JUILLET 2001 Kenya Ethiopie Djibouti Yemen

 

01/07/2001 (Kenya, Ethiopie) Dépenses : 27 F - Distance parcourue : 250 km

Je me réveille d’un coup à l’appel de la prière avec l’inquiétude de rater le départ des camions et de perdre un jour. Il fait encore nuit et j’ai du mal à négocier un voyage vraiment gratuit. Finalement je saute sur un 4X4 susceptible de m’enmener au prochain poste de contrôle à 12 km de là, passage obligé de tous les véhicules. David et Hassan acceptent  finalement de m’emmener à Turbi, localité située à 120 Km. Bonne ambiance matinale dans la Landrover achetée en Ouganda. Après avoir quitté Isiolo et ses volcans auvergnats, notre vue plonge dans le fonds d’un cratère. Petit déjeuner vers 11h avec une assiette de riz pour 4 F ce qui est cher par rapport aux pays de l’Afrique de l’Ouest déjà traversés. Nous passons dans un désert de pierres, parcouru cependant par des nomades et des dromadaires, champ de cailloux monstrueux. Ou vont-ils? Que cherchent-ils ? C’est complètement surréaliste pour moi. Je photographie un groupe d’autruches plus belles que celles aperçues dans les réserves. Je réalise qu’il n’y a pas de soldats avec nous mais, un peu plus loin ils seront cinq dans le camion. La piste est infernale et le bruit est assourdissant. Il faut déboucher plusieurs fois l’arrivée d’essence du moteur en raison de la mauvaise qualité du carburant. Arrivé à Turbi, j’assiste au spectacle du démontage systématique d’un pneu avec sortie de la chambre à air, insertion d’une rustine et remontage. J’aide un chauffeur à remonter les écrous de roue avec une clé et une barre pour faire levier. Tout le monde rigole de me voir faire le clown et distraire ainsi la foule  qui grossit autour de moi. Les femmes ont des tailles de guêpe dans leur pagne à fleurs. Ca sent terriblement la pauvreté mais je ne dépareille pas trop dans le paysage et ca passe. Le camion qui m’emmène est bondé et roule vite car la piste est meilleure. Il faut s’accrocher mais, assis sur un seau avec les pieds dans le vide et le tee shirt gonflé comme une voile, la vue est imprenable…Faune nombreuse : singes,  oiseaux secrétaires, toucans, antilopes, écureuils… J’arrive vivant à la frontière  vers 15 h après 250 Km de piste et je décide de passer en Ethiopie tout de suite et de me reposer dans une chambre à 15 F avant de repartir. Comme c’est dimanche et que les banques sont fermées, je paie en shillings kenyans et m’endors aussitôt.


 Kenya
Ethiopie
Djibouti





02/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 8 F - Distance parcourue : 547 km

Réveil, pain, beurre, lait. Je termine ma monnaie avant de quitter Moyale car c’est le dernier endroit qui acceptera mes pièces. Je traverse la ville qui monte pendant 3 kilomètres en croisant  des gens qui ont l’air sympa. Au poste de contrôle l’officier me dit que je dois retourner à la frontière car je ne suis pas passé au service de l’immigration qui était sûrement fermé ce dimanche. Malgré mes protestations je dois m’exécuter. Le retour s’effectue en minibus puis en moto et c’est ensuite la longue attente pour l’ouverture du bureau puis l’inspection du sac, la déclaration de devises, le contrôle des vaccins…Quelle galère !  A nouveau la traversée de Moyale. A la sortie  il n’y a pas  de trafic. Je change ma pancarte pour Mega, ville à 100 Km Enfin le bonheur après cette dure période : Amari et Assed s’arrêtent avec leur semi-remorque vide et neuf. Ca va vite et c’est confortable. Comment ils continuent vers Addis Abeba, je peux poursuivre ma route avec eux. Ici les contrôles, c’est une corde tendue en travers de la route avec des sacs plastiques attachés dessus pour qu’on la voie de loin. Beaucoup de nomades dans des cases rondes au toit de paille. Prés de la frontière, ils sont presque tous armés et c’est assez inhabituel. Mes amis m’initient à la feuille du Mont Kenya, qu’il faut mâcher puis manger. C’est très vert, ça existe et ce n’est pas terrible. En plaine les champs jaunes sont parsemés de termitières  assez hautes en forme de tronc. En réalité les termitières se forment sur les arbres et les termites migrent après les avoir mangés. La route s’élève progressivement. Les cases, cachées par des bananiers, ont de belles portes sculptées en bois. A l’heure du dîner le toit fume de toute part car il n’y a pas de cheminée. Pour gagner un peu d’argent, Amani prend livraison de cœurs de bananier. Pendant le chargement un homme me fait signe et m’invite à boire le Tégé ou Yellow dans un bar sombre ou une trentaine de consommateurs, très étonnés de me voir ici, boivent un liquide jaune légèrement alcoolisé, composé de sucre, de miel et d’orange. Un moment simple et heureux ou tout le monde est content, malgré nos différences. Des chevaux, les premiers vus depuis longtemps, et des hyènes qui hurlent sur la place, en concert avec les aboiements de chiens, nous regardent pousser la remorque chargée à la nuit tombante. Nous les faisons fuir dans le faisceau des phares du camion. Après 12 heures de route je m’endors dans la remorque sous les étoiles. Comme il fait froid, je sors le couchage en polaire. Les hyènes hurlent sur Awasa.





03/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 16 F - Distance parcourue : 250 km

Je n’ai pas un sou éthiopien, faute d’avoir changé au marché noir à la frontière ou la banque a refusé de changer mes shillings kenyans. C’est la dèche jusqu’à Addis Abeba et ca me fera les pieds. On repart au milieu des lacs avec des cactus et des bananiers autour des cases. On est en plein labour : les bœufs, guidés par l’homme tracent le sillon. Ils sont parfois six laboureurs par champ. Leurs brouettes en bois ont des roues de 10 cms de diamètre et semblent coller sur la route. Nous croisons des coureurs qui s’entraînent sur la route et des joueurs de ping- pong. Nous croisons également de nombreux vélos chinois, assemblés sur place. Ils sont magnifiques et solides avec leurs freins à tringles métalliques et vendus de l’ordre de 350 F. Amari boit un lait caillé froid « urugo » et m’offre un lait de vache tout fraîchement sorti du pis : C’est bon. Arrivé à Addis Abeba il m’offre des sandales et paye mon taxi pour le centre ville et c’est impossible de refuser : Quelle hospitalité ! Il me faut de l’argent éthiopien si je ne veux pas dormir dehors. La banque refuse de changer mes shillings kenyans et me dit qu’elle ne peut prendre mes traveller’s et qu’il n’y a pas de distributeurs dans le pays. Je vais dans un hôtel chic qui me prends mes US traveller’s. Avec 120 F en poche je trouve enfin un endroit à 15 F pour passer la nuit mais sans fenêtre et sans électricité. C’est donc à la bougie que je rédige ses notes.




04/07/2001(Ethiopie) Dépenses : 373 F - Distance parcourue : 0 Km

Réveil, je sors pour acheter du pain (pas bon mais meilleur que le pain de mie kenyan ou tanzanien) du beurre et du lait et un cadenas pour ma chambre. Je me rends à la banque nationale d’Ethiopie, la plus grande, pour changer mes shillings kenyans : rien à faire. Je change un traveller de 500 F pour pouvoir payer le visa de Djibouti. Cette banque c’est un immense cirque à plusieurs étages avec des numéros de comptoir partout. Des piles de dossiers sont entreposées dans les allées. Un nombre impressionnant de cols blancs s’agitent là dedans comme dans une fourmilière, sans trop forcer à première vue. A la sortie je récupère mon opinel et croise sur l’avenue un Pick-up militaire avec sa mitrailleuse lourde chargée de sa ribambelle de balles. Les vaches, couchées sur le terre plein d’un mètre de large au centre de l’avenue sont stoïques au milieu de la circulation. Les hommes se font de grandes accolades pour se saluer et se tiennent par la main. Je prends le matatu pour l’ambassade de Djibouti au sud ouest de la ville dans le quartier bolé. Sur place on me demande une lettre de mon ambassade, située dans le quartier Sidist-Kilo au nord. Je dois revenir pour 11h30 sinon je devrai attendre vendredi pour le visa. Course contre la montre mais le consulat de France ne traite les demandes qu’à partir de 14h ! En insistant un peu, Nadine m’ouvre la porte et rédige la lettre pleine de politesses très drôles à lire et obtient la signature qui va bien : Merci Nadine. Yvon, qui sort du consulat s’arrête et m’emmène à l’ambassade de Djibouti. Deux photos et 140 F. Il faut revenir demain à 14h : En insistant un peu j’obtiens un rendez-vous incertain pour 11h. Je change enfin mes shillings kenyans à l’ambassade du Kenya mais ca me coûte 100 F pour 800 F changés. Un gros problème ce change ! Je rencontre Fanna, une étudiante en Géologie, qui m’invite à déjeuner. Elle m’indique un cyber-café à 45F de l’heure : c’est le prix ici…En revanche la Poste n’est pas chère. Je trouve un bouquin en français «  le rat d’Amérique » de Lanzmann et je fais le plein de bouffe dans la série pas cher (blé, cacahuètes, variété de mil) et un peu de luxe  avec thé et raisins secs. Marartu me dépose au musée national : Je reste en profonde méditation devant le squelette fossilisé de Lucy (prénom de ma fille) ce pré-humain dont le corps s’est enfoncé il y a 3.2 Millions d’années dans les boues du lac de la région Afar, protégé ainsi du soleil, de l’air et des charognards pour une minéralisation lente qui nous l’a rendue intacte aujourd’hui. C’est Donald Johanson qui l’a découverte en 1974. Lucy s’appelle aussi Dinknesh ce qui signifie magnifique. J’ai rendez-vous avec Fanna à 18h. Je rentre dans mon hôtel pourri. La salle est bondée car il y a un match de foot. Derrière la salle un petit couloir sombre qui mène aux toilettes et une cour noire détrempée sur laquelle donne ma chambre. La tenancière qui a bu me redemande de payer ma chambre alors que c’est déjà fait. Je souffle la bougie et soupçonne qu’il y a des puces dans le lit mais je ne vois rien

