MARS 2002 Pérou Colombie Brésil Venezuela

 

01/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 25 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Départ pour le chemin des Incas qui mène au Machu Pichu. En groupe car c’est obligatoire.


Pérou
Bresil
Venezuela

02/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 25 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Chemin des Incas. Vue réduite car brouillard.

 

03/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 25 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Chemin des Incas. Vue réduite car brouillard. Dodo dans ma tente avec une ravissante américaine qui en avait marre de dormir dans une tente qui prend l’eau et entourée de deux filles.


04/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 25 Km  (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Départ dans la nuit et arrivée au Machu Pichu fatigué, trempé par la pluie. On écourte quelque peu la visite, je descends à pied sur Aguas Caliente ou je retrouve mon américaine à la microgare de ce bled rigolo traversé par les rails de train.




05/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 175 Km  (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Train, je me fâche avec l’américaine qui a ses humeurs et je prends un bus pour Cuzco pour récupérer mes affaires à l’agence et commencer le stop pour Abancay

 

06/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 150 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Stop d’Abancay à Andahualas (routes désertées mais ultra typiques, malgré le stop, je marche 6 heures par jour)

 

07/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 150 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Stop d’Andahualas à Ayacucho (routes toujours désertées mais  ultra typiques et je marche encore 6 heures par jour).

 

08/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 150 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Stop pour Ayacucho (routes désertées…6h de marche par jour )

 

09/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 150 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Stop d’Ayacucho à Huacano (routes désertées…)

 

10/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 150 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Stop pour Huacano (routes…Vous connaissez la suite)

11/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 150 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Stop pour Pucalpa. Achat d’un hamac et je saute dans le bateau. Tout le monde dort sur le pont dans les hamacs alignés.

 

12/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 200 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Bateau sur le majestueux fleuve Amazone. Yoga et méditation.

 

13/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 200 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Bateau sur le majestueux fleuve Amazone. Yoga et méditation.









14/03/2002 (Pérou) Distance parcourue : 200 Km (journal perdu dans les postes donc repris de mémoire)

Bateau sur le majestueux fleuve Amazone. Yoga et méditation. Nombreuses rencontres, moments simples. Porridge le matin et riz poisson le midi et le soir. J’invite une fille de 12 ans à danser sur le pont du bateau, sa mère ravie me donne un fruit bizarre et délicieux.  Elle me dit qu’une montre ça pressurise (si jeune et déjà si lucide. Elle me pose 1000 questions à la minute, que c’est chouette l’âge ou l’on se pose autant de questions, ou l’on s’intéresse tant à ce qu’il y a derrière les apparences.




