fait européen qui la rend plus sexy. Je ne veux pas de problèmes avec l'Islam, je suis malade, alors je dors seul.


24/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 52 F - Distance parcourue : 120 km

Réveil vers 6 heures, yoga et méditation face au lac, lait chaud, gâteau et baignade avec les filles au petit matin, au milieu des pêcheurs qui raclent le fond sablonneux du lac pour en extraire une sorte de bigorneaux. C'est la pêche miracle. Je salue tout le monde et reprends le chemin de Padang (120 km à parcourir). Je marche une bonne heure dans l'indifférence la plus totale de tous ceux qui passent jusqu'à ce qu'Eddy et sa moto me conduisent, cheveux au vent jusqu'à  L. Basung. Je trouve ensuite un pick-up qui me fait parcourir 500 mètres ! Puis, je rencontre Irsam, sa femme et sa fille qui m'emmènent en 4X4 jusqu'à Padang au milieu des rizières. Il nous faut une heure pour faire 100 km. Je déniche un hôtel devant le terminal de bus (pratique pour demain). Je pars ensuite pour un petit village de pêcheurs recommandé par le Routard, qui s'appelle Air Manis. Sur la route, je mange dans des feuilles de bananiers un curry de légumes délicieux au milieu des rires d'étonnement des vendeuses du marché. Dès que l'on passe la rivière Muara et que l'on monte la colline, on passe du tumulte de la grande ville au calme paradisiaque d'une jungle épaisse et d'un bord de mer (plages de sable fin, îles à moins d'un kilomètre de la plage). C'est fou comme une barrière naturelle arrête le saccage de l'homme. Un pêcheur me dit qu'il y a un taxi à 19 heures alors je prends le temps de me baigner dans les rouleaux et d'observer les pêcheurs qui partent sur leurs pirogues à balanciers. Franchir la première vague est assez sportif mais, cela passe. L'adresse donnée par le guide du Routard (91/92), où je comptais passer la nuit a disparu dans une tempête, il y a trois ans. Je rencontre un Allemand, venu et resté ici, ayant découvert le paradis. Oranges, pain et confiture et couché vers 20 heures.

25/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 67 F - Distance parcourue : 1500 km

Le gars de l'hôtel ne m'a pas réveillé comme il l'avait promis mais, étant matinal, cela ne prête pas vraiment à conséquences. J'embarque sur le Lambelu, grand paquebot de la Pelni compagnie. Il y a quatre classes, j'ai choisi la plus basse, je me retrouve donc tout en bas dans un dortoir qui fait la longueur du bateau. Je ne manque pas de faire sensation parmi les locaux qui m'accueillent gentiment : un jeune m'apprend une chanson en indonésien, je lui apprends la mienne, du Burkina Fasso. Sumarro, sa femme et ses deux enfants m'invitent spontanément à prendre le train avec eux et à venir à Solo, chez eux, plutôt qu'à Jogakarta où ils se proposent de me faire visiter Borobudur et Prambanan et j'accepte immédiatement. La journée se passe sur le pont arrière, à lire " the art of hapiness " du Dalaï Lama et de Howard C Cutler, tout à fait ce qu'il me faut... Il y est dit que le seul but de la vie, c'est la recherche du bonheur et que tout ce que l'on fait (ou que l'on achète) doit être précédé de la question " cela va-t-il m'apporter le bonheur ou un simple plaisir passager ? ". Cultiver la gentillesse et la compassion mène au bonheur, il faut travailler dur pour revenir à cette simplicité car notre société a tendance à favoriser l'individualisme et l'ego. Pourquoi part-on toujours du principe que l'humanité est agressive par nature alors que l'homme serait plus naturellement enclin à la compassion ? Pourquoi toujours voir les autres en commençant par leurs défauts plutôt que par leurs qualités ? Penser que notre fabuleuse indépendance n'est qu'illusion... Je parviens à me restaurer en allant directement en cuisine (les menus sont tous indiqués en Indonésien, alors forcément, j'ai du mal à comprendre). Le cuisinier, amusé, me fait cadeau de gâteaux et je parviens à obtenir un plateau de riz et de légumes. Au lit à 20 heures avec la lumière et la télévision allumée toute la nuit.

