01/07/2001 (Kenya, Ethiopie) Dépenses
: 27 F - Distance parcourue : 250 km
Je
me réveille d’un coup à l’appel de la prière
avec l’inquiétude de rater le départ des camions
et de perdre un jour. Il fait encore nuit et j’ai du mal à
négocier un voyage vraiment gratuit. Finalement je saute
sur un 4X4 susceptible de m’enmener au prochain poste de contrôle
à 12 km de là, passage obligé de tous les
véhicules. David et Hassan acceptent finalement
de m’emmener à Turbi, localité située à
120 Km. Bonne ambiance matinale dans la Landrover achetée
en Ouganda. Après avoir quitté Isiolo et ses volcans
auvergnats, notre vue plonge dans le fonds d’un cratère.
Petit déjeuner vers 11h avec une assiette de riz pour
4 F ce qui est cher par rapport aux pays de l’Afrique de l’Ouest
déjà traversés. Nous passons dans un désert
de pierres, parcouru cependant par des nomades et des dromadaires,
champ de cailloux monstrueux. Ou vont-ils? Que cherchent-ils
? C’est complètement surréaliste pour moi. Je
photographie un groupe d’autruches plus belles que celles aperçues
dans les réserves. Je réalise qu’il n’y a pas
de soldats avec nous mais, un peu plus loin ils seront cinq
dans le camion. La piste est infernale et le bruit est assourdissant.
Il faut déboucher plusieurs fois l’arrivée d’essence
du moteur en raison de la mauvaise qualité du carburant.
Arrivé à Turbi, j’assiste au spectacle du démontage
systématique d’un pneu avec sortie de la chambre à
air, insertion d’une rustine et remontage. J’aide un chauffeur
à remonter les écrous de roue avec une clé
et une barre pour faire levier. Tout le monde rigole de me voir
faire le clown et distraire ainsi la foule qui grossit
autour de moi. Les femmes ont des tailles de guêpe dans
leur pagne à fleurs. Ca sent terriblement la pauvreté
mais je ne dépareille pas trop dans le paysage et ca
passe. Le camion qui m’emmène est bondé et roule
vite car la piste est meilleure. Il faut s’accrocher mais, assis
sur un seau avec les pieds dans le vide et le tee shirt gonflé
comme une voile, la vue est imprenable…Faune nombreuse : singes,
oiseaux secrétaires, toucans, antilopes, écureuils…
J’arrive vivant à la frontière vers 15 h
après 250 Km de piste et je décide de passer en
Ethiopie tout de suite et de me reposer dans une chambre à
15 F avant de repartir. Comme c’est dimanche et que les banques
sont fermées, je paie en shillings kenyans et m’endors
aussitôt.
|
Kenya Ethiopie Djibouti
|
02/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 8 F - Distance parcourue : 547 km
Réveil,
pain, beurre, lait. Je termine ma monnaie avant de quitter Moyale
car c’est le dernier endroit qui acceptera mes pièces.
Je traverse la ville qui monte pendant 3 kilomètres en
croisant des gens qui ont l’air sympa. Au poste de contrôle
l’officier me dit que je dois retourner à la frontière
car je ne suis pas passé au service de l’immigration
qui était sûrement fermé ce dimanche. Malgré
mes protestations je dois m’exécuter. Le retour s’effectue
en minibus puis en moto et c’est ensuite la longue attente pour
l’ouverture du bureau puis l’inspection du sac, la déclaration
de devises, le contrôle des vaccins…Quelle galère
! A nouveau la traversée de Moyale. A la sortie
il n’y a pas de trafic. Je change ma pancarte pour
Mega, ville à 100 Km Enfin le bonheur après cette
dure période : Amari et Assed s’arrêtent avec leur
semi-remorque vide et neuf. Ca va vite et c’est confortable.
Comment ils continuent vers Addis Abeba, je peux poursuivre
ma route avec eux. Ici les contrôles, c’est une corde
tendue en travers de la route avec des sacs plastiques attachés
dessus pour qu’on la voie de loin. Beaucoup de nomades dans
des cases rondes au toit de paille. Prés de la frontière,
ils sont presque tous armés et c’est assez inhabituel.
Mes amis m’initient à la feuille du Mont Kenya, qu’il
faut mâcher puis manger. C’est très vert, ça
existe et ce n’est pas terrible. En plaine les champs jaunes
sont parsemés de termitières assez hautes
en forme de tronc. En réalité les termitières
se forment sur les arbres et les termites migrent après
les avoir mangés. La route s’élève progressivement.
Les cases, cachées par des bananiers, ont de belles portes
sculptées en bois. A l’heure du dîner le toit fume
de toute part car il n’y a pas de cheminée. Pour gagner
un peu d’argent, Amani prend livraison de cœurs de bananier.
Pendant le chargement un homme me fait signe et m’invite à
boire le Tégé ou Yellow dans un bar sombre ou
une trentaine de consommateurs, très étonnés
de me voir ici, boivent un liquide jaune légèrement
alcoolisé, composé de sucre, de miel et d’orange.
Un moment simple et heureux ou tout le monde est content, malgré
nos différences. Des chevaux, les premiers vus depuis
longtemps, et des hyènes qui hurlent sur la place, en
concert avec les aboiements de chiens, nous regardent pousser
la remorque chargée à la nuit tombante. Nous les
faisons fuir dans le faisceau des phares du camion. Après
12 heures de route je m’endors dans la remorque sous les étoiles.
Comme il fait froid, je sors le couchage en polaire. Les hyènes
hurlent sur Awasa.
|
|
03/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 16 F - Distance parcourue : 250 km
Je
n’ai pas un sou éthiopien, faute d’avoir changé
au marché noir à la frontière ou la banque
a refusé de changer mes shillings kenyans. C’est la dèche
jusqu’à Addis Abeba et ca me fera les pieds. On repart
au milieu des lacs avec des cactus et des bananiers autour des
cases. On est en plein labour : les bœufs, guidés par
l’homme tracent le sillon. Ils sont parfois six laboureurs par
champ. Leurs brouettes en bois ont des roues de 10 cms de diamètre
et semblent coller sur la route. Nous croisons des coureurs
qui s’entraînent sur la route et des joueurs de ping-
pong. Nous croisons également de nombreux vélos
chinois, assemblés sur place. Ils sont magnifiques et
solides avec leurs freins à tringles métalliques
et vendus de l’ordre de 350 F. Amari boit un lait caillé
froid « urugo » et m’offre un lait de vache tout
fraîchement sorti du pis : C’est bon. Arrivé à
Addis Abeba il m’offre des sandales et paye mon taxi pour le
centre ville et c’est impossible de refuser : Quelle hospitalité
! Il me faut de l’argent éthiopien si je ne veux pas
dormir dehors. La banque refuse de changer mes shillings kenyans
et me dit qu’elle ne peut prendre mes traveller’s et qu’il n’y
a pas de distributeurs dans le pays. Je vais dans un hôtel
chic qui me prends mes US traveller’s. Avec 120 F en poche je
trouve enfin un endroit à 15 F pour passer la nuit mais
sans fenêtre et sans électricité. C’est
donc à la bougie que je rédige ses notes.
|
|
04/07/2001(Ethiopie)
Dépenses : 373 F - Distance parcourue : 0 Km
Réveil,
je sors pour acheter du pain (pas bon mais meilleur que le pain
de mie kenyan ou tanzanien) du beurre et du lait et un cadenas
pour ma chambre. Je me rends à la banque nationale d’Ethiopie,
la plus grande, pour changer mes shillings kenyans : rien à
faire. Je change un traveller de 500 F pour pouvoir payer le
visa de Djibouti. Cette banque c’est un immense cirque à
plusieurs étages avec des numéros de comptoir
partout. Des piles de dossiers sont entreposées dans
les allées. Un nombre impressionnant de cols blancs s’agitent
là dedans comme dans une fourmilière, sans trop
forcer à première vue. A la sortie je récupère
mon opinel et croise sur l’avenue un Pick-up militaire avec
sa mitrailleuse lourde chargée de sa ribambelle de balles.
Les vaches, couchées sur le terre plein d’un mètre
de large au centre de l’avenue sont stoïques au milieu
de la circulation. Les hommes se font de grandes accolades pour
se saluer et se tiennent par la main. Je prends le matatu
pour l’ambassade de Djibouti au sud ouest de la ville dans le
quartier bolé. Sur place on me demande une lettre de
mon ambassade, située dans le quartier Sidist-Kilo au
nord. Je dois revenir pour 11h30 sinon je devrai attendre vendredi
pour le visa. Course contre la montre mais le consulat de France
ne traite les demandes qu’à partir de 14h ! En insistant
un peu, Nadine m’ouvre la porte et rédige la lettre pleine
de politesses très drôles à lire et obtient
la signature qui va bien : Merci Nadine. Yvon, qui sort du consulat
s’arrête et m’emmène à l’ambassade de Djibouti.
Deux photos et 140 F. Il faut revenir demain à 14h :
En insistant un peu j’obtiens un rendez-vous incertain pour
11h. Je change enfin mes shillings kenyans à l’ambassade
du Kenya mais ca me coûte 100 F pour 800 F changés.
Un gros problème ce change ! Je rencontre Fanna, une
étudiante en Géologie, qui m’invite à déjeuner.
Elle m’indique un cyber-café à 45F de l’heure
: c’est le prix ici…En revanche la Poste n’est pas chère.