 

05/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 8 F – Distance parcourue 300 Km

Comme chaque nuit, il a plu beaucoup car c’est le début de la saison des pluies. Comme je quitte la chambre avec mon sac sur le dos, je ne peux pas faire grand chose. Je décide d’aller à l’ambassade  de Djibouti : on ne sait jamais, un élan de pitié pourrait faire accélérer les choses. Arrivé là-bas le gardien me dit d’attendre 11h et me laisse attendre à l’extérieur. Je rédige mon journal et attaque avec patience mon nouveau livre. Enfin vers 11h45 j’obtiens mon visa. Ouf ! Je pars motivé pour visiter Entoto, l’ancienne Addis à 3200 m. Ca monte sec et je termine en matatu. Les femmes  descendent la piste, chargées de bois comme des mules. Vu leur nombre, on peut raisonnablement penser qu’il n’y aura bientôt plus de forêt. Je découvre Mariam Church, église orthodoxe dont la forme octogonale  et les peintures bleues, jaunes et vertes font penser à un manège. Je ne rentre pas car elle est cernée par une foule de vieillards qui psalmodient des incantations. C’est un spectacle déjà vu en ville car, à cette période de l’année un culte leur est réservé. Des femmes pleurent et c’est impressionnant. Un peu plus loin c’est St Raguel Church, toute en blanc et moins envahie. Le site est grandiose car il surplombe la ville : c’est vert et paisible. Je décide de m’imprégner un peu de cette tranquillité et je prends une assez mauvaise piste, sensée rejoindre la route du monastère de Debre Dibanos, ma destination. Je dois avouer qu’à cet instant je ne sais pas à combien de kilomètres il se trouve mais je m’en moque complètement. Arrivé sur la route, à un col, Abdou et Hayat m’emmènent pour 10 Km. Je refuse les 40 F qu’ils m’offrent pour que je puisse me payer un autobus pour la suite et ils sont atterrés de me laisser sur le bord de la route.  Daniel et Nijinu s’arrêtent immédiatement. Ils devaient se rendre en avion à Bahir Dar pour signer un contrat mais il n’y avait plus de place dans l’avion. Là commence un voyage éprouvant. La route qui figure sur la carte Michelin s’avère être une piste dans un état lamentable. Il pleut. Tout est rouge de boue. Les animaux traversent la piste sans arrêt. Mon siège se soulève à chaque nid de poule et la porte avant s’ouvre toute seule chaque demi-heure. Un bus s’est obstiné à rester sur notre file et fait perdre le  contrôle de notre voiture qui glisse sur la boue et se met en travers. Le bus part au fossé en évitant de justesse notre 4X4. A la nuit tombante nous roulons toujours et  abordons une descente vertigineuse dans un canyon creusé par le Nil Bleu qui devient un peu plus loin le Nil égyptien. Mes deux compères se signent avant la descente ce qui ne me rassure guère, d’autant que nous avons une fuite d’huile d’origine inconnue et que le chauffeur n’y voit pas grand chose. Arrivée tardive à Debre Markos ou je dors dans le land rover pendant que mes amis dorment à l’hôtel.

 

06/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 0 F – Distance parcourue 388 Km

Nous reprenons la route à 4h du matin ! La nuit a été bonne mais j’ai les pieds tout mouillés car la condensation sur les vitres a coulé sur mon duvet. Le paysage est toujours semblable à l’Auvergne avec une piste boueuse en lieu de macadam, des cases à la place des chaumières des bœufs et des hommes qui labourent à la place des tracteurs. De temps à autre des carcasses de blindés qui témoignent de la guerre. On croise de nombreux camps militaires qui ne ressemblent à rien : tentes pas alignées couvertes de sacs plastiques ou de bâches de toutes les couleurs. Paysans vendant  leur bazar au milieu du camp. Les militaires sont nombreux car depuis la fin de la guerre avec l’Erythrée ils se sont retirés de la frontière. Le spectacle de la piste est permanent. A Bahir Dar, je ne visite pas le monastère sur l’île du lac Tana car en dehors de la saison touristique le droit de passage en bateau est de 140 F au lieu des 14 F habituels. Il est midi. Le temps de prendre mon petit déjeuner de pain beurré et un camion m’emmène prés d’Addis Zemen. Je marche ensuite 7 km suivi par une ribambelle d’enfants qui m’énervent passablement. Shimelis Haile, président de l’université de Bahir Dar et deux de ses collègues, tous professeurs docteurs m’emmènent à Gondar. Nous passons près du Facil Ghebbi, le château de Gonder. Comme je veux tenter d’arriver ce soir au parc des Simen Mountain pour attaquer tôt le lendemain et bien qu’il soit déjà 17h, je m’aventure sur la route au cas ou un camion passerait. Pas de camion, ni de voiture. Il fait nuit et j’ai marché 20 mn et j’ai mal aux pieds. Je rencontre Grashow et Beyere et négocie en douceur une invitation pour la nuit. Tout le village est déjà autour de moi, notamment un homme armé et passablement ivre. On se rend à la maison de bois et de boue séchée de Grashow par un petit chemin boueux. Tout est vert et paisible. Sa nombreuse famille m’accueille comme un roi. C’est un vrai concert de guitare que je donne devant une trentaine de paires d’yeux écarquillés dans la nuit. Les deux sœurs de mon hôte veulent que je les emmène en France…La maman m’a fait cuire des pommes de terre et me donne un Coca avec l’inguera, grande galette locale. Il pleut. Tout le monde s’endort…

 


07/07/2001(Ethiopie) Dépenses : 3 F – Distance parcourue 177 Km

Je termine l’inguera d’hier et j’attends avec mes amis sous la pluie un camion ou une voiture. Comme ça dure une heure j’achète 4 pains gris et ronds pour le petit déjeuner. Les bus qui passent nous éclaboussent de boue rouge. Je décide de marcher seul sur la route pour susciter la pitié. Je croise tout un tas de gens qui se rendent au marché de Gonder, chargés comme des mules. Au bout d’une heure de marche (décidément je vais en baver aujourd’hui) Salomon me dépose au col qui se trouve à 30 Km avant Dabat. C’est le marché et il y a 5 cm de boue dans toute la rue principale. Je fais gaffe à ne pas glisser dans cette gadoue d’autant que le paysage fait rêver et que je suis à contre courant de la foule qui se rend au marché. Je suis bousculé par un âne un peu débile et j’évite les poules suspendues par les pattes aux deux bouts d’un bâton. Je ne sais pas comment elles peuvent résister à tant de secousses la tête à l’envers. Bien que son camion soit déjà bourré de monde, Vegasto m’emmène jusqu’au parc. Arrivé dans ce site touristique c’est l’enfer : les guides me sautent dessus. Je veux acheter un litre de lait frais proposé pour 2 F et me retrouve en finale avec 3/4 de litre pour 4 F. Après de vives protestations je fais valoir mon droit au litre et au prix…L’enfer continue car il y a encore 20 km pour arriver au parc a lors que sur ma carte c’était tout à coté. Pour emprunter la route il me faut une autorisation du bureau touristique fermé à cette heure. Je prends la route tout de même et je rencontre au bout de 20 mn la voiture du fameux bureau qui me ramène en ville. Là je m’enquiers des tarifs mais il n’y a pas de voiture. Bonne nouvelle quand même : je peux poser ma tente dans l’enceinte. Il me revient à l’esprit quelques scènes de la journée : Un puits entouré de grillage et fermé solidement, ces quatre morts croisés sur la route dans un simple drap, sur un brancard et dont la tête est protégée par un parapluie noir, avec toute une foule qui suit ce simple convoi, un grand malade transporté par ses proches dans une foule qui grouille de partout dans une odeur infecte, un homme qui me baise la main avec un respect inutile… Il m’est difficile de comprendre le sens de tout cela et de supporter les enfants qui me suivent sans cesse comme un troupeau qui regarde une bête curieuse en criant 100 fois « You,  Where you go,  What is the problem,  Where you come from » : Ils ne sont pas méchants mais qu’est-ce que ça peut m’user…Je repense à Grashow qui m’a invité la nuit dernière. Il doit avoir 15 ans et incarne la gentillesse même. Chez lui, j’ai vécu un instant de paradis, j’ai vu des gens heureux qui vivaient sainement au milieu de la nature verdoyante, mais, en lui posant des questions je découvre l’envers du décor : il a fini l’école et ne fait rien de ses journées car il n’a pas de travail. Pour l’instant il aide à construire la nouvelle maison mais elle sera finie d’ici peu. Ici c’est beau mais c’est un bled et je sens, au moment de mon départ sa grande tristesse de se retrouver désœuvré après avoir croisé l’espace d’une nuit l’espoir d’une vie plus palpitante. Je cuisine une espèce de bouillie sans sel et me console sur les raisins secs.