 

26/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 103 F - Distance parcourue : 618 km

On passe devant le Krakatau, volcan qui a emporté la vie de plus de 36000 personnes en 1883, créant des lames de fond qui ravagèrent les côtes de Sumatra et Java. Riz, ¦uf dur et douche, puis c'est l'arrivée à Jakarta vers 13 heures. C'est la panique, les gens se pressent dans tous les sens et je tente de retrouver ma " famille " d'adoption. On prend un taxi pour la gare et j'ai bien du mal à supporter les deux heures d'embouteillages. La pollution est intolérable, les yeux pleurent et la femme de Sumarro, qui est enceinte est malade. A chaque feu, les enfants font la manche. Nous passons devant l'ambassade des Etats-Unis, ceinturée de barbelés et protégée par la police. A la gare, on trompe l'attente en jouant un peu de musique. La classe économique du train pour Jogakarta est un vrai théâtre et contrairement à ce que m'a dit Sumarro, il n'y a pas de couchettes et c'est le défilé des vendeurs ambulants toute la nuit. Je parviens quand même à dormir un peu, les fesses sur un bout de carton entre deux sièges et en chien de fusil. Les enfants dorment par terre sur des journaux, entre les banquettes. Le sol est jonché d'épluchures diverses, tout est crade.

27/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 74 F - Distance parcourue : 130 km

Nous descendons à Solo et prenons un taxi pour arriver jusqu'à la maison de ses beaux-parents. Je prends une douche près du puit, dans le jardin. La maison est grande, mais les pièces sont vides et sales. On me sert du thé, du riz, du soja et des morceaux de porc dans une feuille de bananier. Au mur, des photos de mariage où les mariés paraissent déguisés en vampire. Cela fait deux ans qu'ils ne se sont pas vus, mais cela n'a l'air de surprendre personne... Le grand-père me demande comment je me nourris au cours de mon voyage et a l'air étonné que je puisse manger leur cuisine locale. Un grand tour en mobylette dans Solo et je les quitte pour aller à Prambanan (à 60 km de là). C'est un site fantastique et je suis enchanté de retrouver l'indouisme en Indonésie. Le plus beau, le chandi Larajonggrang est constitué de trois temples, un pour Civa (éternité),  un pour Brahma (création) et un dernier pour Vishnu. C'est tout le cosmos qui est représenté ici par les hommes, la base pour les gens ordinaires (le bas monde), le corps pour l'état où l'homme a quitté les événements du monde (le monde du milieu) et le dôme pour le monde divin. Tout autour de pyramides étagées sur lesquelles on trouve un nombre considérable de cloches de pierres (elles font penser aux stupas bouddhistes) on trouve l'histoire sculptée du Ramayana. Je prends ensuite le bus (pas question de faire du stop pour aller à Java, vu la situation internationale actuelle...) et j'arrive à la nuit dans un petit village appelé Selo qui se trouve sur les flancs du volcan Merapi, le plus dangereux d'Indonésie et, bien sûr, toujours en activité. Je dîne de riz et de légumes avant de me coucher à 7 heures car la grimpette du volcan est prévue pour une heure du matin.



28/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 49 F - Distance parcourue : 60 km

Pas d'escalade car le brouillard est tenace, donc je reporte tout cela à demain. Riz, soupe de pommes de terres d'un centimètre de diamètre, lait chaud (le tout compris avec la chambre à 15 francs). Je prends mon temps et je fais 2 stops (ici, c'est vraiment un village d'altitude, alors parcourir 30 km devient un périple : 2 heures !) pour arriver à Borabudur (je donne dans le patrimoine mondial, en ce moment...) et cette fois, c'est un monument bouddhiste. J'aime, mais ce n'est pas le fol enthousiasme : une grosse pyramide au milieu de la jungle, avec toute la vie de Bouddha sur les bas-reliefs. Tout est en pierres volcaniques et j'ai la chance de tomber dans une période un peu creuse pour le tourisme. Il pleut et je décide de rentrer, le trajet est toujours aussi long, les bus tentent toujours de t'arnaquer, je finis en stop dans un camion plein de cailloux, sous la pluie... La fin d'après-midi est tranquille, lecture, guitare... Et au lit à vingt heures...