Je trouve un bouquin en français « le rat
d’Amérique » de Lanzmann et je fais le plein de
bouffe dans la série pas cher (blé, cacahuètes,
variété de mil) et un peu de luxe avec thé
et raisins secs. Marartu me dépose au musée national
: Je reste en profonde méditation devant le squelette
fossilisé de Lucy (prénom de ma fille) ce pré-humain
dont le corps s’est enfoncé il y a 3.2 Millions d’années
dans les boues du lac de la région Afar, protégé
ainsi du soleil, de l’air et des charognards pour une minéralisation
lente qui nous l’a rendue intacte aujourd’hui. C’est Donald
Johanson qui l’a découverte en 1974. Lucy s’appelle aussi
Dinknesh ce qui signifie magnifique. J’ai rendez-vous avec Fanna
à 18h. Je rentre dans mon hôtel pourri. La salle
est bondée car il y a un match de foot. Derrière
la salle un petit couloir sombre qui mène aux toilettes
et une cour noire détrempée sur laquelle donne
ma chambre. La tenancière qui a bu me redemande de payer
ma chambre alors que c’est déjà fait. Je souffle
la bougie et soupçonne qu’il y a des puces dans le lit
mais je ne vois rien
|
|
05/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 8 F – Distance parcourue 300 Km
Comme
chaque nuit, il a plu beaucoup car c’est le début de
la saison des pluies. Comme je quitte la chambre avec mon sac
sur le dos, je ne peux pas faire grand chose. Je décide
d’aller à l’ambassade de Djibouti : on ne sait
jamais, un élan de pitié pourrait faire accélérer
les choses. Arrivé là-bas le gardien me dit d’attendre
11h et me laisse attendre à l’extérieur. Je rédige
mon journal et attaque avec patience mon nouveau livre. Enfin
vers 11h45 j’obtiens mon visa. Ouf ! Je pars motivé pour
visiter Entoto, l’ancienne Addis à 3200 m. Ca monte sec
et je termine en matatu. Les femmes descendent la piste,
chargées de bois comme des mules. Vu leur nombre, on
peut raisonnablement penser qu’il n’y aura bientôt plus
de forêt. Je découvre Mariam Church, église
orthodoxe dont la forme octogonale et les peintures bleues,
jaunes et vertes font penser à un manège. Je ne
rentre pas car elle est cernée par une foule de vieillards
qui psalmodient des incantations. C’est un spectacle déjà
vu en ville car, à cette période de l’année
un culte leur est réservé. Des femmes pleurent
et c’est impressionnant. Un peu plus loin c’est St Raguel Church,
toute en blanc et moins envahie. Le site est grandiose car il
surplombe la ville : c’est vert et paisible. Je décide
de m’imprégner un peu de cette tranquillité et
je prends une assez mauvaise piste, sensée rejoindre
la route du monastère de Debre Dibanos, ma destination.
Je dois avouer qu’à cet instant je ne sais pas à
combien de kilomètres il se trouve mais je m’en moque
complètement. Arrivé sur la route, à un
col, Abdou et Hayat m’emmènent pour 10 Km. Je refuse
les 40 F qu’ils m’offrent pour que je puisse me payer un autobus
pour la suite et ils sont atterrés de me laisser sur
le bord de la route. Daniel et Nijinu s’arrêtent
immédiatement. Ils devaient se rendre en avion à
Bahir Dar pour signer un contrat mais il n’y avait plus de place
dans l’avion. Là commence un voyage éprouvant.
La route qui figure sur la carte Michelin s’avère être
une piste dans un état lamentable. Il pleut. Tout est
rouge de boue. Les animaux traversent la piste sans arrêt.
Mon siège se soulève à chaque nid de poule
et la porte avant s’ouvre toute seule chaque demi-heure. Un
bus s’est obstiné à rester sur notre file et fait
perdre le contrôle de notre voiture qui glisse sur
la boue et se met en travers. Le bus part au fossé en
évitant de justesse notre 4X4. A la nuit tombante nous
roulons toujours et abordons une descente vertigineuse
dans un canyon creusé par le Nil Bleu qui devient un
peu plus loin le Nil égyptien. Mes deux compères
se signent avant la descente ce qui ne me rassure guère,
d’autant que nous avons une fuite d’huile d’origine inconnue
et que le chauffeur n’y voit pas grand chose. Arrivée
tardive à Debre Markos ou je dors dans le land rover
pendant que mes amis dorment à l’hôtel.
|
|
06/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 0 F – Distance parcourue 388 Km
Nous
reprenons la route à 4h du matin ! La nuit a été
bonne mais j’ai les pieds tout mouillés car la condensation
sur les vitres a coulé sur mon duvet. Le paysage est
toujours semblable à l’Auvergne avec une piste boueuse
en lieu de macadam, des cases à la place des chaumières
des bœufs et des hommes qui labourent à la place des
tracteurs. De temps à autre des carcasses de blindés
qui témoignent de la guerre. On croise de nombreux camps
militaires qui ne ressemblent à rien : tentes pas alignées
couvertes de sacs plastiques ou de bâches de toutes les
couleurs. Paysans vendant leur bazar au milieu du camp.
Les militaires sont nombreux car depuis la fin de la guerre
avec l’Erythrée ils se sont retirés de la frontière.
Le spectacle de la piste est permanent. A Bahir Dar, je ne visite
pas le monastère sur l’île du lac Tana car en dehors
de la saison touristique le droit de passage en bateau est de
140 F au lieu des 14 F habituels. Il est midi. Le temps de prendre
mon petit déjeuner de pain beurré et un camion
m’emmène prés d’Addis Zemen. Je marche ensuite
7 km suivi par une ribambelle d’enfants qui m’énervent
passablement. Shimelis Haile, président de l’université
de Bahir Dar et deux de ses collègues, tous professeurs
docteurs m’emmènent à Gondar. Nous passons près
du Facil Ghebbi, le château de Gonder. Comme je veux tenter
d’arriver ce soir au parc des Simen Mountain pour attaquer tôt
le lendemain et bien qu’il soit déjà 17h, je m’aventure
sur la route au cas ou un camion passerait. Pas de camion, ni
de voiture. Il fait nuit et j’ai marché 20 mn et j’ai
mal aux pieds. Je rencontre Grashow et Beyere et négocie
en douceur une invitation pour la nuit. Tout le village est
déjà autour de moi, notamment un homme armé
et passablement ivre. On se rend à la maison de bois
et de boue séchée de Grashow par un petit chemin
boueux. Tout est vert et paisible. Sa nombreuse famille m’accueille
comme un roi. C’est un vrai concert de guitare que je donne
devant une trentaine de paires d’yeux écarquillés
dans la nuit. Les deux sœurs de mon hôte veulent que je
les emmène en France…La maman m’a fait cuire des pommes
de terre et me donne un Coca avec l’inguera, grande galette
locale. Il pleut. Tout le monde s’endort…
|
|
07/07/2001(Ethiopie) Dépenses
: 3 F – Distance parcourue 177 Km
Je
termine l’inguera d’hier et j’attends avec mes amis sous la
pluie un camion ou une voiture. Comme ça dure une heure
j’achète 4 pains gris et ronds pour le petit déjeuner.
Les bus qui passent nous éclaboussent de boue rouge.
Je décide de marcher seul sur la route pour susciter
la pitié. Je croise tout un tas de gens qui se rendent
au marché de Gonder, chargés comme des mules.
Au bout d’une heure de marche (décidément je vais
en baver aujourd’hui) Salomon me dépose au col qui se
trouve à 30 Km avant Dabat. C’est le marché et
il y a 5 cm de boue dans toute la rue principale. Je fais gaffe
à ne pas glisser dans cette gadoue d’autant que le paysage
fait rêver et que je suis à contre courant de la
foule qui se rend au marché. Je suis bousculé
par un âne un peu débile et j’évite les
poules suspendues par les pattes aux deux bouts d’un bâton.
Je ne sais pas comment elles peuvent résister à
tant de secousses la tête à l’envers. Bien que
son camion soit déjà bourré de monde, Vegasto
m’emmène jusqu’au parc. Arrivé dans ce site touristique
c’est l’enfer : les guides me sautent dessus. Je veux acheter
un litre de lait frais proposé pour 2 F et me retrouve
en finale avec 3/4 de litre pour 4 F. Après de vives
protestations je fais valoir mon droit au litre et au prix…L’enfer
continue car il y a encore 20 km pour arriver au parc a lors
que sur ma carte c’était tout à coté. Pour
emprunter la route il me faut une autorisation du bureau touristique
fermé à cette heure. Je prends la route tout de
même et je rencontre au bout de 20 mn la voiture du fameux
bureau qui me ramène en ville. Là je m’enquiers
des tarifs mais il n’y a pas de voiture. Bonne nouvelle quand
même : je peux poser ma tente dans l’enceinte. Il me revient
à l’esprit quelques scènes de la journée
: Un puits entouré de grillage et fermé solidement,
ces quatre morts croisés sur la route dans un simple
drap, sur un brancard et dont la tête est protégée
par un parapluie noir, avec toute une foule qui suit ce simple
convoi, un grand malade transporté par ses proches dans
une foule qui grouille de partout dans une odeur infecte, un
homme qui me baise la main avec un respect inutile… Il m’est
difficile de comprendre le sens de tout cela et de supporter
les enfants qui me suivent sans cesse comme un troupeau qui
regarde une bête curieuse en criant 100 fois « You,
Where you go, What is the problem, Where you
come from » : Ils ne sont pas méchants mais qu’est-ce
que ça peut m’user…Je repense à Grashow qui m’a
invité la nuit dernière. Il doit avoir 15 ans
et incarne la gentillesse même. Chez lui, j’ai vécu
un instant de paradis, j’ai vu des gens heureux qui vivaient
sainement au milieu de la nature verdoyante, mais, en lui posant
des questions je découvre l’envers du décor :
il a fini l’école et ne fait rien de ses journées
car il n’a pas de travail. Pour l’instant il aide à construire
la nouvelle maison mais elle sera finie d’ici peu. Ici c’est
beau mais c’est un bled et je sens, au moment de mon départ
sa grande tristesse de se retrouver désœuvré après
avoir croisé l’espace d’une nuit l’espoir d’une vie plus
palpitante. Je cuisine une espèce de bouillie sans sel
et me console sur les raisins secs.
|
|
08/07/2001 (Ethiopie)
Dépenses : 58 F – Distance parcourue 0 Km
Réveil,
pain, beurre. La rosée m’oblige à tout sécher
pendant l’heure ou j’attends le gars du parc national. D’énormes
corbeaux croassent au-dessus de moi. Des espèces d’ibis
bruns de grosse taille et avec une poche sous la gorge picorent
dans l’enceinte de la maison des gardes et s’envolent lorsque
je sors mon appareil photo. Cela fait un bon moment que je n’ai
pas pris de douche, mais ici, comme à addis, il n’y a
pas d’eau… Ensuite c’est l’enfer : le type ne vient pas à
l’heure convenue et le garde qui a dormi à coté
de moi ne parle pas anglais. Je m’énerve tellement qu’au
bout de 30 mn il se propose d’aller le chercher chez lui. Comme
il me dit d’attendre, je lui réponds que je viens avec
lui pour bien mettre la pression. Je traverse le village pour
la cinquième fois et on finit par trouver le type. Retour
à la maison des gardes : 70 F d’entrée de parc
pour 2 jours et 30f de garde par jour. Je fais une croix sur
la mule et le muletier à 20F chacun pour porter mon sac.