15/03/2002 (Pérou) Dépenses : 450 F - Distance parcourue : 30 km

Musique à fond sur la lancha, je me lève donc, prends la douche, lave du linge jusqu'à ce que le pilote me dise qu'il est deux heures du mat ! Je retourne donc au lit pour lire le dictionnaire des citations françaises, c'est la bonne heure pour s'adonner à la lecture des fleurs du mal de Charles Beaudelaire. Je somnole quand me réveille l'hymne national à 6 heures pétantes sur radio Kora à fond dans tout le port.  Je retrouve plus tard, ma famille péruvienne pour partir au zoo de la laguna Quisacocha. Sur la langue de boue qui sert de port des hommes montrent des poissons d'un bon mètre de long au bout de leurs bras. Je goutte le lucma, un fruit orange, hyper nutritif qui colle aux mains et sur les dents. On va au marché avec un bus sans vitre aux fenêtres et en bois, j'y rachète ce que l'on m'a volé hier dont les 276 F de lariam. Je me tartine du pain et avale un verre de jus de fruit pressé par une ravissante barbie locale pendant que mes amis ont opté en guise de petit déjeuner pour un poisson riz. Un type bourré me parle, mais je ne comprends rien, Adela paye en sortant à chaque fois son portefeuille de son soutien-gorge en soulevant son pull-over ce qui expose au regard de tous sa poitrine généreuse... Au zoo, je suis stupéfait par la variété de tigres, je rencontre les toucans, tapirs, tortues, crocodiles, les perroquets Loro Hablador qui nous saluent de Hola et amigo. Je passe une bonne heure avec un singe mono Makisapa sur mes épaules (noir, très allongé, une paume de main à la queue) avant qu'il ne cherche les lantes dans les cheveux de Johanna et les croque avec ses dents aiguisées dans un bruit à faire peur. Retour en stop avec deux jeunes étudiantes qui me branchent sans fioritures, elles sont très séduisantes mais j'ai un bateau à prendre moi ! La ville est bruyante, un flot discontinu de moto taxi à trois roues, c'est la pollution. J'achète du chocolat à tartiner pour me consoler d'avoir laissé mes étudiantes et c'est la trouille arrivé au port car la lancha n'est plus là et j'y ai laissé toutes mes affaires (la trouille que tu peux avoir quant tu cherches ta carte bleue que tu ne trouves plus...). Je retrouve 5 km plus loin la Natalia Carolina et donc mes affaire et peux donc embarquer sur l'Héroica pour 90 F. Là c'est l'horreur car il n'y a qu'une salle fermée, bourrée de hamac, les gens sont coude à coude et pour voir le fleuve, juste un couloir de 2 mètres qui mène aux toilettes. Je craque, défais mon hamac, j'ai besoin d'espace vital, de liberté de mouvement, d'intimité, 3 jours d'une telle promiscuité jamais ! Avec l'accord de Manuel le capitaine, je fixe ma tente sur le toit du bateau. Me voilà donc dans la nuit, dans le vent, comme un dingue avec la torche à fixer tant bien que mal la tente avec des planches et une pirogue... 2 bananes pour le dîner.


 








16/03/2002 (Pérou) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 400 km

Quelle belle nuit tranquille, je rigole de me voir perché sur le toit, le capitaine me salue, d'ici je vois tout le poste de pilotage. Je descends pour toucher ma ration de porridge et rencontre Rachelle (suisse) et Tonio (français) avec lesquels je discute une grande partie de l'après-midi. Elle, ne supporte plus la société suisse, elle voyage seule et prépare son voyage pour l'Asie, lui a passé 8 mois dans la jungle en diète à étudier la médecine traditionnelle, le secret des plantes, il dit qu'avec un régime alimentaire sain, le corps peut se défendre seul sans avoir besoin de la clique des médicaments modernes, il dit que la médecine moderne supprime les effets mais pas les causes du mal ce qui est crétin. J'aime bien le voyage car c'est les rencontres, des gens très différents, puis des séparations qui laissent toujours bête, toi à gauche moi à droite ... « on ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi même après un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous épargner » Marcel Proust. C'est ça mon voyage : un voyage initiatique, chacun le sien .




17/03/2002 (Brésil) Dépenses : 34 F - Distance parcourue : 0 km

Arrivée matinale à Santa Rosa (Pérou), on prend une pirogue bien négociée pour traverser le fleuve et se retrouver à Tabatinga (Brésil) à deux pas de Leticia (Colombie). Tonio me montre des perroquets dans le ciel et m'explique qu'ils volent toujours en couple, quand l'un meurt, l'autre monte haut dans les airs pour s'écraser au sol. Rachelle, Tonio et moi prenons un hôtel, je dors avec Tonio ce qui m'excite moins que de dormir avec Rachelle. Malgré qu'un ami Japonais m'ait prêté un T-shirt pour que je ne rentre pas torse nu à la douane, les policiers me prennent de haut et pour m'apprendre la vie me donnent 10 jours de visa alors qu'ils donneront 90 jours à Rachelle (je vais donc être obligé de faire un passage en Colombie pour rerentrer au Brésil avec plus de jours). Je pars avec Tonio dans les rues direction la Colombie et sous une pluie démentielle, nous sommes trempés, torse nu, portefeuille protégé dans un sac plastique, on saute dans les flaques comme des gosses. Tonio achète pour 150 F une boulle de 10 cm de diamtre de marijuana Colombienne. Riz, légumes à midi, pain oeufs à 16 heures car j'étais affamé, assiette de riz et glaces dans les rue de Tabatinga après un joint sans tabac qui nous montre la rue à l'envers.