08/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 58 F – Distance parcourue 0 Km

Réveil, pain, beurre. La rosée m’oblige à tout sécher pendant l’heure ou j’attends le gars du parc national. D’énormes corbeaux croassent au-dessus de moi. Des espèces d’ibis bruns de grosse taille et avec une poche sous la gorge picorent dans l’enceinte de la maison des gardes et s’envolent lorsque je sors mon appareil photo. Cela fait un bon moment que je n’ai pas pris de douche, mais ici, comme à addis, il n’y a pas d’eau… Ensuite c’est l’enfer : le type ne vient pas à l’heure convenue et le garde qui a dormi à coté de moi ne parle pas anglais. Je m’énerve tellement qu’au bout de 30 mn il se propose d’aller le chercher chez lui. Comme il me dit d’attendre, je lui réponds que je viens avec lui pour bien mettre la pression. Je traverse le village pour la cinquième fois et on finit par trouver le type. Retour à la maison des gardes : 70 F d’entrée de parc pour 2 jours et 30f de garde par jour. Je fais une croix sur la mule et le muletier à 20F chacun pour porter mon sac. J’achète 8 pains et je bois mon litre de lait frais avant de prendre la route pour le camp de Sankabar avec mon scout Dura. Il s’est fabriqué un sac à dos avec un simple linge entouré autour du cou et des épaules. Il porte sa Kalachnikof pour nous protéger des bandits mais en réalité il me protégera des chiens hyper agressifs à l’approche des cases. Lancers de pierre et et cris arrêtent à peine ces féroces animaux enragés. Nous montons comme des bœufs et je souffre car cela fait un moment que je n’ai pas mis mes chaussures de marche trop petites et mon sac bien chargé de bouffe et de 6 kg d’eau me trucide les épaules. Mon guide me répète tous les 100 m que je devrais prendre une mule et je lui réponds que la mule c’est moi ! Ensuite c’est le bonheur, un instant que l’on sent magique au cours du voyage : nous arrivons sur une crête qui donne sur un cirque qui tombe à pic et où une colonie de babouins se laisse photographier. Nous en croiserons beaucoup et je reste un moment à les observer. Des mâles aux grandes crinières se battent, s’épouillent avec de grands cris. C’est magnifique de les voir libres et sauvages dans ce cadre de haute montagne. J’arrive au camp sur les rotules. Tente puis pain et beurre de cacahuètes, raisins secs, thé. Ca commence à cailler sec et je prends une demi-heure pour mon journal que je termine à la frontale. Soupe et pâtes et au lit de bonne heure car je suis rétamé. Je n’ose même pas retirer mes chaussettes pour ne pas découvrir les trop habituelles ampoules…






09/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 53 F – Distance parcourue 0 Km

Réveillé par une hyène dans la nuit et impossible de me rendormir. Je ne savais pas qu’il y en avait ici et j’étais content de savoir que mon guide ne soit pas loin. J’ai rêvé que lorsque  je rentrais de voyage je retrouvais mes filles mais elles avaient dix ans et j’avais raté toute leur enfance. En fait hier soir j’ai été invité au café et j’ai emmené ma guitare. On a  passé un moment d’échange alors que personne ne parlait anglais. Je suis en retard sur mon programme. Cela m’ennuie mais d’un autre coté je ne me vois pas aller plus vite car il me faudrait alors traverser les pays sans faire de détour pour voir par exemple les Simen montains ou Lalibela (pensée à suivre). Invitation au café du matin : en fait ici le café c’est la tradition avec une dizaine de tasses chinoises empilées les unes dans les autres et séparées par un linge, le tout rangé dans un cylindre d’osier enchapeauté. Les tasses sont ensuite disposées sur une tablette de bois pendant que les grains de café sont pilés avec une barre de fer dans un pilon de bois. La bouilloire fume sur le feu de bois. Nous étions 4, nous voilà maintenant 17 dans cette petite pièce. On ressert le café au moins cinq fois. A chaque fois un nettoyage de la tasse à l’eau, invariablement le même. La première tasse remplie d’eau est vidée dans la deuxième, elle-même dans la troisième et ainsi de suite… c’est ca l’hygiène !  En parlant d’hygiène personne ne semble s’être lavé et ca se sent. Avec le café la galette de blé dans son plateau d’osier. C’est la bonne humeur. En partant on croise 3 meneliks bushbuck, les biches du coin. Ensuite c'est pénible pendant 6 heures car on marche dans un paysage monotone lorsque le brouillard daigne se retirer. Séquence sexe : la traversée d’un torrent déchaîné avec de l’eau jusqu’aux cuisses. Tant qu’à faire j’enlève de l’autre coté le haut et le bas pour un lavage complet au savon s’il vous plaît. Ici c’est l’hiver et l’eau est plutôt gelée. Je suis déçu par le paysage une fois arrivé au camp : des montagnes à vaches verdoyantes. Rien à voir avec les canyons auxquels je m’attendais. Un moment je doute de mon guide et pense que le camp où nous sommes et où sa famille habite n’est pas celui prévu. Café avec toute la famille. Je profite de l’arrêt de la pluie pour installer ma tente en me doutant que la pluie va reprendre. Je confectionne un abri avec des cordes, la couverture de survie et des branches plantées dans le sol. Un vrai Robinson Crusoê. Il se remet à pleuvoir, mon abri s’envole et la tente s’écroule car deux jonctions d’arceau sont cassées. La famille m’accueille pour la nuit. Il y a deux pièces, l’une à vivre, enfumée car il n’y a pas de cheminée. L’autre sert de chambre avec un seul lit commun. Il fait sombre car il n’y a qu’une petite fenêtre sans vitre ce sui laisse passer la fumée du feu de bois mais le froid aussi. Il y a quatre enfants dont un bébé qui a les fesses à l’air par ce froid glacial ! Parfois il hurle et alors sa mère lui donne le sein autour du feu. Les cheveux de la mère sont très habilement tressés et cela ressemble à des fils de laine noirs alignés. Son front est orné d’une croix faite au henné. C’est autour du feu que tout se passe et c’est là que je ressens la misère. Je découvre aussi que les grains de café, avant d’être pilés, sont grillés sur un grand plat à galette. On me sert une bière d’origine inconnue, pressé à la main dans un panier d’osier. Ensuite c’est l’inguéra sur laquelle on verse une purée très épicée. Je dors sur un rebord en béton qui sert de banc. Il est si peu large que j’en tombe pendant la nuit et c’est assez désagréable d’autant que je suis ficelé au niveau du cou par la fermeture du duvet.

 

10/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 53 F – Distance parcourue 0 Km

Je n’ai pas dormi de la nuit et je vomis tout ce que j’ai mangé hier sans savoir si c’était trop épicé ou le résultat d’une hygiène douteuse. Je salue les enfants et notamment la fille de dix ans qui œuvre dans la cuisine et à d’autres travaux d’intendance comme une vraie adulte. A t’elle déjà terminé son enfance pour entrer si vite dans le monde des adultes ? Nous partons, moi et mon gros sac insupportable pour 12 heures de marche. Le torrent à traverser est déchaîné car il a plu toute la nuit. J’ai tellement peur de tomber à l’eau que j’enferme mon appareil photo  dans un sac hermétique. On glisse dans des chemins boueux et Duna glisse. Le canon de sa Kalachnikov est rempli de boue. Je suis affaibli par ma mauvaise nuit et j’ai une baisse de moral : qu’est ce que je fous là ? Je mange 3 raisins secs et je bois l’eau de tous les torrents : il n’y a que cela qui passe. Un moment Duna prend mon sac et me voilà à porter sa Kalachnikov à l’épaule : Que ne faut-il pas faire dans la vie ! On veut faire du stop mais il n’y a pas une voiture : à croire que le parc est fermé ! On attend 2 heures une voiture croisée dans l’autre sens. Une fois dedans le conducteur me demande 50 F. Je refuse alors qu’il reste six heures de marche. Nous nous retrouvons dehors et je retrouve soudainement des forces, comme si ce geste de folie de ma part, cette décision irraisonable m’avait redonné du pep’s. On marche comme des bœufs sous la pluie jusqu’à la nuit. Mon guide a passé son temps à vouloir que je m’arrête pour me taxer d’une journée supplémentaire à 30F. A une demi-heure de l’arrivée, pataugeant dans la boue et la nuit, on s’arrête chez des paysans qui nous accueillent dans leur hutte. Elle est haute et il y a un étage pour dormir. Je dors dans la, cuisine salle à vivre sur de la paille, des bottes boueuses, des outils de labour. Sous la hutte des chèvres et trois chevaux qui pisseront allègrement toute la nuit. J’avale un peu de blé grillé en grain, un peu d’inguera avec une purée de verdure indéterminée. Je m’écroule de sommeil, courbatu, dans cette atmosphère enfumée et au milieu des animaux.