J’achète 8 pains et je bois mon litre de lait frais avant
de prendre la route pour le camp de Sankabar avec mon scout
Dura. Il s’est fabriqué un sac à dos avec un simple
linge entouré autour du cou et des épaules. Il
porte sa Kalachnikof pour nous protéger des bandits mais
en réalité il me protégera des chiens hyper
agressifs à l’approche des cases. Lancers de pierre et
et cris arrêtent à peine ces féroces animaux
enragés. Nous montons comme des bœufs et je souffre car
cela fait un moment que je n’ai pas mis mes chaussures de marche
trop petites et mon sac bien chargé de bouffe et de 6
kg d’eau me trucide les épaules. Mon guide me répète
tous les 100 m que je devrais prendre une mule et je lui réponds
que la mule c’est moi ! Ensuite c’est le bonheur, un instant
que l’on sent magique au cours du voyage : nous arrivons sur
une crête qui donne sur un cirque qui tombe à pic
et où une colonie de babouins se laisse photographier.
Nous en croiserons beaucoup et je reste un moment à les
observer. Des mâles aux grandes crinières se battent,
s’épouillent avec de grands cris. C’est magnifique de
les voir libres et sauvages dans ce cadre de haute montagne.
J’arrive au camp sur les rotules. Tente puis pain et beurre
de cacahuètes, raisins secs, thé. Ca commence
à cailler sec et je prends une demi-heure pour mon journal
que je termine à la frontale. Soupe et pâtes et
au lit de bonne heure car je suis rétamé. Je n’ose
même pas retirer mes chaussettes pour ne pas découvrir
les trop habituelles ampoules…
|
|
09/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 53 F – Distance parcourue 0 Km
Réveillé
par une hyène dans la nuit et impossible de me rendormir.
Je ne savais pas qu’il y en avait ici et j’étais content
de savoir que mon guide ne soit pas loin. J’ai rêvé
que lorsque je rentrais de voyage je retrouvais mes filles
mais elles avaient dix ans et j’avais raté toute leur
enfance. En fait hier soir j’ai été invité
au café et j’ai emmené ma guitare. On a passé
un moment d’échange alors que personne ne parlait anglais.
Je suis en retard sur mon programme. Cela m’ennuie mais d’un
autre coté je ne me vois pas aller plus vite car il me
faudrait alors traverser les pays sans faire de détour
pour voir par exemple les Simen montains ou Lalibela (pensée
à suivre). Invitation au café du matin : en fait
ici le café c’est la tradition avec une dizaine de tasses
chinoises empilées les unes dans les autres et séparées
par un linge, le tout rangé dans un cylindre d’osier
enchapeauté. Les tasses sont ensuite disposées
sur une tablette de bois pendant que les grains de café
sont pilés avec une barre de fer dans un pilon de bois.
La bouilloire fume sur le feu de bois. Nous étions 4,
nous voilà maintenant 17 dans cette petite pièce.
On ressert le café au moins cinq fois. A chaque fois
un nettoyage de la tasse à l’eau, invariablement le même.
La première tasse remplie d’eau est vidée dans
la deuxième, elle-même dans la troisième
et ainsi de suite… c’est ca l’hygiène ! En parlant
d’hygiène personne ne semble s’être lavé
et ca se sent. Avec le café la galette de blé
dans son plateau d’osier. C’est la bonne humeur. En partant
on croise 3 meneliks bushbuck, les biches du coin. Ensuite c'est
pénible pendant 6 heures car on marche dans un paysage
monotone lorsque le brouillard daigne se retirer. Séquence
sexe : la traversée d’un torrent déchaîné
avec de l’eau jusqu’aux cuisses. Tant qu’à faire j’enlève
de l’autre coté le haut et le bas pour un lavage complet
au savon s’il vous plaît. Ici c’est l’hiver et l’eau est
plutôt gelée. Je suis déçu par le
paysage une fois arrivé au camp : des montagnes à
vaches verdoyantes. Rien à voir avec les canyons auxquels
je m’attendais. Un moment je doute de mon guide et pense que
le camp où nous sommes et où sa famille habite
n’est pas celui prévu. Café avec toute la famille.
Je profite de l’arrêt de la pluie pour installer ma tente
en me doutant que la pluie va reprendre. Je confectionne un
abri avec des cordes, la couverture de survie et des branches
plantées dans le sol. Un vrai Robinson Crusoê.
Il se remet à pleuvoir, mon abri s’envole et la tente
s’écroule car deux jonctions d’arceau sont cassées.
La famille m’accueille pour la nuit. Il y a deux pièces,
l’une à vivre, enfumée car il n’y a pas de cheminée.
L’autre sert de chambre avec un seul lit commun. Il fait sombre
car il n’y a qu’une petite fenêtre sans vitre ce sui laisse
passer la fumée du feu de bois mais le froid aussi. Il
y a quatre enfants dont un bébé qui a les fesses
à l’air par ce froid glacial ! Parfois il hurle et alors
sa mère lui donne le sein autour du feu. Les cheveux
de la mère sont très habilement tressés
et cela ressemble à des fils de laine noirs alignés.
Son front est orné d’une croix faite au henné.
C’est autour du feu que tout se passe et c’est là que
je ressens la misère. Je découvre aussi que les
grains de café, avant d’être pilés, sont
grillés sur un grand plat à galette. On me sert
une bière d’origine inconnue, pressé à
la main dans un panier d’osier. Ensuite c’est l’inguéra
sur laquelle on verse une purée très épicée.
Je dors sur un rebord en béton qui sert de banc. Il est
si peu large que j’en tombe pendant la nuit et c’est assez désagréable
d’autant que je suis ficelé au niveau du cou par la fermeture
du duvet.
|
|
10/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 53 F – Distance parcourue 0 Km
Je
n’ai pas dormi de la nuit et je vomis tout ce que j’ai mangé
hier sans savoir si c’était trop épicé
ou le résultat d’une hygiène douteuse. Je salue
les enfants et notamment la fille de dix ans qui œuvre dans
la cuisine et à d’autres travaux d’intendance comme une
vraie adulte. A t’elle déjà terminé son
enfance pour entrer si vite dans le monde des adultes ? Nous
partons, moi et mon gros sac insupportable pour 12 heures de
marche. Le torrent à traverser est déchaîné
car il a plu toute la nuit. J’ai tellement peur de tomber à
l’eau que j’enferme mon appareil photo dans un sac hermétique.
On glisse dans des chemins boueux et Duna glisse. Le canon de
sa Kalachnikov est rempli de boue. Je suis affaibli par ma mauvaise
nuit et j’ai une baisse de moral : qu’est ce que je fous là
? Je mange 3 raisins secs et je bois l’eau de tous les torrents
: il n’y a que cela qui passe. Un moment Duna prend mon sac
et me voilà à porter sa Kalachnikov à l’épaule
: Que ne faut-il pas faire dans la vie ! On veut faire du stop
mais il n’y a pas une voiture : à croire que le parc
est fermé ! On attend 2 heures une voiture croisée
dans l’autre sens. Une fois dedans le conducteur me demande
50 F. Je refuse alors qu’il reste six heures de marche. Nous
nous retrouvons dehors et je retrouve soudainement des forces,
comme si ce geste de folie de ma part, cette décision
irraisonable m’avait redonné du pep’s. On marche comme
des bœufs sous la pluie jusqu’à la nuit. Mon guide a
passé son temps à vouloir que je m’arrête
pour me taxer d’une journée supplémentaire à
30F. A une demi-heure de l’arrivée, pataugeant dans la
boue et la nuit, on s’arrête chez des paysans qui nous
accueillent dans leur hutte. Elle est haute et il y a un étage
pour dormir. Je dors dans la, cuisine salle à vivre sur
de la paille, des bottes boueuses, des outils de labour. Sous
la hutte des chèvres et trois chevaux qui pisseront allègrement
toute la nuit. J’avale un peu de blé grillé en
grain, un peu d’inguera avec une purée de verdure indéterminée.
Je m’écroule de sommeil, courbatu, dans cette atmosphère
enfumée et au milieu des animaux.
|
|
11/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 14 F – Distance parcourue 227 Km
Réveil.
On libère les chevaux qui se baissent pour passer sous
la porte pourtant très basse. Je contemple de mon duvet
les branches qui convergent vers le sommet de la hutte sur le
grand tronc central. Nous arrivons une demi-heure plus tard
et mon guide refuse de me lâcher car il veut les 30F de
la journée d’aujourd’hui. Je ne cède pas et on
se quitte( ou plutôt je le quitte) fâchés.
Depuis que j’en rêve j’achète mon litre de lait
frais et des petits pains blancs. Je termine le beurre en marchant
vers mon destin sur la route détrempée. Ma technique
: Quitter le bled au plus vite et larguer les mangeurs de touristes
qui veulent vous vendre un bus ou un hôtel ainsi que la
horde des jeunes qui n’ont, semble t-il jamais vu un blanc de
leur vie. En outre sur une route désertique les gens
s’arrêtent mieux qu’en ville. Un jeune me dit que
je devrais prendre le bus car il y avait plus loin un barrage
ou l’on me volerait tout : conneries. Guettacho s’arrête
avec son camion et nous conduit à 15 à l’heure
dans une descente vertigineuse, aperçue deux jours plutôt
depuis le haut. Sincèrement, j’ai peur à chaque
virage. C’est profond et il y a des épaves de camions
dans le ravin. La route n’a pas de rambarde et le camion est
chargé à bloc, poussé par sa remorque.