 

18/03/2002 (Colombie) Dépenses : 63 F - Distance parcourue : 16 km

C'est l'anniversaire de ma fille Lucie et elle se trouve à des milliers de kilomètres ! Je fais le petit déjeuner à Tonio, il a le droit au traditionnel pain, beurre, confiture, lait. On part au marché local pour acheter de quoi manger dans la jungle car on a décidé de ne pas rester là trois jours en attendant la lancha. On laisse les affaires chez Fernando, un copain de Tonio qui nous offre un riz complet délicieux. Je fais mon entrée officielle en Colombie à l'aéroport après un stop avec un camion. On marche sur la route ensoleillée et un pickup nous emmène un bout de chemin avant de remarcher jusqu'au kilomètre 15 où l'on campe car la nuit est déjà là. On dîne sous la moustiquaire qui nous sert de salle à manger car les suceurs de sang sont nombreux, on boit l'eau marron du marécage et nous régalons d'une salade de concombres, oignons, carottes. Les crapauds coassent la marijuana nous scotche sur le chant de ces batraciens.

 

19/03/2002 (Colombie) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 20 km

Tonio fait des galettes en mixant des bananes avec de la farine de blé, de maïs, le tout grillé dans ma poêle avec un peu de margarine, un délice de la jungle. On fait la toilette dans un petit rio et je rigole de voir Tonio sur le bord de la route nue, une casserole se cacher alors que deux femmes passent à ce moment là. Au kilomètre 22, on s'enfonce dans la jungle, je mets mon pantalon goretex et mes chaussures chinoises pour parer aux serpents, on a chacun une machette à la main au cas où, deux Indiana Jones quoi ! Farine de yucca brava et blanca dans lesquelles on râpe la companela (bloc de sure de cannes), arrosé d'eau toujours marron. Les moustiques sont là, pas moyen de se relaxer, on transpire, c'est l'humidité, grosses gouttes sur le front, enfin de quoi te faire passer le goût de la jungle. Dans cet enfer vert, des papillons immenses font des taches bleu électrique, merveille de notre nature, vol gracieux dans cet univers de lianes et de racines. Des toucans passent au-dessus de nos têtes, on glisse sur des ponts de bois pourri, les pieds disparaissent dans la boue épaisse, chaque fois la même question, serpent pas serpent ? mygale pas mygale ? Montées, descentes, on croise un petit serpent noir. Je marche lentement car je ne suis pas en forme, l'eau d'hier ou l'humidité je ne sais pas, je me sens faible. Pour la nuit, même organisation qu'hier. On se gave d'une salade de spaghetti, oignons, thon, carottes et Tonio brûle la moustiquaire en sortant de la « salle à manger » avec la lampe à pétrole et renverse les pâtes qui cuisaient. Dans la rivière, de gros poissons mais on n'a pas d'hameçon ; sur le tronc qui permet de la traverser, une grosse araignée. La nuit nous entoure, des singes sautent dans les feuillages en grand fracas, les toucans crient, on fait la chasse aux moustiques dans la tente, on en tue plus de trente, le sang gicle...




20/03/2002 (Colombie) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 0 km

Il pleut, pas de petit déjeuner donc et tente pliée mouillée dans le sac. On arrive deux heures plus tard au rio Calderone, au loin les cris d'une famille de singes, je garde les sacs pendant que Tonio se jette à l'eau pour traverser le rio à la nage et chercher son ami Alfredo qui reviendra plus tard me chercher en pirogue. Quel moment de bonheur, on file sur l'eau, à contre courant, qui cache les caïmans, tortues, poissons, serpents ? Je pagaye à l'arrière pendant qu'Alfredo manie la pagaie avec art à l'avant, les berges sont couvertes de branches qui tombent dans le rio. On arrive après un chemin boueux dans la maison d'Alfredo, sur pilotis, pas de murs mais juste un plancher et un toit, au milieu d'un paradis de plantes tropicales, végétation luxuriante, calme absolu, paix de l'âme retrouvée, quel cadeau des dieux après un chemin si difficile. On mange des bananes platanos asado (sur la braise) et une colada (farine de céréales, lait, sucre), suivi de la lecture du fond des tasses de café. On passe un bout d'après-midi chez Anne une italienne qui vit avec Miguel dans un coin de paradis au milieu des bananiers, papayers... Je goûte là l'umani, un nouveau fruit (il n'y a presque rien à manger car le noyau est énorme).  Retour à la nuit, sur le chemin dans la jungle et pieds nus por favor ! Ce soir, pas de bouffe car c'est le grand soir de l'Ayahuasca. Pedro, Nicolas, Alfredo, Punika, Tonio et moi en cercle, on commence par le rapé (poudre fine de tabac envoyé par Pedro dans les narines avec une paille) qui te monte vite au cerveau puis chacun boit son verre d'Ayahuasca en faisant un voeu et chacun dit "salud" après que chacun vide son verre. Pedro bat la mesure sur nos têtes avec une branche feuillue (chacapa) et entonne des chants pour faire venir les esprits « Ayahuasquita Medicinitay né Dolay Linda nay nay né ». Il y a 3 000 préparations différentes, c ‘est un breuvage à base de plantes uniquement, qui soigne et donne des visions. Je suis défoncé durant 3 heures, m'écroule sur le lit après avoir comme tout le monde vomi dans des râles infâmes plus proches du loup que de l'homme.