 

11/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 14 F – Distance parcourue 227 Km

Réveil. On libère les chevaux qui se baissent pour passer sous la porte pourtant très basse. Je contemple de mon duvet les branches qui convergent vers le sommet de la hutte sur le grand tronc central. Nous arrivons une demi-heure plus tard et mon guide refuse de me lâcher car il veut les 30F de la journée d’aujourd’hui. Je ne cède pas et on se quitte( ou plutôt je le quitte) fâchés. Depuis que j’en rêve j’achète mon litre de lait frais et des petits pains blancs. Je termine le beurre en marchant vers mon destin sur la route détrempée. Ma technique : Quitter le bled au plus vite et larguer les mangeurs de touristes qui veulent vous vendre un bus ou un hôtel ainsi que la horde des jeunes qui n’ont, semble t-il jamais vu un blanc de leur vie. En outre sur une route désertique les gens s’arrêtent mieux qu’en ville. Un jeune me dit  que je devrais prendre le bus car il y avait plus loin un barrage ou l’on me volerait tout : conneries. Guettacho s’arrête avec son camion et nous conduit à 15 à l’heure dans une descente vertigineuse, aperçue deux jours plutôt depuis le haut. Sincèrement, j’ai peur à chaque virage. C’est profond et il y a des épaves de camions dans le ravin. La route n’a pas de rambarde et le camion  est chargé à bloc, poussé par sa remorque. On met deux heures pour faire 30 km et on finit par casser le différentiel. On vide l’huile et des dents d’engrenage tombent. Il faut retourner à Gander à 140 km en arrière pour trouver des pièces. Pour moi c’est foutu mais, au bout de deux heures d’attente,  je retrouve Tamesguen et son Isuzu rempli de chèvres. Me voici au-dessus des chèvres accroché dans chaque virage. On fonce et je passe dans la cabine à la nuit tombée. Nous voici partis sur une piste infâme jusqu’à minuit. Je rêve de fruits et je mange deux gâteaux. On croise des belettes de plus d’un mètre, des lièvres, un singe blanc et noir, des hyènes. Arrivée surréaliste à Axum après des heures pour faire 227 Km. Hôtel à 10 F ou je lave des affaires à minuit car je n’ai plus un tee shirt propre et repas de spaghettis sans sel.




12/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 35 F – Distance parcourue 242 Km

Douche, thé. Comme il a plu toute la nuit le linge que j’avais étendu sur le fil dans la cour est trempé. Il y a plein de choses à voir à Axum mais je n’ai pas le temps et je préfère aller au plus vite sur Lalibela. Je refuse de payer 60F pour les sites archéologiques ainsi que 70F pour la vieille église ce qui ne m’empêche pas de tourner autour et d'admirer les obélisques étranges de 33 mètres faits d'un seul bloc de pierre. L'un d’entre eux se trouve à Rome, ramené lors de la présence italienne en Ethiopie il y a 60 ans. Il va bientôt retourner chez lui mais il va falloir le couper en trois tronçons pour le transport. J’achète du pain mais il est impossible de trouver du beurre ou de la margarine. J’achète pour 1F cinq figues de barbarie et je fais recoudre la housse de la guitare. Je me procure deux clous pour réparer les arceaux de ma tente mais il faut que j’en scie la tête. Himikael me conduit à Adwa sur son chargement de bois et je trouve aussitôt Mickael qui me fait parcourir 153 km dans un paysage digne des westerns (voir photos). On longe la frontière avec l’Erythrée qui se remet à peine de longues années de guerre. Des enfants font claquer leur fouet à notre passage et c’est fou ce que je rencontre de tee shirt Titanic ! Cette région est le pays des monastères juchés sur des montagnes avec l’église orthogonale classique entourée d’une enceinte. 90% de la population est orthodoxe et les monastères sont vraiment nombreux et occupés par des religieux qui vivent essentiellement de dons déposés sur le bord de la chaussée par les routiers. J’arrive à Adigrat  sous la bâche de la benne avec quelques compagnons d’infortune car il pleut comme jamais. Je suis trempé et je partage l’inguera dans l’humidité avec Mikael. Je suis invité comme partout en stop et encore plus en Ethiopie. Fisshae, ingénieur en bâtiment qui vient de réceptionner une nouvelle école me conduit à Mekele dans son 4X4, plus rapide qu’un camion. Il est 18h et je décide de continuer. Zilma m’enméne à 10 km de là et me pose à l’hôtel (10F) puis disparaît. Je ne sais pas si je vais le revoir demain matin à cinq heures pour aller à Weldiga car il s’est évaporé après l’hôtel. Quel bonheur ! Je trouve de la confiture à 13F pour agrémenter mon pain sec et j’achète des oranges. Vous me direz que la confiture c’est du luxe pour la vie que je mène mais qu’est-ce que ca fait du bien par ou ça passe.

 

13/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 2 F – Distance parcourue 252 Km

Réveil  à 5 heures au chant du coq et peut être au bruit des premiers camions qui passent. Pain confiture et me voilà sur la piste à marcher au lever du soleil. Six camions passent sans pitié devant moi. C’est bizarre, vais-je perdre le moral, ce lever matinal pour rien ? Gaber hiwat me prend enfin dans son camion benne. Je vais progressivement sombrer dans la déprime car on se traîne et les autres camions nous doublent. Ai -je misé sur le mauvais cheval vapeur ? La piste est infernale et il y a des travaux partout. Nous observons la nouvelle route magnifique que construisent les Chinois et qui longe notre piste. Le chauffeur ne parle pas un mot d’anglais mais il est super gentil. Comme toujours en stop la relation s’établit petit à petit. Il m'offre des figues de barbarie achetées sur la route à des fillettes qui se jettent par grappe sur le moindre camion qui ralentit. De jeunes garçons attrapent les figues dans les cactus avec un bâton muni à son extrémité d’une boite de conserve. Comme tout est mouillé ici, les gens vont pieds nus ou en bottes ou sandales plastique sur lesquelles les coutures factices sont moulées. A midi, sous la pluie, je protége mon sac sous la bâche et saute directement du camion au restaurant. Mon chauffeur m’offre des spaghettis bolognaise et deux pains. En retour je lui offre le café. On repart en traversant une région montagneuse. Comme l’eau s’écoule mieux, il y a moins de nids de poule et l’on va assez vite. On croise des dromadaires et des enfants jouent avec de petites voitures en fil de fer ou avec de simples roues poussées à l’aide d’un bâton. On se retrouve dans la plaine et çà se sent car la température dans le camion est devenue infernale. Je mets ma tête à l’extérieur pour profiter du vent. Les vaches ont des cornes gigantesques. On arrive enfin vers 18 h à Weldiya, soit une journée pour 252 Km. Selon mon habitude, j’évite les types qui veulent me fourguer une chambre ou un bus. Je marche jusqu’à la sortie de la ville et il n’y a plus que quelques cases. La nuit approche et un vieillard m’aide à faire fuir la trentaine d’enfants qui me suivaient malgré mes menaces verbales et quelques jets de pierre. Je négocie en douceur une nuit chez ce vieil homme qui semble très content et fier d’amener le blanc chez lui. Dans un endroit paradisiaque je découvre les trois maisons rustiques de toute la famille avec autour des vaches et des chèvres. Ici il  y a les deux grands-pères, 3 fils, une fille et la mère. Demile, Bitchar et Agawe. On m’offre la tale (bière) et l’inguéra national que je trempe dans un jus de viande de chèvre très épicé. Je dors dans mon duvet sur un rebord couvert par une peau tannée.


 

14/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 16 F – Distance parcourue 115 Km

Réveil au cri du coq. Je dis au revoir à cette famille si gentille et patauge dans la boue pour rejoindre la route. Je dois nettoyer les 5 cm qui recouvrent mes sandales avec mon opinel. Je marche un bon moment en mastiquant des grains de blé en guise de petit déjeuner. Geitenet m’emmène dans son 4X4 et coupe avant Dilbe par une piste abominable. J’achète six bâtons de canne à sucre de 30 cm chacun pour un franc. Geitenet me laisse 30 km avant Lalibela en me certifiant que la piste défoncée que j’ai devant moi est bien la nouvelle route bitumée dont j’ai entendu parler. Je traverse deux villages avec un cortège d’une trentaine de jeunes qui me suivent en braillant. Il n’y a pas une voiture et je sens que je ne suis pas du tout sur la nouvelle route  et que je vais devoir faire à pied les 45 km et non 30 qui me séparent de  Lalibela. Je marche donc toute la journée en passant trois vallées mais le sac est lourd et je n’avais pas prévu cela. Je passe deux torrents à gué et commence à comprendre pourquoi ils aiment les sandales en plastique. Je coupe la route par des chemins de montagne et la perds pendant deux heures. Je n’ai pas de carte mais heureusement il y a du monde dans ces montagnes. Un orage arrive comme chaque après-midi et malgré la cape de pluie, je suis trempé en glissant sur les pentes boueuses. J’arrive épuisé sur la fameuse route bitumée et je me suis fait bien avoir ce matin. Je fais du stop et c’est un bus officiel qui m’emmène gratos pour les cinq derniers Km. Chambre négociée à 8F et un repas réparateur avec 4 pains, thé et confiture, puis - je me suis enfin décidé à ce luxe - spaghettis « avec sel ». Je vis simplement et sais apprécier ces plaisirs modestes. Je repense à tous ces panneaux croisés sur la route qui indiquent les différents programmes d’aide : nourriture et eau avec l’Allemagne, recherche agricole avec le Japon… Je pense aussi que personne ne m’a donné son avis sur mon journal et j’invite donc ceux qui le veulent à me dire ce qu’ils feraient à ma place, s’ils voient le voyage autrement, s’il faut développer un thème en particulier. Enfin, bon… histoire de ne pas être seul devant mon papier mais être plusieurs à construire ce voyage. Alors à vos ordinateurs et je vous invite à exprimer sans gène votre opinion et vos  idées.