On met deux heures pour faire 30 km et on finit par casser le
différentiel. On vide l’huile et des dents d’engrenage
tombent. Il faut retourner à Gander à 140 km en
arrière pour trouver des pièces. Pour moi c’est
foutu mais, au bout de deux heures d’attente, je retrouve
Tamesguen et son Isuzu rempli de chèvres. Me voici au-dessus
des chèvres accroché dans chaque virage. On fonce
et je passe dans la cabine à la nuit tombée. Nous
voici partis sur une piste infâme jusqu’à minuit.
Je rêve de fruits et je mange deux gâteaux. On croise
des belettes de plus d’un mètre, des lièvres,
un singe blanc et noir, des hyènes. Arrivée surréaliste
à Axum après des heures pour faire 227 Km. Hôtel
à 10 F ou je lave des affaires à minuit car je
n’ai plus un tee shirt propre et repas de spaghettis sans sel.
|
|
12/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 35 F – Distance parcourue 242 Km
Douche,
thé. Comme il a plu toute la nuit le linge que j’avais
étendu sur le fil dans la cour est trempé. Il
y a plein de choses à voir à Axum mais je n’ai
pas le temps et je préfère aller au plus vite
sur Lalibela. Je refuse de payer 60F pour les sites archéologiques
ainsi que 70F pour la vieille église ce qui ne m’empêche
pas de tourner autour et d'admirer les obélisques étranges
de 33 mètres faits d'un seul bloc de pierre. L'un d’entre
eux se trouve à Rome, ramené lors de la présence
italienne en Ethiopie il y a 60 ans. Il va bientôt retourner
chez lui mais il va falloir le couper en trois tronçons
pour le transport. J’achète du pain mais il est impossible
de trouver du beurre ou de la margarine. J’achète pour
1F cinq figues de barbarie et je fais recoudre la housse de
la guitare. Je me procure deux clous pour réparer les
arceaux de ma tente mais il faut que j’en scie la tête.
Himikael me conduit à Adwa sur son chargement de bois
et je trouve aussitôt Mickael qui me fait parcourir 153
km dans un paysage digne des westerns (voir photos). On longe
la frontière avec l’Erythrée qui se remet à
peine de longues années de guerre. Des enfants font claquer
leur fouet à notre passage et c’est fou ce que je rencontre
de tee shirt Titanic ! Cette région est le pays des monastères
juchés sur des montagnes avec l’église orthogonale
classique entourée d’une enceinte. 90% de la population
est orthodoxe et les monastères sont vraiment nombreux
et occupés par des religieux qui vivent essentiellement
de dons déposés sur le bord de la chaussée
par les routiers. J’arrive à Adigrat sous la bâche
de la benne avec quelques compagnons d’infortune car il pleut
comme jamais. Je suis trempé et je partage l’inguera
dans l’humidité avec Mikael. Je suis invité comme
partout en stop et encore plus en Ethiopie. Fisshae, ingénieur
en bâtiment qui vient de réceptionner une nouvelle
école me conduit à Mekele dans son 4X4, plus rapide
qu’un camion. Il est 18h et je décide de continuer. Zilma
m’enméne à 10 km de là et me pose à
l’hôtel (10F) puis disparaît. Je ne sais pas si
je vais le revoir demain matin à cinq heures pour aller
à Weldiga car il s’est évaporé après
l’hôtel. Quel bonheur ! Je trouve de la confiture à
13F pour agrémenter mon pain sec et j’achète des
oranges. Vous me direz que la confiture c’est du luxe pour la
vie que je mène mais qu’est-ce que ca fait du bien par
ou ça passe.
|
|
13/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 2 F – Distance parcourue 252 Km
Réveil
à 5 heures au chant du coq et peut être au
bruit des premiers camions qui passent. Pain confiture et me
voilà sur la piste à marcher au lever du soleil.
Six camions passent sans pitié devant moi. C’est bizarre,
vais-je perdre le moral, ce lever matinal pour rien ? Gaber
hiwat me prend enfin dans son camion benne. Je vais progressivement
sombrer dans la déprime car on se traîne et les
autres camions nous doublent. Ai -je misé sur le mauvais
cheval vapeur ? La piste est infernale et il y a des travaux
partout. Nous observons la nouvelle route magnifique que construisent
les Chinois et qui longe notre piste. Le chauffeur ne parle
pas un mot d’anglais mais il est super gentil. Comme toujours
en stop la relation s’établit petit à petit. Il
m'offre des figues de barbarie achetées sur la route
à des fillettes qui se jettent par grappe sur le moindre
camion qui ralentit. De jeunes garçons attrapent les
figues dans les cactus avec un bâton muni à son
extrémité d’une boite de conserve. Comme tout
est mouillé ici, les gens vont pieds nus ou en bottes
ou sandales plastique sur lesquelles les coutures factices sont
moulées. A midi, sous la pluie, je protége mon
sac sous la bâche et saute directement du camion au restaurant.
Mon chauffeur m’offre des spaghettis bolognaise et deux pains.
En retour je lui offre le café. On repart en traversant
une région montagneuse. Comme l’eau s’écoule mieux,
il y a moins de nids de poule et l’on va assez vite. On croise
des dromadaires et des enfants jouent avec de petites voitures
en fil de fer ou avec de simples roues poussées à
l’aide d’un bâton. On se retrouve dans la plaine et çà
se sent car la température dans le camion est devenue
infernale. Je mets ma tête à l’extérieur
pour profiter du vent. Les vaches ont des cornes gigantesques.
On arrive enfin vers 18 h à Weldiya, soit une journée
pour 252 Km. Selon mon habitude, j’évite les types qui
veulent me fourguer une chambre ou un bus. Je marche jusqu’à
la sortie de la ville et il n’y a plus que quelques cases. La
nuit approche et un vieillard m’aide à faire fuir la
trentaine d’enfants qui me suivaient malgré mes menaces
verbales et quelques jets de pierre. Je négocie en douceur
une nuit chez ce vieil homme qui semble très content
et fier d’amener le blanc chez lui. Dans un endroit paradisiaque
je découvre les trois maisons rustiques de toute la famille
avec autour des vaches et des chèvres. Ici il y
a les deux grands-pères, 3 fils, une fille et la mère.
Demile, Bitchar et Agawe. On m’offre la tale (bière)
et l’inguéra national que je trempe dans un jus de viande
de chèvre très épicé. Je dors dans
mon duvet sur un rebord couvert par une peau tannée.
|
|
14/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 16 F – Distance parcourue 115 Km
Réveil
au cri du coq. Je dis au revoir à cette famille si gentille
et patauge dans la boue pour rejoindre la route. Je dois nettoyer
les 5 cm qui recouvrent mes sandales avec mon opinel. Je marche
un bon moment en mastiquant des grains de blé en guise
de petit déjeuner. Geitenet m’emmène dans son
4X4 et coupe avant Dilbe par une piste abominable. J’achète
six bâtons de canne à sucre de 30 cm chacun pour
un franc. Geitenet me laisse 30 km avant Lalibela en me certifiant
que la piste défoncée que j’ai devant moi est
bien la nouvelle route bitumée dont j’ai entendu parler.
Je traverse deux villages avec un cortège d’une trentaine
de jeunes qui me suivent en braillant. Il n’y a pas une voiture
et je sens que je ne suis pas du tout sur la nouvelle route
et que je vais devoir faire à pied les 45 km et
non 30 qui me séparent de Lalibela. Je marche donc
toute la journée en passant trois vallées mais
le sac est lourd et je n’avais pas prévu cela. Je passe
deux torrents à gué et commence à comprendre
pourquoi ils aiment les sandales en plastique. Je coupe la route
par des chemins de montagne et la perds pendant deux heures.
Je n’ai pas de carte mais heureusement il y a du monde dans
ces montagnes. Un orage arrive comme chaque après-midi
et malgré la cape de pluie, je suis trempé en
glissant sur les pentes boueuses. J’arrive épuisé
sur la fameuse route bitumée et je me suis fait bien
avoir ce matin. Je fais du stop et c’est un bus officiel qui
m’emmène gratos pour les cinq derniers Km. Chambre négociée
à 8F et un repas réparateur avec 4 pains, thé
et confiture, puis - je me suis enfin décidé à
ce luxe - spaghettis « avec sel ». Je vis simplement
et sais apprécier ces plaisirs modestes. Je repense à
tous ces panneaux croisés sur la route qui indiquent
les différents programmes d’aide : nourriture et eau
avec l’Allemagne, recherche agricole avec le Japon… Je pense
aussi que personne ne m’a donné son avis sur mon journal
et j’invite donc ceux qui le veulent à me dire ce qu’ils
feraient à ma place, s’ils voient le voyage autrement,
s’il faut développer un thème en particulier.
Enfin, bon… histoire de ne pas être seul devant mon papier
mais être plusieurs à construire ce voyage. Alors
à vos ordinateurs et je vous invite à exprimer
sans gène votre opinion et vos idées.
|
|
15/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 136 F – Distance parcourue 130 Km
Seau
d’eau fraîche dans le WC pour une douche. Je laisse le
sac à l’hôtel et pars visiter Lalibela. Pour 100
F d’entrée, pas de plan et pas d’info ! Lalibela a été
redécouverte en 1520 par Alvares, un prêtre portugais.