 

21/03/2002 (Colombie) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 0 km

Levés fatigués, on ne partira pas aujourd'hui mais demain, une fois reposés. Café, un peu de Colada et on a tous du mal a sortir du coma. Je pars avec Tonio, Nicolas et Alfredo en pirogue pour la chagra (clairière) où Alfredo va ramasser la Yuca pour faire le déjeuner. On déterre donc les espèces de pomme de terre et l'on se fait la visite de ce paradis en goutant successivement les goyaves, les grenades à chair gris métallique et la canne à sucre que l'on écorce avec les dents comme des sauvages. A midi, Yuca cuites, bananes frites, riz, haricots et piment. Je donne mon poisson « chat » à Tonio. Grosse sieste avant de diner toujours sur le banc et la table de bois fixée par des cordes, sous le toit de feuilles, les casseroles noires de suie reposent sur le feu de bois. Tonio m'explique qu'un couple qui vit non loin a été ensorcelé, ils ont eu de grosses plaies inexpliquées sur les jambes. L'homme s'est battu à la machette jusqu'à ce que le sort envoyé par un homme jaloux soit retourné sur lui par le sorcier de la ville. Je sombre dans le sommeil en écoutant Punika qui chante en allemand une chanson triste avec une voix d'enfant inoubliable, ce chant s'envole dans le ciel de la jungle, accompagné des bruits de corbeaux que font les crapauds.







22/03/2002 (Colombie) Dépenses : 30 F - Distance parcourue : 40 km

Départ matinal après avoir avalé le plat de yuca haricots et piments sur un dernier café. Alfredo a attrapé deux énormes poissons triangulaires pour midi qui finissent de respirer la vie accrochés par une branche qui leur rend les ouïes rouges de sang. Plein de courage, on part pour 7 heures de jungle pour retourner sur Leticia. Sur le chemin, des colonnes de fourmis sagement alignées et qui transportent des bouts de feuilles découpées dix fois plus grandes qu'elles. Pause spaghettis-oignons avant de repartir sous le soleil pour gagner le kilomètre 22. On craque pour un taxi, je tamponne ma sortie de Colombie et on retrouve Fernando chez lui pour passer une soirée autour de jus de bananes, riz complet, bananes grillées,des Gun's&Roses et d'un dernier joint de l'amitié. Tonio rêve d'acheter sa chagra pour 20 000 F et se nourrir de ses fruits et légumes, d'ouvrir son centre de diète, de médecine traditionnelle. Il me raconte l'histoire de Fernando à qui on avait annoncé sa mort du sida prochaine, il s'est retiré dans les montagnes, a suivi une diète macrobiotique durant 3 ans et est toujours vivant (13 ans) et ne croit plus au sida.