 

15/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 136 F – Distance parcourue 130 Km

Seau d’eau fraîche dans le WC pour une douche. Je laisse le sac à l’hôtel et pars visiter Lalibela. Pour 100 F d’entrée, pas de plan et pas d’info ! Lalibela a été redécouverte en 1520 par Alvares, un prêtre portugais. C’est un ensemble de 11 églises taillées d’un seul bloc dans la pierre volcanique. Elles ont été creusées  au 12e siècle, les unes après les autres et sur une durée de 23 ans. A cette époque, le roi d’Ethiopie, Dalibela, canonisé par la suite, aurait reçu un message du ciel pour créer cette nouvelle Jérusalem. Aujourd’hui c’est 300 prêtres qui œuvrent chaque jour à 2630 mètres d’altitude. Comme c’est dimanche, une foule de fidèles, tous en blanc, prient autour de l’église. Je m’approche de la porte ou des hommes me font signe d’attendre. Ils embrassent le seuil de la porte, qui ouvre sur des marches creusées dans une roche rouge. C’est un travail impressionnant ! Sur un autre coté, ce sont les femmes qui attendent. J’aime ces moments de calme et de profond respect ou je suis à l’écoute en restant le plus discret possible. Nous restons ainsi une demi-heure à écouter les chants qui filtrent par la porte. Au tintement de ce qui me semble être une cloche, tous se prosternent à se démonter le dos. On rentre. Peu de lumière. Tout est taillé dans la masse volcanique : arches, murs, piliers, petites fenêtres en forme de croix. Au centre des hommes en quadrille chantent dans un style assez monocorde, proche de celui des moines tibétains. C’est chanté en Geez, langage théologique qu’aucun des fidèles ne comprend, accompagné de sons de cymbales et de tambour. Nous avons retiré nos chaussures. Je suis pieds nus sur les nombreux tapis, décorés de lions et de girafes, qui sont au sol. Je reste là une bonne heure car je préfère cette ambiance de foule à celle des musées ou des édifices sans vie. Dans un angle, un diacre sert du thé dans des petits gobelets en argent. Dans le chœur décoré d’images pieuses, l’arche d’alliance et les tables des dix commandements remis à Moïse, sont cachée derrière des tentures. Il y a une copie de cette arche dans toutes les églises d’Ethiopie et un grand mystère plane toujours sur l’endroit ou se trouve l’original : Axum, Jérusalem…La musique atteint un paroxysme et c’est beau et poignant à la fois. Les mains frappent dans les mains et les tambours les accompagnent. Le prêtre arrive dans son habit rose et vert criard aux broderies dorées. Les chants se sont tus et les cannes des prêtres rangées. Le prêtre fait l’imposition des mains aux chanteurs, puis aux fidèles. Dans un angle un prêtre applique une croix en or de 7 kg sur le corps des fidèles qui veulent être bénis ou guéris. Cette croix d’époque avait été volée il y a quatre ans par un Ethiopien, de mèche avec un Belge. Ils sont en prison et la canne est revenue entière. Dans une allée et sous un parapluie rouge vif brodé d’or, un prêtre lit le livre sain. Ce dernier est ensuite drapé dans une étoffe que chacun s’empresse d’embrasser. Ce dimanche matin religieux restera inoubliable. Je sors de l’église avec un groupe de touristes belges. Le guide de l’agence Continent insolite m’accepte avec ce groupe et nous visitons les autres églises. On découvre les bassins de fertilité, les fonds baptismaux, le tombeau du roi Lalibela. Je me régale dans ces passages étroits et parfois souterrains qui mènent aux différentes églises. On termine par Saint Georges, dernière église construite et la seule en forme de croix que l’on peut photographier de haut car elle n’est pas couverte par une structure de tôle ondulée. Elle figure sur toutes les affiches touristiques. Désolé, j’ai été un peu long mais ca m’a paru intéressant. Ensuite marche d’une heure jusqu’à ce que Balcha, ingénieur du réseau routier, m’achemine jusqu’à Weldiya cette fois par la nouvelle route. Nous buvons l’Aréke, alcool de blé,  ainsi que la bière et l’inguera offerts par mon ami. Nous dormons dans le même hôtel (12F) car demain il m’emmène à Kembolcha, ville transit pour Djibouti. Il m’a dit que je ressemblais au Christ quand il m’a vu sur le bord de la route. A l’arrivée à Weldiya, je suis salué par deux jeunes qui m’avaient vu passer deux jours plus tôt.


 

 




 

 

16/07/2001 (Ethiopie) Dépenses : 68 F - Distance parcourue : 150 Km

Réveil 5 h au chant du coq : je recopie des chansons de mon carnet de chant en recto-verso ce qui me permet de réduire le nombre de pages et donc son poids. Pain, margarine confiture ; le must ! Après l’attente est  pénible. On part vers 10h. lait chaud offert par mes amis. Il y a 3 cm de sucre au fond de la tasse. Sur la route de nombreuses carcasses de chars d’assauts qui témoignent d’une guerre passée. Certains hommes ont des tignasses à la James Brown. C’est assez marrant de voir de telles différences de race en quelques kms. Mes amis me posent à Kembolcha. J’attends l’ouverture de la poste pendant une heure pour envoyer mon journal mais également renvoyer mes chaussures de marche trop petites. Je peux le faire car la poste est donnée en Ethiopie. Contrairement à ce qui m’avait été dit à Weldiga, les employés refusent de me les prendre et me disent d’aller à Addis Abeba ! Je fais 18 photos d’identité pour 31 F pour être tranquille pour les futurs visas. Je marche pendant une heure avant que Mathias ne m’emmène à 30 km de là. Il m’offre en prime Coca, Inguera et purée d’œuf. Je trouve une chambre à 8 F et me fais un plat de spaghettis pour le dîner. Un homme entièrement nu invective les passants dans la rue. Spectacle fréquent de la misère en Afrique. Je m’endors en pensant que la journée n’a pas été passionnante ni sur le tourisme, ni sur le stop.

 

17/07/2001 (Djibouti) Dépenses : 35F – Distance parcourue 317 Km

Je suis réveillé à 5 h par le frère de Mathias qui tient sa promesse et m’emmène dans la nuit à Dogia alors qu’il va sur Djibouti mais il a peur de la douane, coté Djibouti. On traverse l’Afar. Au début ce sont des vallons très secs et l’on oublie vite la fraîcheur et la verdure d’où l’on vient. On croise un grand nombre de pintades ainsi que les premiers Afars dont le pagne-robe me rappelle celui des Massaïs. Ensuite c’est la plaine désertique. A midi je sens que je n’ai pas pris de petit déjeuner et j’achète deux pains que j’engouffre aussitôt avec de la margarine et de la confiture. J’achète aussi des oranges et un sac de toile de jute pour coudre autour de mon bidon d’eau. C’est la manière africaine de tenir l’eau au frais une fois la toile mouillée. Abuhay s’arrête avec son camion bien que je n’ai pas tendu ma pancarte car il avait l’air de ramer. Il parle anglais, m’offre un thé et partage l’inguera ( viande de mouton ) avec moi. Le paysage est désertique, je transpire de partout, je bois énormément. En une journée on a radicalement changé de climat. On croise des centaines de dromadaires souvent en troupeau ou dans des mirages qui donnent un caractère surréaliste au voyage. Je ne compte plus les carcasses de pneus qui jonchent le bord de la route. Abuhay me laisse à la frontière éthiopienne avec la peur au ventre que je dise aux douaniers qu’il m’a pris en stop. Celui qui m’accueille transpire à grosses gouttes dans sa cahute de branchages et se révèle fort aimable. Quel contraste avec l’entrée dans ce pays à Moyale. Je quitte ainsi le pays qui détient le record de troupeaux de bétail ce qui explique qu’ils encombrent souvent les routes mais comment se nourrissent-ils ? Le douanier demande à Yeheyes, chauffeur qui passe, de me conduire au poste de douane de Djibouti à 3 Km, car la chaleur est mortelle à cette heure de la journée. Ensuite c’est Awah, qui ne parle pas un mot d’anglais, qui me fait traverser un désert magnifique avec une paroi de style grand canyon à gauche et un lac asséché de l’autre coté avec une fine croûte blanche sur l’étendue de sable rouge. Awah me largue sans explication à Yokobi ou je trouve un hôtel gratuit. Pour la forme je dîne d’un sandwich à l’omelette dans l’hôtel. La chambre, c’est un carré de sol vide. Je m’endors sur la natte à même le sol mais vers 22 h on frappe à ma porte. Moussa, le patron de l’hôtel accepte de me conduire à Djibouti maintenant. Le temps de manger un peu, de liquider ma monnaie éthiopienne pour de la vache qui rit, des piles et du fil.

 





 

18/07/2001 (Djibouti) Dépenses : 758 F – Distance parcourue 176 Km

Je passe la nuit à l’arrière du minibus ou j’arrive à dormir malgré les secousses de la piste et l’odeur insupportable des dix bidons d’essence qui encombrent le couloir. Le lendemain je retrouverai ma carte tombée de ma poche et baignant dans l’essence. A 6 h je suis largué dans Djibouti qui s‘éveille. Direction la plage à 10 m ou déjà beaucoup de monde s’active car les bateaux de pécheurs arrivent. Après le petit déjeuner je discute avec un type qui me dit que les hôtels sont chers et que je peux dormir dehors. En effet les rues et les plages sont encore pleines de gens qui se réveillent sur leur carton, voire sur un lit posé dans la rue. Beaucoup de mendiants dans cette ville. Je fais un tour pour la découvrir et je trouve l’hôtel Gohard, un lieu de rendez-vous à 100 F la nuit avec ventilateur au plafond, clim, douche qui coule vraiment, cloisons en contreplaqué qui laisse passer les doigts de pied des voisins et un gros rat qui me souhaite la bienvenue à l’entrée. 100 F, c’est mon budget déjà grillé pour la journée. Je change mes billets éthiopiens dans la rue car les banques n’en veulent pas et je trouve un distributeur de carte Visa. Je pars ensuite à la chasse au visa auprès des ambassades. Contrairement à ce que l’on m’a dit à Addis, pas de consulat d’Oman à Djibouti. Il faut donc que je passe par le Yemen ce que je voulais éviter en raison de l’insécurité qui y règne pour les touristes. En poussant fort j’obtiens le visa pour ce pays contre 440 F. j’apprends par la suite que je peux aller en Arabie Saoudite si j’obtiens une lettre de l’ambassade de France. Sitôt su sitôt fait mais le consul est nouveau et doit attendre samedi pour me faire ce courrier. J’annule donc l’idée pour le moment. Quatre heures d’Internet pour envoyer mes 75 photos, avec une heure gratuite mais c’est quand même 150F ! Il est 19 h : j’achète du pain et des pommes pour 39F. Ce ne sont plus les mêmes prix qu’en Ethiopie. Je m’endors vite dans l’hôtel silencieux et j’ai même froid au milieu de la nuit.  