C’est un ensemble de 11 églises taillées d’un
seul bloc dans la pierre volcanique. Elles ont été
creusées au 12e siècle, les unes après
les autres et sur une durée de 23 ans. A cette époque,
le roi d’Ethiopie, Dalibela, canonisé par la suite, aurait
reçu un message du ciel pour créer cette nouvelle
Jérusalem. Aujourd’hui c’est 300 prêtres qui œuvrent
chaque jour à 2630 mètres d’altitude. Comme c’est
dimanche, une foule de fidèles, tous en blanc, prient
autour de l’église. Je m’approche de la porte ou des
hommes me font signe d’attendre. Ils embrassent le seuil de
la porte, qui ouvre sur des marches creusées dans une
roche rouge. C’est un travail impressionnant ! Sur un autre
coté, ce sont les femmes qui attendent. J’aime ces moments
de calme et de profond respect ou je suis à l’écoute
en restant le plus discret possible. Nous restons ainsi une
demi-heure à écouter les chants qui filtrent par
la porte. Au tintement de ce qui me semble être une cloche,
tous se prosternent à se démonter le dos. On rentre.
Peu de lumière. Tout est taillé dans la masse
volcanique : arches, murs, piliers, petites fenêtres en
forme de croix. Au centre des hommes en quadrille chantent dans
un style assez monocorde, proche de celui des moines tibétains.
C’est chanté en Geez, langage théologique qu’aucun
des fidèles ne comprend, accompagné de sons de
cymbales et de tambour. Nous avons retiré nos chaussures.
Je suis pieds nus sur les nombreux tapis, décorés
de lions et de girafes, qui sont au sol. Je reste là
une bonne heure car je préfère cette ambiance
de foule à celle des musées ou des édifices
sans vie. Dans un angle, un diacre sert du thé dans des
petits gobelets en argent. Dans le chœur décoré
d’images pieuses, l’arche d’alliance et les tables des dix commandements
remis à Moïse, sont cachée derrière
des tentures. Il y a une copie de cette arche dans toutes les
églises d’Ethiopie et un grand mystère plane toujours
sur l’endroit ou se trouve l’original : Axum, Jérusalem…La
musique atteint un paroxysme et c’est beau et poignant à
la fois. Les mains frappent dans les mains et les tambours les
accompagnent. Le prêtre arrive dans son habit rose et
vert criard aux broderies dorées. Les chants se sont
tus et les cannes des prêtres rangées. Le prêtre
fait l’imposition des mains aux chanteurs, puis aux fidèles.
Dans un angle un prêtre applique une croix en or de 7
kg sur le corps des fidèles qui veulent être bénis
ou guéris. Cette croix d’époque avait été
volée il y a quatre ans par un Ethiopien, de mèche
avec un Belge. Ils sont en prison et la canne est revenue entière.
Dans une allée et sous un parapluie rouge vif brodé
d’or, un prêtre lit le livre sain. Ce dernier est ensuite
drapé dans une étoffe que chacun s’empresse d’embrasser.
Ce dimanche matin religieux restera inoubliable. Je sors de
l’église avec un groupe de touristes belges. Le guide
de l’agence Continent insolite m’accepte avec ce groupe et nous
visitons les autres églises. On découvre les bassins
de fertilité, les fonds baptismaux, le tombeau du roi
Lalibela. Je me régale dans ces passages étroits
et parfois souterrains qui mènent aux différentes
églises. On termine par Saint Georges, dernière
église construite et la seule en forme de croix que l’on
peut photographier de haut car elle n’est pas couverte par une
structure de tôle ondulée. Elle figure sur toutes
les affiches touristiques. Désolé, j’ai été
un peu long mais ca m’a paru intéressant. Ensuite marche
d’une heure jusqu’à ce que Balcha, ingénieur du
réseau routier, m’achemine jusqu’à Weldiya cette
fois par la nouvelle route. Nous buvons l’Aréke, alcool
de blé, ainsi que la bière et l’inguera
offerts par mon ami. Nous dormons dans le même hôtel
(12F) car demain il m’emmène à Kembolcha, ville
transit pour Djibouti. Il m’a dit que je ressemblais au Christ
quand il m’a vu sur le bord de la route. A l’arrivée
à Weldiya, je suis salué par deux jeunes qui m’avaient
vu passer deux jours plus tôt.
|
|
16/07/2001 (Ethiopie) Dépenses
: 68 F - Distance parcourue : 150 Km
Réveil
5 h au chant du coq : je recopie des chansons de mon carnet
de chant en recto-verso ce qui me permet de réduire le
nombre de pages et donc son poids. Pain, margarine confiture
; le must ! Après l’attente est pénible.
On part vers 10h. lait chaud offert par mes amis. Il y a 3 cm
de sucre au fond de la tasse. Sur la route de nombreuses carcasses
de chars d’assauts qui témoignent d’une guerre passée.
Certains hommes ont des tignasses à la James Brown. C’est
assez marrant de voir de telles différences de race en
quelques kms. Mes amis me posent à Kembolcha. J’attends
l’ouverture de la poste pendant une heure pour envoyer mon journal
mais également renvoyer mes chaussures de marche trop
petites. Je peux le faire car la poste est donnée en
Ethiopie. Contrairement à ce qui m’avait été
dit à Weldiga, les employés refusent de me les
prendre et me disent d’aller à Addis Abeba ! Je fais
18 photos d’identité pour 31 F pour être tranquille
pour les futurs visas. Je marche pendant une heure avant que
Mathias ne m’emmène à 30 km de là. Il m’offre
en prime Coca, Inguera et purée d’œuf. Je trouve une
chambre à 8 F et me fais un plat de spaghettis pour le
dîner. Un homme entièrement nu invective les passants
dans la rue. Spectacle fréquent de la misère en
Afrique. Je m’endors en pensant que la journée n’a pas
été passionnante ni sur le tourisme, ni sur le
stop.
|
|
17/07/2001 (Djibouti) Dépenses
: 35F – Distance parcourue 317 Km
Je
suis réveillé à 5 h par le frère
de Mathias qui tient sa promesse et m’emmène dans la
nuit à Dogia alors qu’il va sur Djibouti mais il a peur
de la douane, coté Djibouti. On traverse l’Afar. Au début
ce sont des vallons très secs et l’on oublie vite la
fraîcheur et la verdure d’où l’on vient. On croise
un grand nombre de pintades ainsi que les premiers Afars dont
le pagne-robe me rappelle celui des Massaïs. Ensuite c’est
la plaine désertique. A midi je sens que je n’ai pas
pris de petit déjeuner et j’achète deux pains
que j’engouffre aussitôt avec de la margarine et de la
confiture. J’achète aussi des oranges et un sac de toile
de jute pour coudre autour de mon bidon d’eau. C’est la manière
africaine de tenir l’eau au frais une fois la toile mouillée.
Abuhay s’arrête avec son camion bien que je n’ai pas tendu
ma pancarte car il avait l’air de ramer. Il parle anglais, m’offre
un thé et partage l’inguera ( viande de mouton ) avec
moi. Le paysage est désertique, je transpire de partout,
je bois énormément. En une journée on a
radicalement changé de climat. On croise des centaines
de dromadaires souvent en troupeau ou dans des mirages qui donnent
un caractère surréaliste au voyage. Je ne compte
plus les carcasses de pneus qui jonchent le bord de la route.
Abuhay me laisse à la frontière éthiopienne
avec la peur au ventre que je dise aux douaniers qu’il m’a pris
en stop. Celui qui m’accueille transpire à grosses gouttes
dans sa cahute de branchages et se révèle fort
aimable. Quel contraste avec l’entrée dans ce pays à
Moyale. Je quitte ainsi le pays qui détient le record
de troupeaux de bétail ce qui explique qu’ils encombrent
souvent les routes mais comment se nourrissent-ils ? Le douanier
demande à Yeheyes, chauffeur qui passe, de me conduire
au poste de douane de Djibouti à 3 Km, car la chaleur
est mortelle à cette heure de la journée. Ensuite
c’est Awah, qui ne parle pas un mot d’anglais, qui me fait traverser
un désert magnifique avec une paroi de style grand canyon
à gauche et un lac asséché de l’autre coté
avec une fine croûte blanche sur l’étendue de sable
rouge. Awah me largue sans explication à Yokobi ou je
trouve un hôtel gratuit. Pour la forme je dîne d’un
sandwich à l’omelette dans l’hôtel. La chambre,
c’est un carré de sol vide. Je m’endors sur la natte
à même le sol mais vers 22 h on frappe à
ma porte. Moussa, le patron de l’hôtel accepte de me conduire
à Djibouti maintenant. Le temps de manger un peu, de
liquider ma monnaie éthiopienne pour de la vache qui
rit, des piles et du fil.
|
|
18/07/2001 (Djibouti) Dépenses
: 758 F – Distance parcourue 176 Km
Je
passe la nuit à l’arrière du minibus ou j’arrive
à dormir malgré les secousses de la piste et l’odeur
insupportable des dix bidons d’essence qui encombrent le couloir.
Le lendemain je retrouverai ma carte tombée de ma poche
et baignant dans l’essence. A 6 h je suis largué dans
Djibouti qui s‘éveille. Direction la plage à 10
m ou déjà beaucoup de monde s’active car les bateaux
de pécheurs arrivent. Après le petit déjeuner
je discute avec un type qui me dit que les hôtels sont
chers et que je peux dormir dehors. En effet les rues et les
plages sont encore pleines de gens qui se réveillent
sur leur carton, voire sur un lit posé dans la rue. Beaucoup
de mendiants dans cette ville. Je fais un tour pour la découvrir
et je trouve l’hôtel Gohard, un lieu de rendez-vous à
100 F la nuit avec ventilateur au plafond, clim, douche qui
coule vraiment, cloisons en contreplaqué qui laisse passer
les doigts de pied des voisins et un gros rat qui me souhaite
la bienvenue à l’entrée. 100 F, c’est mon budget
déjà grillé pour la journée. Je
change mes billets éthiopiens dans la rue car les banques
n’en veulent pas et je trouve un distributeur de carte Visa.