 

23/03/2002 (Brésil) Dépenses : 166 F - Distance parcourue : 0 km

« D'autres encore reçoivent la semence parmi les plantes épineuses : ils ont entendu la parole, mais les soucis de la vie de ce monde et les plaisirs trompeurs de la richesse étouffent la parole qui ne produit rien » Matthieu 13 / Bible. « Le désir fleurit, la possession flétrit toute chose » Proust. « J'ai voulu tout voir, tout avoir, je me suis trop hâté de vivre » Charles Gros. « Plus ça change, plus c'est la même chose » Alphonse Karr. « Il y a deux manières d'être malheureux : désirer ce que l'on n'a pas ou posséder ce que l'on désirait » Pierre Louys. « Il n'y a que les pauvres de généreux » Balzac. « Les biens de la terre ne font que creuser l'âme et en augmenter le vide » Chateaubriand . Pour moi aujourd'hui, la possession c'est le début de la fin, et comme on sait bien se noyer au milieu d'une multitude de choses inutiles !!! Je quitte Tonio à regret et prend un minibus pour le Brésil. A la police, ils me donnent cette fois 30 jours car j'y vais avec tact . Pain confiture, j'achète des bananes, deux papayes et des tomates pour déjeuner et embarque sur la Coracao de Mae, un bateau en partance pour Manaus qui restera bizarrement presque déserte. Je mets le hamac mais je vais finalement dormir sur le sol. Pâtes sur mon gaz car le premier repas n'est pas compris comme souvent dans le prix du billet. La police à chapeau de cow-boy et gueule de tueur nous contrôle à 3h30 du mat ! Ils fouillent l'intégralité de mon sac car j'ai eu le malheur de manifester mon mécontentement au sortir du lit. « Que dois-je faire encore ? Si tu veux être parfait, lui dit Jésus, vas vendre tout ce que tu possèdes et donne l'argent aux pauvres, alors tu auras des richesses dans les cieux ».

 

24/03/2002 (Brésil) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 333 km

Quel bonheur que d'avoir tout son temps pour se lever, rien à faire de la journée, je regarde l'eau du plus long fleuve du monde qui passe devant mes yeux, au travers des mailles de mon hamac, tout est ici propice à la méditation. En fait, c'est ce que je préfère dans la vie, j'ai besoin de me poser, de laisser à tout mon être le temps de digérer l'existence, de laisser filer mes pensées à leur gré, libres d'elles mêmes, d'aller et venir alors que je me pause en simple observateur de cette chimie intérieure, la vie quoi, celle qui reste cachée au fond de nous-mêmes si l'on ne s'arrête pas un moment. « La science a fait de nous des dieux avant que nous méritions d'être des hommes » dit Jean Rostand, nous nous sommes noyés dans la modernité avant d'avoir appris à nager. Bonheur, on te cherche tous mais où es-tu ? Avant, il faut je pense avoir connu le malheur pour être bien conscient de ma chance, pour bien appréhender la vie « rien ne nous rend si grand qu'une grande douleur » disait Musset, « la manière la plus profonde de sentir quelque chose est d'en souffrir » disait Flaubert. « Te voilà redevenu homme puisque tu pleures » Jules Vernes. « Nos plaisirs les plus doux ne vont pas sans tristesse » Corneille. « En toute chose il faut considérer la fin » Jean de La Fontaine. « Cette tristesse et ce comique, tristesse qui fait rire, comique qui fait pleurer les âmes hautes » Octave Minbeau. Avec ce bagage, cette connaissance, cette acceptation du mal, de l'existence de la souffrance, on peut apprécier et jouir, couler une existence dans la paix, calme, où toute chose se goutte, se déguste, fait vibrer. Le bonheur n'est pas comme beaucoup d'Européens pensent de se noyer dans les plaisirs et de faire la chasse aux mauvaises choses de la vie, les bouddhistes l'ont bien compris. Je retourne à la vie du navire pour mettre un peu de margarine sur des crackers accompagnés d'un café au lait. Lecture du nouveau testament, Sonia m'apprends « Clandestino » de Manu Chao, elle voyage avec Mauricio et leur petite fille de 3 ans, elle est de Madrid, lui de Mexico, très bab. Riz, haricots à midi, même traitement le soir. Alexandro nous montre comment on fait un chapeau avec des feuilles de cocotier tressées.