 

19/07/2001 (Djibouti Dépenses : 105F – Distance parcourue 0 Km

Petit déjeuner habituel : Je plie bagage rapidement car je veux passer au port pour trouver un bateau pour le Yémen. On m’annonce un prix de traversée de 500 F et je retourne donc au distributeur. Je marche pendant 3 km et trouve une voiture pour terminer qui me conduit à l’entrée du port. A l’entrée on montre son passeport puis on est largué dans un bordel sans nom. Des camions, des allées, des rond-points, aucun bateau officiel. Seules des coquilles de noix en bois, style boutres, pour aller au Yémen ! Pour comble, et manque de chance en ce moment il n’y en aura que samedi, soit dans trois jours. Comme ca ne me convient pas je me rends à la capitainerie ou Mohamed veut bien m’indiquer les 3 cargos qui partent aujourd’hui. Je pars ensuite sur les cargos pour 3 heures de rencontres, de négociations avec les capitaines mais sans succès. L’un va finalement en Egypte, l’autre ne veut pas. Le dernier, le capitaine Sangoun, m’accepte gratuitement mais son bateau ne part que samedi sans être sur de faire escale au Yémen. Dans un port immense aucun bateau ne va sur le Yémen avant samedi : je suis abattu ! Je rentre en ville avec un gendarme qui m’indique un hôtel sans clim, loin du centre mais avec ventilateur pour 50F. Un exploit ! J’achète au marché un kilo d’oranges à 5F, un kilo de carottes au même prix, du couscous et de l’harissa ; j’en ai un peu marre de mes mauvais repas. Cette ville agitée n’est guère moderne : tout est vieux, sale. Un jeune veut m’acheter mes chaussures, portées à l’épaule car je veux les vendre. Il veut partir avec et revenir me payer : je rêve…Il me prend pour un mongol. Après mes emplettes je suis fatigué, me prépare le couscous et je dors dés 21h.


20/07/2001 (Djibouti) Dépenses : 82 F – Distance parcourue 0 Km

Réveil pour une journée sans but. Pain, margarine, confiture, orange, lait…Je déambule dans une avenue ou le petit commerce fleurit, bien qu’aujourd’hui, jour de prière, les magasins sont fermés. Djibouti n’a que 100 ans : c’est une ville neuve. Je peux lire sur une banderole « fêtons le 24e anniversaire de notre indépendance avec éclat et joie »  et un peu plus loin « un seul rapport suffit pour être infecté par le virus du Sida » ou encore « évitez les rapports sexuels avec une personne de rencontre occasionnelle ». Un vent sec et brûlant, le Khamsia, souffle et dure tout le mois d’août. S’il continue demain les boutres ne partiront pas. Je discute avec trois gendarmes de mon tour du monde. Ils m’expliquent que c’est un avion en provenance d’Ethiopie qui livre chaque jour le qât, drogue douce que l’on mâche et  que l’on voit partout dès l’arrivée de l’avion. Je décide malgré le vent d’aller voir à l’escale s’il y a des plongées. Je rencontre Vicente qui m’invite avec son groupe à partir pour la journée sur les îles Musha dans le golfe de Tarjourah. La mer est magnifique bien qu’un peu démontée et je suis  trempé. Je réalise un de mes rêves car à dix mètres du bateau un ban de trente jeunes  dauphins nous croise. Je ne prends pas de photo car c’est trop court et mon appareil est à l’abri de l’eau. On arrive enfin sur une plage de rêve au sable fin et blanc, bordée de palétuviers.  J’enfile palmes et masque mais l’eau est trop trouble à cause du vent. Mes amis me font partager leur pique-nique car je n’avais rien prévu pour cette sortie improvisée. Vicente me parle du gouffre des démons, le Goubet ou le commandant Cousteau aurait tourné un film sur de monstrueuses bêtes sous-marines et qui ne serait pas encore sorti. Si vous voulez plonger avec Vicente : http://www.dankali.com. Moi qui comptais passer la journée à lire dans ma piaule ! Je retourne acheter des oranges à la même femme qu’hier. Elle s’intéresse à mon voyage… A l’hôtel il y a un grand frigo et j’en profite pour y mettre mes deux bidons d’eau. La recherche d’eau fraîche, c’est un instinct ici. C’est tout ton corps qui te fait chercher le frais. Carottes, oranges, thé, dodo…

 

21/07/2001 (Djibouti) Dépenses : 88 F – Distance parcourue 0 KM

J’achète du lait frais à la boutique locale et cinq baguettes de pain à un 1 F pièce comme en France et qui sortent du four. Retour à la chambre pour le petit déjeuner. Je passe à la Compagnie maritime Massida pour vérifier si le cargo du capitaine Sandoum part ou non pour le Yémen. Ils ne savent pas. Après le plein d’essence pour mon réchaud je prends la direction du port. Le sac est lourd et le bateau ne part que dimanche, peut être. Je déprime un peu car la liberté à laquelle j’ai goûté pendant trois mois se trouve subitement altérée. Je suis scotché à Djibouti et il n’y a pas d’autre solution que d’attendre. Je passe à l’ambassade d’Arabie Saoudite qui me confirme que je peux obtenir mon visa dans la journée et je donne passeport, photo, lettre. Je dois revenir à 13h avec les 500 F. Je vais chez Vicente qui m’avait proposé une chambre dans le club de plongée Dolfin en centre ville. C’est là que je vais dormir à coté des blocs de plongée et des palmes. Je retourne à l’ambassade pour m’entendre dire que la lettre de l’ambassade de France ne précise pas le motif de mon voyage et que je dois y retourner lundi. En outre les visas ne sont délivrés qu’aux voyageurs munis de billets d’avion et on me conseille d’aller à l’ambassade du Yémen. Je pars dégoutté…L’Arabie Saoudite, ce n’est pas pour demain. Je reste sur mon lit toute l’après midi à lire un « autrement » passionnant sur la corne d’Afrique et d’autres sur Djibouti. Je profite de l’ordinateur de Vicente pour calculer fin juin ma moyenne journalière kilométrique, soit 187 Km et ma moyenne journalière de dépenses, soit 87 F. Couscous thé et je m’endors sous le ventilateur au plafond.

 

22/07/2001 (Djibouti) Dépenses : 307 F – Distance parcourue 200 Km

Je fais des photos de Djibouti, inspiré par un beau livre vu la veille. Vicente m’emmène au port dans sa Land Rover. Après quelques mots aimables au gendarme de service nous sommes à l’intérieur. Bonne nouvelle. Il y a un boutre aujourd’hui pour le Yémen mais j’ai du mal à le croire. Le coût de la traversée augmente de 20% mais je serai nourri… Je laisse non sans inquiétude mon passeport à un officier de police, c’est la procédure. Il doit me le rendre au moment du départ du bateau. On m’amène sur un plateau une grosse quantité de riz épicé avec des morceaux de viande que je mange avec mes doigts. Le boutre, c’est le dhow dans l’océan indien. Aujourd’hui ces grosses coques de bois ont perdu leur voile triangulaire au profit des moteurs Diesel. Le mien est un sambouk, navire à tableau de poupe typique de la Mer Rouge. Pour la construction, ni architecte, ni plan. Ces bateaux appareillent à la faveur de la nuit et ont gardé l’authenticité du nomadisme maritime. Ce sont eux qui évacuèrent les populations étrangères d’Aden lors des guerres entre les deux Yémen. Je quitte le continent africain avec émotion en me rappellant toute l’attente nécessaire pour parvenir à ce départ : « Il faut vraiment la patience de Job pour mener à bien quoi que ce soit dans ces maudits pays » écrivait Rimbaud et il avait bien raison. Sur le bateau rencontre avec Abdou et Ahmed qui incarnent la gentillesse du Yémen. On nous fait descendre sur le pont car la partie haute sera finalement réservée aux femmes. C’est fou le moment de bonheur que peut procurer un départ en bateau. J’observe la mer jusqu’à la nuit, assis en équilibre précaire sur le rebord en guettant d’éventuels dauphins. Pendant ce temps tous mâchent le qât. Le bateau longe la cote Obock Khôr Angar pour s’engouffrer dans Bab El Mambed et arriver à Al Mukha. Au clair de lune ils pèchent un thon de bonne taille dans un ban visible de la surface. Le cuisinier me prend comme chouchou et je mangerai avec lui et dans le même plat mon morceau de baguette trempé dans une soupe de légumes épicée. Après le thé je m’allonge tout habillé et sans couverture ni drap sur le plancher de bois entre deux yéménites.