Je pars ensuite à la chasse au visa auprès des
ambassades. Contrairement à ce que l’on m’a dit à
Addis, pas de consulat d’Oman à Djibouti. Il faut donc
que je passe par le Yemen ce que je voulais éviter en
raison de l’insécurité qui y règne pour
les touristes. En poussant fort j’obtiens le visa pour ce pays
contre 440 F. j’apprends par la suite que je peux aller en Arabie
Saoudite si j’obtiens une lettre de l’ambassade de France. Sitôt
su sitôt fait mais le consul est nouveau et doit attendre
samedi pour me faire ce courrier. J’annule donc l’idée
pour le moment. Quatre heures d’Internet pour envoyer mes 75
photos, avec une heure gratuite mais c’est quand même
150F ! Il est 19 h : j’achète du pain et des pommes pour
39F. Ce ne sont plus les mêmes prix qu’en Ethiopie. Je
m’endors vite dans l’hôtel silencieux et j’ai même
froid au milieu de la nuit.
|
|
19/07/2001 (Djibouti Dépenses
: 105F – Distance parcourue 0 Km
Petit
déjeuner habituel : Je plie bagage rapidement car je
veux passer au port pour trouver un bateau pour le Yémen.
On m’annonce un prix de traversée de 500 F et je retourne
donc au distributeur. Je marche pendant 3 km et trouve une voiture
pour terminer qui me conduit à l’entrée du port.
A l’entrée on montre son passeport puis on est largué
dans un bordel sans nom. Des camions, des allées, des
rond-points, aucun bateau officiel. Seules des coquilles de
noix en bois, style boutres, pour aller au Yémen ! Pour
comble, et manque de chance en ce moment il n’y en aura que
samedi, soit dans trois jours. Comme ca ne me convient pas je
me rends à la capitainerie ou Mohamed veut bien m’indiquer
les 3 cargos qui partent aujourd’hui. Je pars ensuite sur les
cargos pour 3 heures de rencontres, de négociations avec
les capitaines mais sans succès. L’un va finalement en
Egypte, l’autre ne veut pas. Le dernier, le capitaine Sangoun,
m’accepte gratuitement mais son bateau ne part que samedi sans
être sur de faire escale au Yémen. Dans un port
immense aucun bateau ne va sur le Yémen avant samedi
: je suis abattu ! Je rentre en ville avec un gendarme qui m’indique
un hôtel sans clim, loin du centre mais avec ventilateur
pour 50F. Un exploit ! J’achète au marché un kilo
d’oranges à 5F, un kilo de carottes au même prix,
du couscous et de l’harissa ; j’en ai un peu marre de mes mauvais
repas. Cette ville agitée n’est guère moderne
: tout est vieux, sale. Un jeune veut m’acheter mes chaussures,
portées à l’épaule car je veux les vendre.
Il veut partir avec et revenir me payer : je rêve…Il me
prend pour un mongol. Après mes emplettes je suis fatigué,
me prépare le couscous et je dors dés 21h.
|
|
20/07/2001 (Djibouti) Dépenses
: 82 F – Distance parcourue 0 Km
Réveil
pour une journée sans but. Pain, margarine, confiture,
orange, lait…Je déambule dans une avenue ou le petit
commerce fleurit, bien qu’aujourd’hui, jour de prière,
les magasins sont fermés. Djibouti n’a que 100 ans :
c’est une ville neuve. Je peux lire sur une banderole «
fêtons le 24e anniversaire de notre indépendance
avec éclat et joie » et un peu plus loin
« un seul rapport suffit pour être infecté
par le virus du Sida » ou encore « évitez
les rapports sexuels avec une personne de rencontre occasionnelle
». Un vent sec et brûlant, le Khamsia, souffle et
dure tout le mois d’août. S’il continue demain les boutres
ne partiront pas. Je discute avec trois gendarmes de mon tour
du monde. Ils m’expliquent que c’est un avion en provenance
d’Ethiopie qui livre chaque jour le qât, drogue douce
que l’on mâche et que l’on voit partout dès
l’arrivée de l’avion. Je décide malgré
le vent d’aller voir à l’escale s’il y a des plongées.
Je rencontre Vicente qui m’invite avec son groupe à partir
pour la journée sur les îles Musha dans le golfe
de Tarjourah. La mer est magnifique bien qu’un peu démontée
et je suis trempé. Je réalise un de mes
rêves car à dix mètres du bateau un ban
de trente jeunes dauphins nous croise. Je ne prends pas
de photo car c’est trop court et mon appareil est à l’abri
de l’eau. On arrive enfin sur une plage de rêve au sable
fin et blanc, bordée de palétuviers. J’enfile
palmes et masque mais l’eau est trop trouble à cause
du vent. Mes amis me font partager leur pique-nique car je n’avais
rien prévu pour cette sortie improvisée. Vicente
me parle du gouffre des démons, le Goubet ou le commandant
Cousteau aurait tourné un film sur de monstrueuses bêtes
sous-marines et qui ne serait pas encore sorti. Si vous voulez
plonger avec Vicente : http://www.dankali.com. Moi qui comptais passer la journée
à lire dans ma piaule ! Je retourne acheter des oranges
à la même femme qu’hier. Elle s’intéresse
à mon voyage… A l’hôtel il y a un grand frigo et
j’en profite pour y mettre mes deux bidons d’eau. La recherche
d’eau fraîche, c’est un instinct ici. C’est tout ton corps
qui te fait chercher le frais. Carottes, oranges, thé,
dodo…
|
|
21/07/2001 (Djibouti) Dépenses
: 88 F – Distance parcourue 0 KM
J’achète
du lait frais à la boutique locale et cinq baguettes
de pain à un 1 F pièce comme en France et qui
sortent du four. Retour à la chambre pour le petit déjeuner.
Je passe à la Compagnie maritime Massida pour vérifier
si le cargo du capitaine Sandoum part ou non pour le Yémen.
Ils ne savent pas. Après le plein d’essence pour mon
réchaud je prends la direction du port. Le sac est lourd
et le bateau ne part que dimanche, peut être. Je déprime
un peu car la liberté à laquelle j’ai goûté
pendant trois mois se trouve subitement altérée.
Je suis scotché à Djibouti et il n’y a pas d’autre
solution que d’attendre. Je passe à l’ambassade d’Arabie
Saoudite qui me confirme que je peux obtenir mon visa dans la
journée et je donne passeport, photo, lettre. Je dois
revenir à 13h avec les 500 F. Je vais chez Vicente qui
m’avait proposé une chambre dans le club de plongée
Dolfin en centre ville. C’est là que je vais dormir à
coté des blocs de plongée et des palmes. Je retourne
à l’ambassade pour m’entendre dire que la lettre de l’ambassade
de France ne précise pas le motif de mon voyage et que
je dois y retourner lundi. En outre les visas ne sont délivrés
qu’aux voyageurs munis de billets d’avion et on me conseille
d’aller à l’ambassade du Yémen. Je pars dégoutté…L’Arabie
Saoudite, ce n’est pas pour demain. Je reste sur mon lit toute
l’après midi à lire un « autrement »
passionnant sur la corne d’Afrique et d’autres sur Djibouti.
Je profite de l’ordinateur de Vicente pour calculer fin juin
ma moyenne journalière kilométrique, soit 187
Km et ma moyenne journalière de dépenses, soit
87 F. Couscous thé et je m’endors sous le ventilateur
au plafond.
|
|
22/07/2001 (Djibouti) Dépenses
: 307 F – Distance parcourue 200 Km
Je
fais des photos de Djibouti, inspiré par un beau livre
vu la veille. Vicente m’emmène au port dans sa Land Rover.
Après quelques mots aimables au gendarme de service nous
sommes à l’intérieur. Bonne nouvelle. Il y a un
boutre aujourd’hui pour le Yémen mais j’ai du mal à
le croire. Le coût de la traversée augmente de
20% mais je serai nourri… Je laisse non sans inquiétude
mon passeport à un officier de police, c’est la procédure.
Il doit me le rendre au moment du départ du bateau. On
m’amène sur un plateau une grosse quantité de
riz épicé avec des morceaux de viande que je mange
avec mes doigts. Le boutre, c’est le dhow dans l’océan
indien. Aujourd’hui ces grosses coques de bois ont perdu leur
voile triangulaire au profit des moteurs Diesel. Le mien est
un sambouk, navire à tableau de poupe typique de la Mer
Rouge. Pour la construction, ni architecte, ni plan. Ces bateaux
appareillent à la faveur de la nuit et ont gardé
l’authenticité du nomadisme maritime. Ce sont eux qui
évacuèrent les populations étrangères
d’Aden lors des guerres entre les deux Yémen. Je quitte
le continent africain avec émotion en me rappellant toute
l’attente nécessaire pour parvenir à ce départ
: « Il faut vraiment la patience de Job pour mener à
bien quoi que ce soit dans ces maudits pays » écrivait
Rimbaud et il avait bien raison. Sur le bateau rencontre avec
Abdou et Ahmed qui incarnent la gentillesse du Yémen.
On nous fait descendre sur le pont car la partie haute sera
finalement réservée aux femmes. C’est fou le moment
de bonheur que peut procurer un départ en bateau. J’observe
la mer jusqu’à la nuit, assis en équilibre précaire
sur le rebord en guettant d’éventuels dauphins. Pendant
ce temps tous mâchent le qât. Le bateau longe la
cote Obock Khôr Angar pour s’engouffrer dans Bab El Mambed
et arriver à Al Mukha. Au clair de lune ils pèchent
un thon de bonne taille dans un ban visible de la surface. Le
cuisinier me prend comme chouchou et je mangerai avec lui et
dans le même plat mon morceau de baguette trempé
dans une soupe de légumes épicée. Après
le thé je m’allonge tout habillé et sans couverture
ni drap sur le plancher de bois entre deux yéménites.
|
|
23/07/2001 (Yemen) Dépenses :
32F – Distance parcourue 366 Km
Réveil
vers 5 h la figure sacrément enfarinée par manque
d’eau. Les toilettes, c’est une caisse en bois qui est fixée
sur le coté du bateau, un simple trou dans les planches
donne sur le bleu de la mer rouge. Comme ca fait un mètre
de hauteur il faut y entrer accroupi. Une partie des voyageurs
de cette galère vomissent tout ce qu’ils peuvent malgré
les petits citrons vert distribués généreusement.