 

25/03/2002 (Brésil) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 333 km

Réveil tranquille avec le jour, les hommes ont fait un raffut du diable en déchargeant cette nuit les marchandises dans un port. Je reprends ma méditation sur le bonheur. Il ne va pas sans peine on disait « Je m'empresse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer » disait Beaumarchais, « l'homme est désespéré de faire partie d'un monde infini où il compte pour zéro » Ernest Renan, « Tout s'anéantit, tout périt, tout passe, il n'y a que le monde qui reste, il n'y a que le temps qui dure » Diderot. J'aime cette chanson de Kansas « dust in the wind » qui dit que nous étions poussière et que nous redeviendrons poussière. C'est conscient de cette fragilité, des difficultés que l'on peut mesurer et jouir de notre bonheur, du vrai, très différent des « bonheurs consommation » qui ne durent qu'un temps et qui coûtent « Un vrai bonheur coûte peu, s'il est cher, il n'est pas d'une bonne espèce » Chateaubriand, à nous de jouir « les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger » disait Giono, chaque jour on croque la vie, ça me rappelle notre visite à la chagra dans la jungle ou l'on s'est régalé de goyaves, grenades et cannes à sucre, je garde cette image pour les matins où je vais me lever du mauvais pied, pas envie de vivre, une journée qui s'annonce comme une de plus, vide... Le bonheur, je pense que c'est aussi être bien avec soi même et se trouver pour vivre celui que l'on est et pas un autre dans lequel on ne se sentirait pas bien. « Pour arriver, il faut mettre de l'eau dans son vin jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de vin » Jules Renard. Quelle horreur, je préfère « Il vaut mieux être moins et être ce que l'on est » Chamfort. Reste toi même, même si tu dois te faire des ennemis, ne joue pas un rôle mais vit ce que tu as au fond de ton être, trouve et exprime le. Allez, un peu de margarine sur un cracker car philosopher ça ne nourrit pas son homme, petit café et retour sur terre... Je suis fatigué toute la journée car je dors mal, méditation, riz haricots, même chose le soir que j'agrémente de céréales mixées avec de la banane et du sucre. Beau moment de guitare avec Sonia en duo, on fait un Guantanamera à rallonge, c'est le morceau qu'elle joue pour faire la manche.

 

26/03/2002 (Brésil) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 333 km

Je reviens sur le bonheur, hier Mauricio et Sonia étaient surpris que je ne mange ni viande ni poisson mais pour vivre heureux, il faut avant tout être en paix avec soi même , vivre dans cette lumière, dans cette vérité, ne pas se mentir, ne pas faire de compromis faciles, ne pas se dire je suis dans la moyenne alors tout va bien, je m'en contente. Je ne peux donc pas vivre tranquille avec ma conscience si je sais que d'autres tuent des animaux pour que je puisse manger alors que je sais que manger de la viande n'est pas une nécessité. Cette hygiène de vie, ce face à face avec toi même et tes actions quotidiennes, c'est la clef pour accéder au chemin du bonheur. « Le bonheur, c'est le chercher » dit Jules Renard, peut être a-t-il raison, pour vivre heureux, il ne faut pas s'installer, c'est peut être pour cela que l'on ressent un bien être si fort en voyage, le bonheur n'est pas statique mais volatil, remis en cause chaque instant. L'homme qui rêve de s'installer dans une vie , de trouver l'équilibre stable est un doux rêveur, il n'y a que des équilibres fragiles. La mise en équation du bonheur est une folie mathématique, une chimère, « le bonheur est constitué de tant de pièces qu'il en manque toujours » dit Bossuet. Je reviens à mes crackers et à la vie à bord. De la douche sort l'éternelle eau marron puisée à même le fleuve. Beaucoup se brossent les dents avant le petit déjeuner ce qui est bien idiot à mon sens. Ici, le manque d'éducation (au sens européen) est affolant, si tu attends bien sagement ton tour, tu vas pouvoir attendre longtemps. Il n'est pas rare de se retrouver à deux dans un escalier car personne ne laisse passer l'autre alors de là à ce que quelqu'un te serve du café alors qu'il se sert lui. Il y en a même un qui a installé son hamac au dessus de ma tête (je dormais par terre) en plein milieu de la nuit car il avait froid  et voulait se protéger contre le mur. Quand j'entend les gens parler tout haut la nuit, je n'ai maintenant plus de complexe a jouer de la guitare à l'heure de la sieste. Quel calme intérieur je ressens quand je ferme les yeux, mon cœur bat lentement, sans irrégularité, aucune pensée ne vient agiter cet écran blanc, serein, en paix intérieur, je rentre au plus profond de moi, en silence, je coule et me mets à l'unisson avec la nature et la nature humaine, mon organisme qui pulse un va et viens régulier. Je profite de mes derniers jours de voyage, l'avenir reste à découvrir. Bananes céréales à midi, riz le soir. Je recopie deux chansons sud-américaines sur un livre de chant que me tend un vieil homme qui venait pour faire un brin de causette.