23/07/2001 (Yemen) Dépenses : 32F – Distance parcourue 366 Km

Réveil vers 5 h la figure sacrément enfarinée par manque d’eau. Les toilettes, c’est une caisse en bois qui est fixée sur le coté du bateau, un simple trou dans les planches donne sur le bleu de la mer rouge. Comme ca fait un mètre de hauteur il faut y entrer accroupi. Une partie des voyageurs de cette galère vomissent tout ce qu’ils peuvent malgré les petits citrons vert distribués généreusement. Il y a une chèvre dans la cale et le cuisinier s’affaire à découper une jambe de mouton attachée par une corde à l’avant du bateau. Comme tout le monde je vais me régaler de ces morceaux de viande bouillis dans une soupe ou l’on trempe son pain en guise de petit déjeuner. Il n’est pas encore sept heures du matin. Le capitaine sur le gaillard arrière se fait servir comme un prince et gueule souvent. J’emprunte un guide du routard à un yéménite et je lis un peu le Coran en français/arabe. Arrivée à Al Mukha en plein soleil vers dix heures sur un quai loin de la ville. Une fois appelé avec son passeport on peut descendre sur le quai mais le passeport est rendu 800 m plus loin au service de l’immigration. Faute de prendre une moto-taxi pour m’y rendre je transpire à mort.  Je dois vider mon sac devant le douanier et je repars pour changer mon pécule de Djiboutiens en Riab ( Abdou m’a donné le cours ). Je fais écrire sur ma pancarte  par un yéménite  TAIZZ  en arabe pour reprendre le stop en pleine chaleur. Un type s’arrête et repart car il veut du pognon. Un autre m’emmène à Taizz et paye un bus qui me fait traverser la ville. Je ne voulais pas mais il m’a littéralement poussé dedans. Impossible de connaître son nom car nous n’avons pas de langue commune. Après un paysage désertique ou l’on croise des dromadaires  ainsi que des autochtones sur de vielles motos avec leur Kalachnikov en bandoulière. Nous voilà au frais dans les montagnes. Je marche beaucoup : le stop est dur. Il n’y a guère que des Taxis Toyota avec plateau à bétail à l’arrière. Deux d’entre eux m’emmènent gratos à Ibb. Il est déjà tard et il reste 200 Km pour San’a ou je souhaiterais être tôt demain pour voir les ambassades. Je continue donc le stop. Il pleut un peu et je ne suis pas sur la route principale. Ahmou et Ahmed s’arrêtent et me demandent combien je paye. Je leur réponds zéro et ils ne comprennent pas car pour eux ca n’existe pas. Ils décident de m’emmener sur la route principale puis ensuite sur la moitié du trajet et enfin jusqu'à San’a ! Eau, gâteau, pain, thé : ils m’ont tout payé avec insistance. Il fait froid. On monte dans un paysage magnifique et la pluie qui tombe crée des torrents impressionnants de boue rouge. Cette pluie provoque des inondations dans les villes. Celles ci sont immenses par rapport à celles d’Ethiopie. Les barrages de police sont nombreux. Je me suis endormi dans la voiture et j’émerge vers 22h à l’arrivée dans la ville. Je trouve vite un hôtel à 30F et au lit.


Yemen


 


24/07/2001 (Yemen) Dépenses : 42F – Distance parcourue 0 Km

Petit déjeuner et douche chaude. Je prends un minibus direction ambassade de France. La communication est bougrement difficile : anglais de temps en temps. Il faut aborder les hommes en cravate ou les jeunes mais ils sont peu communicatifs et semblent peu motivés à vous aider. A l’ambassade il me faut attendre 9 h pour avoir une lettre et je décide de m’en passer et de filer directement à l’ambassade d’Arabie Saoudite. J’hallucine car il y a au moins 200 personnes qui attendent. Ceux qui approchent trop près de la porte sont aspergés d’eau par un soldat. Je me sens fichu parmi cette foule et mon cas va être difficile à plaider. Privilège du blanc, on me fait entrer dans les premiers. Attente infernale, un type me dit non, un autre me réclame la lettre de mon ambassade avant 11h et il est 10h. arrivé là bas on ne peut me faire la lettre car le traducteur est parti. On m’informe que l’Arabie Saoudite  a l’habitude de faire tourner les gens en rond jusqu’à ce qu’ils désespèrent et renoncent et on me conseille de miser sur Oman. J’y file et pars pour une longue attente bien que je sois seul. Le Consul arrive, pas franchement sympa. Il me dit que j’aurai mon visa samedi, soit dans quatre jours, et que je dois remettre un formulaire tapé à la machine. Il croit peut être que j’en ai une dans mon sac. Je dois revenir demain car l’ambassade ferme et on me le fait bien comprendre. Après cet épisode folklorique j’achète des bananes à un épicier qui est en train de manger des pains ronds trempés dans une soupe de légumes et de riz à même le sol de sa boutique avec deux enfants et un adolescent. Ils insistent pour que je mange avec eux. J’adore ces bons moments ou nous picorons à mains nues dans le plat commun : c’est simple mais on ne s’attarde pas. Une fois rassasié tout le monde disparaît. L’après midi je marche, je marche  dans cette ville immense et je regagne mon hôtel que j’ai du mal à situer et qui est finalement très loin du centre. Les femmes sont voilées de la tête aux pieds et même leurs yeux sont dissimulés par un voile un peu plus fin. Tout de noir vêtues, elles encombrent les magasins de bijoux, tissus et vêtements…Cela me semble bizarre car on ne voit rien sous leur voile. Elles ont une vie, mais seulement à la maison. Pour mon itinéraire vers Oman, il y a de nombreuses inconnues car ma carte ne fait figurer aucune des routes dont les gens me parlent ici. Je n’aime pas ça et j’espère que la carte est ancienne car aucune route n’y figure effectivement entre le Yémen et Oman. Douche, spaghettis et vache qui rit, «  Laughing cow »sur la boite, journal et au lit. Je crains que demain ne soit aussi très merdique pour les visas.

 

25/07/2001 (Yemen) Dépenses : 120 F – Distance parcourue 0 Km

Après le petit déjeuner, taxi direct pour l’Ambassade de France. On m’indique que le centre culturel français pourrait m’aider à taper le formulaire d’Oman. J’attends 9h30 et rencontre une femme voilée qui parle français et qui me conduit dans le quartier universitaire ou l’on finit par dégoter une machine à écrire 15F et 10F si c’est moi qui tape. Chose faite aussitôt. Je donne mon formulaire à l’ambassade d’Oman et attends. Ils doivent le faxer et promettent de téléphoner pour accélérer les choses, sinon c’est férié jeudi et vendredi et je risque de ne l’avoir que samedi ou dimanche en étant à nouveau scotché sur place au pays de la reine de Saba. San’a c’est la perle de l’Arabie au pied du djebel Nogumù à 2350 m d’altitude. les habitants portent le djambia, poignard recourbé porté sur le nombril : on ne voit que lui. Certains sont très coûteux surtout si le manche est en corne de rhinocéros. Le port de la djambia marque le passage à l’âge adulte. La visite de la vieille ville s’impose. Elle est classée patrimoine mondial de l’humanité et a survécu à la guerre civile de 1962 à 1970, aux bombardements de l’aviation égyptienne et au siège des troupes royalistes en 1968. Des défenses antiaériennes entourent la ville. Ici les maisons ont choisi la verticalité : maison tour ou palais tour, parfois de neuf étages. Je trouve une carte récente du Yémen : les routes sont plus nombreuses mais il en manque encore un bout pour se rendre à Oman. J’apprends aussi qu’il faut que j’aille au Général Tourism Authority pour demander une autorisation de passage sur les routes de l’est du pays, sinon la police peut me renvoyer sur San’a. Une heure d’internet pour 12 F, ce n’est pas cher. Je découvre une photo de mes filles en pièce jointe d’un mail de mes parents. Elles sont magnifiques. La réponse de l’ambassade d’Oman ne me sera finalement donnée que samedi. Me voilà coincé dans cette ville pour deux jours fériés ou tout sera fermé : misère, misère…Comment positiver tout cela ? Bonne nouvelle ! Je n’ai pas besoin de visa pour les Emirats Arabes Unis. Il pleut. Je demande mon chemin à des policiers de service à la circulation et je me retrouve dans le bus qui assure leur relève et me dépose devant mon hôtel. Ils se sont beaucoup amusés de notre contact. La circulation est hallucinante : tout le monde klaxonne et le piéton a intérêt à se pousser. Le bruit est assommant. Pour faire varier un peu mon repas, je fais une première en faisant cuire 3 œufs dans le couvercle de ma gamelle avec un peu de margarine. Cette omelette dans du pain rond est un régal.

 







26/07/2001 (Yemen) Dépenses : 51 F – Distance parcourue 0 Km

Grasse matinée jusqu’à 8h. Le Général Tourism Authority me délivre un papier pour aller jusqu’à Say mais ne veulent pas que je passe par Ma’rib car il y a des problèmes avec les tribus qui kidnappent de temps à autre des touristes. Il paraît qu’ils sont bien traités, le temps que le gouvernement paie ou traite le problème par la force. Amin me donne plein d’infos sur le trajet à suivre pour gagner Oman ‘et il y a des pistes. Im me dit de me rendre à Al Mahwit demain car il y a des danses chaque vendredi. C’est une tour palais située à 10 km construite sur un roc et ultra touristique. Je change des travellers et obtiens des Riab et des dollars. Je fume le narguilé avec les hommes. Chacun est assis à environ un mêtre de hauteur sur des tréteaux appuyés contre le mur, chacun son coussin pour le dos et certains mâchent le qât. Tous regardent un programme égyptien à la télé. Sur les murs des posters de la Mecque, d’enfants, d’animaux. C’est un endroit de détente un peu sombre ou l’on sert le thé et ou chacun tue l’ennui de cet après midi pluvieux. Ils sont très amusés de me voir ici et l’un d’entre eux me parle en anglais. Je paye 1,50 F. Quand je sors la rue est devenue un torrent. Je traverse les pieds dans l’eau en suivant un yéménite qui, d’un regard, me dit qu’il n’y a pas de problème.  Ici c’est comme ca. J’achète un kilo de dattes fraîches à 5 F et un kilo de barbaresque pour mon déjeuner. Dans l’après midi je croise en pleine rue une jeep équipée de deux mitrailleuses lourdes avec des chapelets de balles qui vont avec. Un homme vend sur le trottoir des pièces de pistolet et un homme sort son arme pour lui acheter un étui. Hier un homme a tiré un balle contre un mur peu après mon passage. Un essai sans doute avant l’achat. Tous ces outils de destruction, le qât  et la pauvreté ambiante me plongent dans des réflexions que je développerai peut être à mon retour avec le recul nécessaire. En attendant la nuit tombe et après un couscous dans la piaule, je sombre dans le sommeil.