Il y a une chèvre dans la cale et le cuisinier s’affaire
à découper une jambe de mouton attachée
par une corde à l’avant du bateau. Comme tout le monde
je vais me régaler de ces morceaux de viande bouillis
dans une soupe ou l’on trempe son pain en guise de petit déjeuner.
Il n’est pas encore sept heures du matin. Le capitaine sur le
gaillard arrière se fait servir comme un prince et gueule
souvent. J’emprunte un guide du routard à un yéménite
et je lis un peu le Coran en français/arabe. Arrivée
à Al Mukha en plein soleil vers dix heures sur un quai
loin de la ville. Une fois appelé avec son passeport
on peut descendre sur le quai mais le passeport est rendu 800
m plus loin au service de l’immigration. Faute de prendre une
moto-taxi pour m’y rendre je transpire à mort. Je
dois vider mon sac devant le douanier et je repars pour changer
mon pécule de Djiboutiens en Riab ( Abdou m’a donné
le cours ). Je fais écrire sur ma pancarte par
un yéménite TAIZZ en arabe pour reprendre
le stop en pleine chaleur. Un type s’arrête et repart
car il veut du pognon. Un autre m’emmène à Taizz
et paye un bus qui me fait traverser la ville. Je ne voulais
pas mais il m’a littéralement poussé dedans. Impossible
de connaître son nom car nous n’avons pas de langue commune.
Après un paysage désertique ou l’on croise des
dromadaires ainsi que des autochtones sur de vielles motos
avec leur Kalachnikov en bandoulière. Nous voilà
au frais dans les montagnes. Je marche beaucoup : le stop est
dur. Il n’y a guère que des Taxis Toyota avec plateau
à bétail à l’arrière. Deux d’entre
eux m’emmènent gratos à Ibb. Il est déjà
tard et il reste 200 Km pour San’a ou je souhaiterais être
tôt demain pour voir les ambassades. Je continue donc
le stop. Il pleut un peu et je ne suis pas sur la route principale.
Ahmou et Ahmed s’arrêtent et me demandent combien je paye.
Je leur réponds zéro et ils ne comprennent pas
car pour eux ca n’existe pas. Ils décident de m’emmener
sur la route principale puis ensuite sur la moitié du
trajet et enfin jusqu'à San’a ! Eau, gâteau, pain,
thé : ils m’ont tout payé avec insistance. Il
fait froid. On monte dans un paysage magnifique et la pluie
qui tombe crée des torrents impressionnants de boue rouge.
Cette pluie provoque des inondations dans les villes. Celles
ci sont immenses par rapport à celles d’Ethiopie. Les
barrages de police sont nombreux. Je me suis endormi dans la
voiture et j’émerge vers 22h à l’arrivée
dans la ville. Je trouve vite un hôtel à 30F et
au lit.
|
Yemen
|
24/07/2001 (Yemen) Dépenses :
42F – Distance parcourue 0 Km
Petit
déjeuner et douche chaude. Je prends un minibus direction
ambassade de France. La communication est bougrement difficile
: anglais de temps en temps. Il faut aborder les hommes en cravate
ou les jeunes mais ils sont peu communicatifs et semblent peu
motivés à vous aider. A l’ambassade il me faut
attendre 9 h pour avoir une lettre et je décide de m’en
passer et de filer directement à l’ambassade d’Arabie
Saoudite. J’hallucine car il y a au moins 200 personnes qui
attendent. Ceux qui approchent trop près de la porte
sont aspergés d’eau par un soldat. Je me sens fichu parmi
cette foule et mon cas va être difficile à plaider.
Privilège du blanc, on me fait entrer dans les premiers.
Attente infernale, un type me dit non, un autre me réclame
la lettre de mon ambassade avant 11h et il est 10h. arrivé
là bas on ne peut me faire la lettre car le traducteur
est parti. On m’informe que l’Arabie Saoudite a l’habitude
de faire tourner les gens en rond jusqu’à ce qu’ils désespèrent
et renoncent et on me conseille de miser sur Oman. J’y file
et pars pour une longue attente bien que je sois seul. Le Consul
arrive, pas franchement sympa. Il me dit que j’aurai mon visa
samedi, soit dans quatre jours, et que je dois remettre un formulaire
tapé à la machine. Il croit peut être que
j’en ai une dans mon sac. Je dois revenir demain car l’ambassade
ferme et on me le fait bien comprendre. Après cet épisode
folklorique j’achète des bananes à un épicier
qui est en train de manger des pains ronds trempés dans
une soupe de légumes et de riz à même le
sol de sa boutique avec deux enfants et un adolescent. Ils insistent
pour que je mange avec eux. J’adore ces bons moments ou nous
picorons à mains nues dans le plat commun : c’est simple
mais on ne s’attarde pas. Une fois rassasié tout le monde
disparaît. L’après midi je marche, je marche dans
cette ville immense et je regagne mon hôtel que j’ai du
mal à situer et qui est finalement très loin du
centre. Les femmes sont voilées de la tête aux
pieds et même leurs yeux sont dissimulés par un
voile un peu plus fin. Tout de noir vêtues, elles encombrent
les magasins de bijoux, tissus et vêtements…Cela me semble
bizarre car on ne voit rien sous leur voile. Elles ont une vie,
mais seulement à la maison. Pour mon itinéraire
vers Oman, il y a de nombreuses inconnues car ma carte ne fait
figurer aucune des routes dont les gens me parlent ici. Je n’aime
pas ça et j’espère que la carte est ancienne car
aucune route n’y figure effectivement entre le Yémen
et Oman. Douche, spaghettis et vache qui rit, « Laughing
cow »sur la boite, journal et au lit. Je crains que demain
ne soit aussi très merdique pour les visas.
|
|
25/07/2001 (Yemen) Dépenses :
120 F – Distance parcourue 0 Km
Après
le petit déjeuner, taxi direct pour l’Ambassade de France.
On m’indique que le centre culturel français pourrait
m’aider à taper le formulaire d’Oman. J’attends 9h30
et rencontre une femme voilée qui parle français
et qui me conduit dans le quartier universitaire ou l’on finit
par dégoter une machine à écrire 15F et
10F si c’est moi qui tape. Chose faite aussitôt. Je donne
mon formulaire à l’ambassade d’Oman et attends. Ils doivent
le faxer et promettent de téléphoner pour accélérer
les choses, sinon c’est férié jeudi et vendredi
et je risque de ne l’avoir que samedi ou dimanche en étant
à nouveau scotché sur place au pays de la reine
de Saba. San’a c’est la perle de l’Arabie au pied du djebel
Nogumù à 2350 m d’altitude. les habitants portent
le djambia, poignard recourbé porté sur le nombril
: on ne voit que lui. Certains sont très coûteux
surtout si le manche est en corne de rhinocéros. Le port
de la djambia marque le passage à l’âge adulte.
La visite de la vieille ville s’impose. Elle est classée
patrimoine mondial de l’humanité et a survécu
à la guerre civile de 1962 à 1970, aux bombardements
de l’aviation égyptienne et au siège des troupes
royalistes en 1968. Des défenses antiaériennes
entourent la ville. Ici les maisons ont choisi la verticalité
: maison tour ou palais tour, parfois de neuf étages.
Je trouve une carte récente du Yémen : les routes
sont plus nombreuses mais il en manque encore un bout pour se
rendre à Oman. J’apprends aussi qu’il faut que j’aille
au Général Tourism Authority pour demander une
autorisation de passage sur les routes de l’est du pays, sinon
la police peut me renvoyer sur San’a. Une heure d’internet pour
12 F, ce n’est pas cher. Je découvre une photo de mes
filles en pièce jointe d’un mail de mes parents. Elles
sont magnifiques. La réponse de l’ambassade d’Oman ne
me sera finalement donnée que samedi. Me voilà
coincé dans cette ville pour deux jours fériés
ou tout sera fermé : misère, misère…Comment
positiver tout cela ? Bonne nouvelle ! Je n’ai pas besoin de
visa pour les Emirats Arabes Unis. Il pleut. Je demande mon
chemin à des policiers de service à la circulation
et je me retrouve dans le bus qui assure leur relève
et me dépose devant mon hôtel. Ils se sont beaucoup
amusés de notre contact. La circulation est hallucinante
: tout le monde klaxonne et le piéton a intérêt
à se pousser. Le bruit est assommant. Pour faire varier
un peu mon repas, je fais une première en faisant cuire
3 œufs dans le couvercle de ma gamelle avec un peu de margarine.
Cette omelette dans du pain rond est un régal.
|
|
26/07/2001 (Yemen) Dépenses :
51 F – Distance parcourue 0 Km
Grasse
matinée jusqu’à 8h. Le Général Tourism
Authority me délivre un papier pour aller jusqu’à
Say mais ne veulent pas que je passe par Ma’rib car il y a des
problèmes avec les tribus qui kidnappent de temps à
autre des touristes. Il paraît qu’ils sont bien traités,
le temps que le gouvernement paie ou traite le problème
par la force. Amin me donne plein d’infos sur le trajet à
suivre pour gagner Oman ‘et il y a des pistes. Im me dit de
me rendre à Al Mahwit demain car il y a des danses chaque
vendredi. C’est une tour palais située à 10 km
construite sur un roc et ultra touristique. Je change des travellers
et obtiens des Riab et des dollars. Je fume le narguilé
avec les hommes. Chacun est assis à environ un mêtre
de hauteur sur des tréteaux appuyés contre le
mur, chacun son coussin pour le dos et certains mâchent
le qât. Tous regardent un programme égyptien à
la télé. Sur les murs des posters de la Mecque,
d’enfants, d’animaux. C’est un endroit de détente un
peu sombre ou l’on sert le thé et ou chacun tue l’ennui
de cet après midi pluvieux. Ils sont très amusés
de me voir ici et l’un d’entre eux me parle en anglais. Je paye
1,50 F. Quand je sors la rue est devenue un torrent. Je traverse
les pieds dans l’eau en suivant un yéménite qui,
d’un regard, me dit qu’il n’y a pas de problème. Ici
c’est comme ca. J’achète un kilo de dattes fraîches
à 5 F et un kilo de barbaresque pour mon déjeuner.