 

27/03/2002 (Brésil) Dépenses : 60 F - Distance parcourue : 100 km

Il fait à peine jour et nous arrivons au port de Manaus pour nous coller aux autres dizaines de lancha déjà accostées. Je quitte mes amis ,et pars torse nu et pied nus. Dans cette ville qui se réveille au milieu de la jungle j'achète un jus de fruit inconnu et hyper acide, un litre de lait frais que je m'enfile au petit déjeuner sur les marches d'une grande avenue, de quoi assouvir mon désir de produits frais après quelque jours de privation sur le bateau. Je traverse à pied la ville pour arriver dans les faubourgs, grandes avenues sous le soleil de plomb, je tends le pouce par dérision. Yann un coréen finira par m'emmener après deux heures de marche au poste fiscal à la sortie de la ville mais j'attendrai là deux heures de plus avant de partir dégoûté en marchant en bord de route. Un enfant qui joue avec un pauvre cerf volant maison m'offre de l'eau, stop avec Francisco puis Francis puis un motard (je me brûle la jambe sur le pot d'échappement bouillant). La pluie vient, je croise des petits singes, la route part dans la jungle, un long serpent noir, de çi de là des gens qui se baignent dans des lagunes marron rouge, une bière à la main, plages artificielles, parasol en feuilles naturelles. Il va bientôt faire nuit et je suis crevé, un peu à bout, j'ai pas fait plus de trente kilomètres, je m'assieds et Francisco s'arrêtera par miracle pour me faire parcourir une centaine de kilomètre ! Il fait nuit, je demande à un vieil homme appelé Joao qui vit dans la dernière maison de ce village avant la jungle si je peux poser ma tente chez lui, il m'invite à un gâteau café, il joue de la guitare alors je sors aussi la mienne, rencontre particulière où le contact se fait grâce à la musique, il est pathétique, vit seul , semble content de me voir mais garde une tristesse infinie sur le visage Pâtes et au lit.

 

28/03/2002 (Brésil) Dépenses : 6 F - Distance parcourue : 100 km

Envie de pain frais, je fais deux fois le tour du Pueblo pour trouver au mercado central le pain, les bananes, petit lait pour le petit déjeuner. Après une heure de stop désespérante, je me pause près du poste de fiscalisation ou Pedro me trouvera pour m'emmener dans son pick-up. Il parle français, a fait des études en France, est vétérinaire, opère les vaches et m'explique que son pays va mal, que les gens ont peur, que beaucoup sont dans la misère pendant que les autres plongent dans la corruption, à force d'avoir trop ouvert sa gueule, il se retrouve plus ou moins sans travail. Il me pause en pleine pampa et je marche maintenant en plein soleil au milieu de nulle part. Un homme m'invite à manger sous le gros arbre devant sa maison un plat de riz, viande, le trafic reste nul. Je reprends la route et Arnaldo me pause à une station service après que j'ai marché presque toute l'après midi à regarder les véhicules qui passent sans s'arrêter. Des gens m'offrent une boisson et une part de gâteau, je crève maintenant de chaud  et la pluie arrive. Je dois gagner l'abri de la station service et comme une vingtaine de conducteurs me refusent un stop en regardant leurs pied ou en ne m'adressant carrément pas la parole, je prends progressivement l'âme du chien galeux que tout le monde rejette Dur pour le moral, en plus la route est fermée maintenant car il y a une réserve indienne à traverser à quelques kilomètres de là. Je pause mon hamac sous l'abri de la station service, pâtes, douche

 