29/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 81 F - Distance parcourue : 20 km

Je me réveille avec l'appel à la prière de 3 heures 30. Cela signifie que Yudi n'a pas jugé le temps favorable pour l'ascension du volcan. Je décide donc d'aller directement au Bromo (encore un volcan sur Java). A cinq heures, le temps se dégage et Yudi me propose de monter. Riz, omelette et c'est parti pour trois heures d'ascension raide dans les plantations, puis encore plus raide, dans un champs de pierres, cette fois. Des fumeroles blanches s'échappent de fissures. Le soufre attaque les poumons et les yeux. Une pluie fine de poussières grises tombe et la vue n'est pas dégagée au sommet. De temps en temps, un rayon de soleil permet d'apercevoir le fond du cratère mais le reste du temps, c'est le brouillard le plus total. Comme Yudi fait le ramadan, il a un peu de mal à finir la course. Nous revenons à la maison, il est environ 11 heures et vu l'odeur que je dégage, je décide de me laver (la douche n'a pas de toit, c'est donc la pluie qui me rince...). Riz, thé chaud, l'accueil au Pak Auto est idéal et empreint d'une gentillesse qui n'existe plus ailleurs (pour les ballades, il faut demander Yudi Trisno au Pak Auto à Selo). Il est trop tard pour aller à Bromo et je décide de passer la nuit à 20 km de là à l'observatoire de vulcanologie de Batapan pour tenter de voir cette nuit des coulées de lave, nombreuses sur ce versant. Dans l'observatoire, on trouve un attirail de surveillance et des photos incroyables. Je suis accueilli et l'on me donne une natte dans une chambre dont je peux disposer gratuitement et cette nuit, comme dirait mon frère Luc, c'est " au-dessous du volcan " que je dors. Je me concocte des spaghettis et immédiatement deux curieux entrent dans " ma " chambre pour voir un Européen faire cuire des pâtes sur un réchaud. Le seul souci, c'est qu'ils n'ont rien d'autre à faire et, n'ayant aucune notion de ce que peut être l'intimité, ils restent là et me regardent manger. Là, je craque et je les vire de la piaule, cela les amuse... Je repasse à l'observatoire vers 20 heures, avant d'aller me coucher et j'assiste à des projections de lave. La vitesse est impressionnante et je suis heureux de profiter de ce spectacle offert par la nature.

30/11/2001 (Indonésie) Dépenses : 52 F - Distance parcourue : 397 km

Il est trois heures du matin, et je démarre par du yoga et un lait chaud. Je descends à pied la route qui serpente au milieu des plantations et je trouve un camion qui me conduit à Tlatar. Là, deux autres conducteurs me font parvenir jusqu'au bus qui part pour Solo. Un autre bus pour Monjokerto, puis re-changement pour Probolinggo, et ainsi de suite jusqu'à Bromo (12 moyens de transport dans la même journée, autant dire que malgré les mots de patience du Bouddha, j'en ai eu franchement marre !). Je réalise tout de même que je suis libre, que je n'ai pas le moindre problème et que j'ai trouvé la paix de l'âme (je ne suis quand même pas illuminé mais parfois, c'est tout comme). En fait, j'ai quand même trois problèmes : comment cela va-t-il se passer avec mes filles à mon retour, pourquoi ma femme ne veut-elle plus de moi et je culpabilise de faire faire du mauvais sang à ma mère qui est très inquiète de mon voyage. Je pars directement à pied vers le volcan et je me retrouve à marcher dans le cratère éclairé par la lune, c'est une surface immense et sablonneuse (qui me rappelle l'intérieur du Gnorong Crater en Afrique). J'entends des hurlements de chiens et je reste sur mes gardes. Je plante la tente à 1 mètre du bord intérieur du cratère d'où s'échappe un nuage blanc acide. Je m'endors dans ce décors de rêve.