 

27/07/2001 (Yemen) Dépenses : 70 F – Distance parcourue 20 Km

Sortie matinale pour le pain et le lait du petit déjeuner. J’ai du mal à trouver un taxi pour Al Mawit et surtout expliquer ma destination. Je me rends finalement compte que c’est à 100 Km et pas à 10 ! Finalement un homme en costume indique que c’est le palais Dar El Hajar et je négocie un taxi pour 7F50. Nous arrivons dans un paysage de falaises jaunes. Nous sommes au bord du vide et on aperçoit en contrebas le palais perché. Je découvre la danse du couteau au rythme des tambours et le tir à la Kalachnikov à balles réelles depuis la falaise. Le bruit est affolant lorsqu’on se tient à moins d’un mètre du tireur. Quelle distraction ! Un autre homme a une mitrailleuse sur pieds et tire quelques salves qui déchirent le tympan. Enfin le palais magnifique que l’on voit sur tous les guides et affiches touristiques. L’entrée est à 20 F mais seulement 5 pour les Yéménites. Me voilà dans des escaliers qui n’en finissent pas de monter. Les murs sont blancs. Ca ressemble aux maisons grecques ou tout est arrondi. En haut des fenêtres à vitraux qui donnent sur la plaine. C’était le palais d’été de l’Imam Yahya en 1930. Il y a des restes d’un site préhistorique dont l’accès se faisait au moyen de cordes. Au centre de la roche un puits est percé jusqu’en bas et permettait l’accès à l’eau et aussi de s’échapper. Je rencontre Cherif et Gos, habitants des Emirats Arabes Unis, qui logent au Shératon et me ramènent à San’a. Après le dîner panne de courant à l’hôtel, fréquente au moment des pluies. On m’amène une bougie qui me permet d’écrire ce journal  sur un tapis de prière qui m’a été apporté. A cause de mon chech ils croient sûrement que je suis musulman. C’est ma cinquième nuit dans cette chambre en sous-sol et qui ne possède qu’une lucarne  donnant sur les pieds des clients qui entrent et sortent de l’hôtel. Combien de nuits me restent-il à passer là ? Je prie Allah pour que ce soit l’avant dernière car j’en ai un peu assez.







 

28/07/2001 (Yemen) Dépenses : 233 F - Distance parcourue : 0 km

Levé tôt, je prends le minibus pour aller faire le tour des ambassades. Je tente l'Inde mais les délais sont trop longs (1 semaine). A Omar, je l'obtiens juste après 1 heure 30 d'attente. Je profite ensuite de cette ville mouvante et bruyante. La rue est une vraie fourmilière et j'observe tout cela depuis le restaurant où je déjeune d¹une cuisse de poulet rôtie accompagnée de quelques pains ronds. Il y a beaucoup de boutiques-ateliers dans lesquelles on fabrique des portes en fer que l¹on voit partout. En Ethiopie, il n'y avait pas ces portes qui protègent si bien les maisons du Yemen, signe de richesse car " je possède donc je protège ". J'ai fait une vaine tentative pour vendre mes chaussures mais vu qu¹ils sont tous en sandales, les chaussures de montagne, ce n'était pas très approprié.. Beaucoup de gens viennent me voir pour m'aider ou juste pour parler (souvent entièrement en arabe).

 

29/07/2001 (Yemen) Dépenses : 70 F - Distance parcourue : 368 Km

Il doit être très tôt quand je sors de l'hôtel, il fait encore nuit et des hommes dorment encore dans le couloir. Je trouve un garçon qui sort une fournée de pain et je lui en achète quelques uns pour le petit déjeuner. Au rayon pratique, j'ai adopté des boîtes à fermeture par vis, en plastique. C'est le meilleur rapport qualité-prix (et fini les grains de couscous partout dans le sac). Je commence le stop et il faut que je patiente dix bonnes minutes avant qu'Abdou s'arrête avec son minibus  et au prix d'un petit mensonge (il n'acceptait de me prendre que si j'étais musulman, alors...) j'ai parcouru quelques kilomètres à fond de train sur une route magnifique, toute en ocres, avec la montagne tourmentée tout autour. Vers Hammâm Damt, Karim prend le relais et je me retrouve à l'arrière de sa fourgonnette postale, avec deux autres jeunes. J'accepte les feuilles de Kât qu'ils m¹offrent pendant le voyage et nous communiquons par gestes (on apprend malgré tout pas mal de choses). Nous quittons la montagne pour aborder la côte et nous retrouvons le sable sur la route, les palmiers, les dromadaires, la soif, la sueur. Nous arrivons à Crater, un quartier d'Aden construit au centre d'un volcan. Je trouve un hôtel (un peu plus cher que d'habitude, mais il y a un ventilateur dans la chambre) et je repars pour marcher un peu dans la ville. La plage est pleine de cadavres séchés de poissons-ballons. Je prends en photo un pêcheur qui découpe des petits requins. Ici, cela ressemble un peu à Santonin (Grèce). Il fait chaud et les hommes dorment dans la rue, les femmes ne sont pas voilées. Je traverse un bidonville pour gagner les falaises de lave. Sur le sol, des dizaines de tuyaux d'acier conduisent l¹eau dans les habitations. Les chèvres et les ânes mangent les immondices, les enfants jouent au billard dehors et les dromadaires tirent les charrettes. J'achète des kebabs et je traverse la foule (mon hôtel est en plein centre) qui traîne sur le marché, dans le souk, au milieu des klaxons des voitures. Je m'endors content de cette journée, tant sur le plan du stop que sur le plan du tourisme. Cela faisait longtemps !

 


30/07/2001 (Yemen) Dépenses : 3 F - Distance parcourue : 368 Km

Je suis levé aux aurores et je prends le minibus après le petit déjeuner (raison, pain, margarine et confiture). Le stop débute plutôt bien : Abdo me prend à l'arrière de son pick-up jusqu'à Shuqrah. Il est sympa, m'offre à boire et s'arrête pour que je puisse prendre des photos (puits, dromadaires, vendeurs de mérous sur la route). Au poste de contrôle, cela se gâte un peu, on m'arrête et je dois laisser le véhicule partir sans moi car ils ont l'intention de me renvoyer d'où je viens. Je fais un cinéma d'enfer (cela m'amuse mais je finis par m'énerver quand même) et ils finissent par me charger dans la voiture de la famille Qarda. Ils partent en vacances à Al Mah Fad et m'invitent à partager leur déjeuner (poulet grillé, riz épicé). Comme d'habitude, on ne s'attarde pas, et dès que l'oncle a fini ses rots impressionnants, on se recase tous dans la Peugeot break. Le paysage est désertique et il fait très chaud. J'ai de la route à faire alors je décline l'invitation lorsqu'ils me proposent de m'accueillir pour la nuit. Saleen m'emmène à Habban. Il est 15 h 30 et je décide de poursuivre ma route. Le paysage est fabuleux : maisons aériennes avec des pointes aux coins des toits, grands canyons en toile de fond, oasis de verdure en contrebas dans l'oued asséché. Malheureusement, les problèmes commencent vraiment. La police ne veut pas que je fasse du stop. Aucun véhicule n'est disponible, alors je pars à pied, suivi par un policier armé. La voiture de police nous rejoint au bout de 3/4 d'heure et ils me disent qu'ils vont m'emmener à Al Mukalla. En fait, nous arrivons au quartier général de la police, à Ataq. Ils appellent le ministère à San'a, personne ne parle anglais et me voici prêt à prendre l'avion pour Paris. Au bout d¹une heure, je rencontre Mutrak qui travaille pour le ministère de la défense et qui m'explique qu'il va m'emmener à l'hôtel, puis au restaurant (offerts par l'Etat) et qu¹il s'occupe demain de me procurer un laisser -passer des plus hautes instances pour m'éviter tout problèmes aux postes de contrôle. Voilà une journée riche en émotions. Demain, grand mystère car je suis toujours sous le contrôle de la police (d'ailleurs, Mutrak dort avec moi).






31/07/2001 (Yemen) Dépenses : 50 F - Distance parcourue : 305 Km

Je fais un maximum de bruit pour réveiller (enfin !) Mutrak qui dort toujours. L'attente au quartier général n¹en finit pas. Il est 11 heures et je n'en peux plus d'entendre des propos contradictoires. Je m'énerve, menace de partir et je finis par le faire réellement. A la barrière, je passe assez vite pour éviter les questions et je me retrouve libre sur une grande avenue, n'en revenant pas que j'ai pu faire cela. Je monte dans un camion qui me permet de retourner à l'endroit où j'étais hier. Je me prépare à monter dans une autre voiture lorsque la police arrive et m'arrête à nouveau. Je pique une crise, je m'allonge au milieu de la route. Les gens s'arrêtent et je me fais encore embarquer par la police, mais qui, aujourd¹hui, m'emmène dans la bonne direction. J'arrive enfin à Al Mukalla dans la nuit. L'hôtel est correct et je peux profiter d'une douche et d'un vrai lit.