29/03/2002 (Brésil) Dépenses : 30 F - Distance parcourue : 400 km

Mauvaise nuit, camions bruyants toute la nuit, pas vraiment fermé l'œil à partir de minuit quand un chauffeur a garé son camion à trois mètres de mon hamac et est venu discuter avec d'autres chauffeurs qui dormaient avec moi sans que cela ne semble les déranger outre mesure, pour couronner le tout, il avait laissé son auto radio à fond, portes ouvertes... 5 heures, je me lève car je ne veux pas louper le départ des chauffeurs. Déception, je me heurte à la mauvaise foi humaine et je décide dégouté de marcher sur la route avec la lampe à la main en avalant des bananes pour petit déjeuner. A l'entrée de la réserve Waimiri Otroari, je ne suis pas supposé rentrer sans véhicule mais comme il n'y a personne, je fonce. La route devient une piste d'aviation et c'est là que Graciano me chargera à l'arrière de son pick-up après avoir vérifié mon passeport et que je le supplie à souhait. Je goute donc l'air frais matinal alors que lui reste seul dans la cabine. Plus tard, rencontre avec un camionneur en panne à qui je donne des bananes pour qu'il puisse manger le pauvre. Dans le ciel les perroquets crient, passent toujours par deux, couleurs fabuleuses, vertes, rouges, bleues, jaunes, dire que les Européens les gardent en appartement, seul, alors qu'ils sont faits pour vivre en couple, et attachés par la patte alors qu'ils parcourent ici des kilomètres dans le ciel.  Quelle bêtise, quel manque de respect, quel égoïsme... Nous passons l'équateur puis Oscar puis Juliano m'emmèneront à Boa Vista après avoir marché à nouveau 6 heures sur la route déserte. Céréales lait à midi. Je trouve un hôtel pourri à 30 F, pâtes douche ventilateur...

 

30/03/2002 (Brésil) Dépenses : 66 F - Distance parcourue : 200 km

3 jours de stop pour faire 600 km, dur pour le moral, indifférence des 4X4 rutilants, marche de 6 heures au soleil en général de 10 h à 16 h, j'ai bouffé de la terre, sué à souhait... Je décide de m'offrir le petit déjeuner du siècle dans ma chambre / 8 pains frais à la paneria, beurre, confiture, lait frais, oranges. Tout est fermé car c'est Pâques alors je reprends la route sous le soleil avec courage et craintes. Manuel puis Eduardo me pausent à 50 km ou je passe 5 heures désespérantes et épuisantes à attendre l'âme charitable. Epuisé, je me remonte le moral avec des tomates et des oranges achetées ce matin en ville. A la tombée de la nuit, Aulo s'arrête, m'offre des goyaves pendant que l'on passe de la jungle à la grande savane. Il fume de la marijuana mélangée avec de la coke pure, commence à être bien défoncé, il pleut, on ne voit plus rien sur le pare-brise, il a beaucoup d'humour et danse la danse du sexe sur la place d'un pueblo où il troque des noix de coco contre de l'essence pour que l'on puisse continuer la route ! On tombera malgré tout en panne sèche au milieu de la réserve indienne en pleine jungle. On ouvre des noix de coco car on n'a rien à boire , les voitures passent mais ne s'arrêtent pas car les chauffeurs ont peur d'une embuscade. Je m'endors sur la route dans mon sac de couchage, il pleuvote. Aulo est défoncé dans sa voiture, il écoute Zobi  la mouche des négresses vertes...

 

31/03/2002 (Venezuela) Dépenses : 13 F - Distance parcourue : 100 km

Aulo est parti chercher de l'aide à vélo et un copain de Aulo arrive défoncé aux champignons hallucinogènes mais avec 4 litres d'essence ce qui va nous permettre d'arriver à Santa Elena au Venezuela. Lait frais, pain frais un délice, mais tout ici est plus cher. Deux voitures puis un camion qui va tomber en panne alors que les gens étaient super sympas et pouvaient me conduire sur 500 km ! Ils me payent un sandwiche et un coca puis je pars sur la route dans la grande Sabana, un parc national aux montagnes arizonienne, c'est sauvage à souhait, des cascades, fantastiques étendues de steppe. Sur le bord de route, des canettes et des petits oiseaux figés par la mort d'une rencontre brutale avec les véhicules. Super bivouac devant une petite cascade, coucher de soleil, feu de bois, pâtes. Encore une journée de stop éprouvante pour le moral.