Dans l’après midi je croise en pleine rue une jeep équipée
de deux mitrailleuses lourdes avec des chapelets de balles qui
vont avec. Un homme vend sur le trottoir des pièces de
pistolet et un homme sort son arme pour lui acheter un étui.
Hier un homme a tiré un balle contre un mur peu après
mon passage. Un essai sans doute avant l’achat. Tous ces outils
de destruction, le qât et la pauvreté ambiante
me plongent dans des réflexions que je développerai
peut être à mon retour avec le recul nécessaire.
En attendant la nuit tombe et après un couscous dans
la piaule, je sombre dans le sommeil.
|
|
27/07/2001 (Yemen) Dépenses :
70 F – Distance parcourue 20 Km
Sortie
matinale pour le pain et le lait du petit déjeuner. J’ai
du mal à trouver un taxi pour Al Mawit et surtout expliquer
ma destination. Je me rends finalement compte que c’est à
100 Km et pas à 10 ! Finalement un homme en costume indique
que c’est le palais Dar El Hajar et je négocie un taxi
pour 7F50. Nous arrivons dans un paysage de falaises jaunes.
Nous sommes au bord du vide et on aperçoit en contrebas
le palais perché. Je découvre la danse du couteau
au rythme des tambours et le tir à la Kalachnikov à
balles réelles depuis la falaise. Le bruit est affolant
lorsqu’on se tient à moins d’un mètre du tireur.
Quelle distraction ! Un autre homme a une mitrailleuse sur pieds
et tire quelques salves qui déchirent le tympan. Enfin
le palais magnifique que l’on voit sur tous les guides et affiches
touristiques. L’entrée est à 20 F mais seulement
5 pour les Yéménites. Me voilà dans des
escaliers qui n’en finissent pas de monter. Les murs sont blancs.
Ca ressemble aux maisons grecques ou tout est arrondi. En haut
des fenêtres à vitraux qui donnent sur la plaine.
C’était le palais d’été de l’Imam Yahya
en 1930. Il y a des restes d’un site préhistorique dont
l’accès se faisait au moyen de cordes. Au centre de la
roche un puits est percé jusqu’en bas et permettait l’accès
à l’eau et aussi de s’échapper. Je rencontre Cherif
et Gos, habitants des Emirats Arabes Unis, qui logent au Shératon
et me ramènent à San’a. Après le dîner
panne de courant à l’hôtel, fréquente au
moment des pluies. On m’amène une bougie qui me permet
d’écrire ce journal sur un tapis de prière
qui m’a été apporté. A cause de mon chech
ils croient sûrement que je suis musulman. C’est ma cinquième
nuit dans cette chambre en sous-sol et qui ne possède
qu’une lucarne donnant sur les pieds des clients qui entrent
et sortent de l’hôtel. Combien de nuits me restent-il
à passer là ? Je prie Allah pour que ce soit l’avant
dernière car j’en ai un peu assez.
|
|
28/07/2001 (Yemen) Dépenses :
233 F - Distance parcourue : 0 km
Levé
tôt, je prends le minibus pour aller faire le tour des
ambassades. Je tente l'Inde mais les délais sont trop
longs (1 semaine). A Omar, je l'obtiens juste après 1
heure 30 d'attente. Je profite ensuite de cette ville mouvante
et bruyante. La rue est une vraie fourmilière et j'observe
tout cela depuis le restaurant où je déjeune d¹une
cuisse de poulet rôtie accompagnée de quelques
pains ronds. Il y a beaucoup de boutiques-ateliers dans lesquelles
on fabrique des portes en fer que l¹on voit partout. En
Ethiopie, il n'y avait pas ces portes qui protègent si
bien les maisons du Yemen, signe de richesse car " je possède
donc je protège ". J'ai fait une vaine tentative
pour vendre mes chaussures mais vu qu¹ils sont tous en
sandales, les chaussures de montagne, ce n'était pas
très approprié.. Beaucoup de gens viennent me
voir pour m'aider ou juste pour parler (souvent entièrement
en arabe).
|
|
29/07/2001 (Yemen) Dépenses :
70 F - Distance parcourue : 368 Km
Il
doit être très tôt quand je sors de l'hôtel,
il fait encore nuit et des hommes dorment encore dans le couloir.
Je trouve un garçon qui sort une fournée de pain
et je lui en achète quelques uns pour le petit déjeuner.
Au rayon pratique, j'ai adopté des boîtes à
fermeture par vis, en plastique. C'est le meilleur rapport qualité-prix
(et fini les grains de couscous partout dans le sac). Je commence
le stop et il faut que je patiente dix bonnes minutes avant
qu'Abdou s'arrête avec son minibus et au prix d'un
petit mensonge (il n'acceptait de me prendre que si j'étais
musulman, alors...) j'ai parcouru quelques kilomètres
à fond de train sur une route magnifique, toute en ocres,
avec la montagne tourmentée tout autour. Vers Hammâm
Damt, Karim prend le relais et je me retrouve à l'arrière
de sa fourgonnette postale, avec deux autres jeunes. J'accepte
les feuilles de Kât qu'ils m¹offrent pendant le voyage
et nous communiquons par gestes (on apprend malgré tout
pas mal de choses). Nous quittons la montagne pour aborder la
côte et nous retrouvons le sable sur la route, les palmiers,
les dromadaires, la soif, la sueur. Nous arrivons à Crater,
un quartier d'Aden construit au centre d'un volcan. Je trouve
un hôtel (un peu plus cher que d'habitude, mais il y a
un ventilateur dans la chambre) et je repars pour marcher un
peu dans la ville. La plage est pleine de cadavres séchés
de poissons-ballons. Je prends en photo un pêcheur qui
découpe des petits requins. Ici, cela ressemble un peu
à Santonin (Grèce). Il fait chaud et les hommes
dorment dans la rue, les femmes ne sont pas voilées.
Je traverse un bidonville pour gagner les falaises de lave.
Sur le sol, des dizaines de tuyaux d'acier conduisent l¹eau
dans les habitations. Les chèvres et les ânes mangent
les immondices, les enfants jouent au billard dehors et les
dromadaires tirent les charrettes. J'achète des kebabs
et je traverse la foule (mon hôtel est en plein centre)
qui traîne sur le marché, dans le souk, au milieu
des klaxons des voitures. Je m'endors content de cette journée,
tant sur le plan du stop que sur le plan du tourisme. Cela faisait
longtemps !
|
|
30/07/2001 (Yemen) Dépenses :
3 F - Distance parcourue : 368 Km
Je
suis levé aux aurores et je prends le minibus après
le petit déjeuner (raison, pain, margarine et confiture).
Le stop débute plutôt bien : Abdo me prend à
l'arrière de son pick-up jusqu'à Shuqrah. Il est
sympa, m'offre à boire et s'arrête pour que je
puisse prendre des photos (puits, dromadaires, vendeurs de mérous
sur la route). Au poste de contrôle, cela se gâte
un peu, on m'arrête et je dois laisser le véhicule
partir sans moi car ils ont l'intention de me renvoyer d'où
je viens. Je fais un cinéma d'enfer (cela m'amuse mais
je finis par m'énerver quand même) et ils finissent
par me charger dans la voiture de la famille Qarda. Ils partent
en vacances à Al Mah Fad et m'invitent à partager
leur déjeuner (poulet grillé, riz épicé).
Comme d'habitude, on ne s'attarde pas, et dès que l'oncle
a fini ses rots impressionnants, on se recase tous dans la Peugeot
break. Le paysage est désertique et il fait très
chaud. J'ai de la route à faire alors je décline
l'invitation lorsqu'ils me proposent de m'accueillir pour la
nuit. Saleen m'emmène à Habban. Il est 15 h 30
et je décide de poursuivre ma route. Le paysage est fabuleux
: maisons aériennes avec des pointes aux coins des toits,
grands canyons en toile de fond, oasis de verdure en contrebas
dans l'oued asséché. Malheureusement, les problèmes
commencent vraiment. La police ne veut pas que je fasse du stop.
Aucun véhicule n'est disponible, alors je pars à
pied, suivi par un policier armé. La voiture de police
nous rejoint au bout de 3/4 d'heure et ils me disent qu'ils
vont m'emmener à Al Mukalla. En fait, nous arrivons au
quartier général de la police, à Ataq.
Ils appellent le ministère à San'a, personne ne
parle anglais et me voici prêt à prendre l'avion
pour Paris. Au bout d¹une heure, je rencontre Mutrak qui
travaille pour le ministère de la défense et qui
m'explique qu'il va m'emmener à l'hôtel, puis au
restaurant (offerts par l'Etat) et qu¹il s'occupe demain
de me procurer un laisser -passer des plus hautes instances
pour m'éviter tout problèmes aux postes de contrôle.
Voilà une journée riche en émotions. Demain,
grand mystère car je suis toujours sous le contrôle
de la police (d'ailleurs, Mutrak dort avec moi).
|
|
31/07/2001 (Yemen) Dépenses :
50 F - Distance parcourue : 305 Km
Je
fais un maximum de bruit pour réveiller (enfin !) Mutrak
qui dort toujours. L'attente au quartier général
n¹en finit pas. Il est 11 heures et je n'en peux plus d'entendre
des propos contradictoires. Je m'énerve, menace de partir
et je finis par le faire réellement. A la barrière,
je passe assez vite pour éviter les questions et je me
retrouve libre sur une grande avenue, n'en revenant pas que
j'ai pu faire cela. Je monte dans un camion qui me permet de
retourner à l'endroit où j'étais hier.
Je me prépare à monter dans une autre voiture
lorsque la police arrive et m'arrête à nouveau.
Je pique une crise, je m'allonge au milieu de la route. Les
gens s'arrêtent et je me fais encore embarquer par la
police, mais qui, aujourd¹hui, m'emmène dans la
bonne direction. J'arrive enfin à Al Mukalla dans la
nuit. L'hôtel est correct et je peux profiter d'une douche
et d'un vrai lit.
|
|