JANVIER 2002 Australie Nouvelle-Zélande Argentine Chili

 

01/01/2002 (Australie) Dépenses : 172 F - Distance parcourue : 570 km

On est en 2002 et l'année commence pour moi à cinq heures du matin par du lait de soja, du pain, du beurre. J'attends Nick qui m'offre un vrai jus d'orange en bord de mer puis m'invite au musée de la moto. Ce n'est pas trop mon truc mais c'est hyper local. Il me laisse ensuite en plein soleil mais me donne un chapeau. Bruce et Luarne me déposeront ensuite à Sydney cernée par les flammes et les hélicoptères. Tout est complet (le feu d'artifice explique la concentration touristique actuelle) et je me rabats sur un lit dans un dortoir pour la modique somme de 134 francs (!). Internet, pâtes et au lit. Il y a beaucoup de touristes ici, je n'aime pas beaucoup...

 

02/01/2002 (Australie) Dépenses : 300 F - Distance parcourue : 0 km

Toasts grillés dans la superbe cuisine de cette auberge de jeunesse bagpacker, puis j'envoie les photos sur Internet à toute vitesse, la connexion est bonne et vous dormez en France. J'ai décidé de me faire plaisir et de prendre mon temps pour voir Sydney. Je traverse les quartiers d'affaires, les centres commerciaux au milieu de la foule qui déambule, la plupart des mecs sont en costard. Je me sens un peu en décalage, à regarder le sommet des immeubles comme si je n'en avais jamais vus. Tout est assez calme, les gens sont détendus, les parcs et les espaces sont verts, le soleil est beau... Bref tout paraît assez serein. Je prends le bateau au circular quay pour aller au Taronga zoo (je passe à l'occasion devant le Sydney Harbour Bridge et le Sydney Opera House, les deux merveilles architecturales de la ville). Sur l'eau, on croise des voiliers qui régatent. Je n'aime que l'on enferme les animaux, mais je tiens à voir les koalas avant de quitter l'Australie. Ce zoo est magnifique et j'aimerais que mes filles soient avec moi : chauves-souris, gorilles monstrueux, dingos, tortues, singe-araignée, platipus, pandas, wombat et, bien sûr, les koalas. Je reste une heure à admirer ces peluches presque immobiles. Je les avais cherchés en vain pendant une journée dans le parc national de Noosa Head. On vit vraiment dans un monde fascinant. Retour en ville pour passer quatre heures à l'aquarium de Sydney, musique classique dans les tunnels autour desquels passent requins, raies, tortues, poissons tropicaux. Je profite de la fermeture à 22 heures et j'observe un poisson au milieu d'une dizaine d'autres identiques. Son individualité perd un peu de son sens dans le groupe, ils se ressemblent tous... S'il pense qu'il est mieux que les autres, alors il est idiot. Je médite sur la solitude de l'individu, solitude même au sein du groupe, chacun vit son destin, le confort du groupe n'est qu'un leurre, nous sommes seuls dans cet univers car personne ne peut nous ressentir, partager notre monde intérieur, chacun lutte seul... J'ai trouvé une nouvelle guesthouse (80 francs) très bab, c'est un vrai bordel, cela fume, les sacs à dos sont éventrés sur la moquette du dortoir. Extinction des lumières vers 1 heure du matin. Les fenêtres restent ouvertes sur l'agitation de la rue.

 

03/01/2002 (Australie) Dépenses : 84 F - Distance parcourue : 0 km

Toasts, lait chaud et Internet. J'achète ensuite une nouvelle bâche (j'ai perdu la précédente) et le type, sympa, me donne en prime des piquets qui traînaient par là. Ballade très cool et reposante dans Hyde Park puis au Royal Botanic Garden après avoir passé une bonne demi-heure dans la cathédrale St Mary et la galerie de peinture. Le lieu est en harmonie avec les oeuvres, c'est très beau. J'aime cette ville calme où les hommes d'affaires quittent leurs bureaux à 17 heures, où les espaces verts semblent être une priorité, où il est écrit dans les parcs " please walk on the grass, smell the roses, talk to the birds, picnic on the lawns ". À l'aéroport, les problèmes commencent : je devais vider mon brûleur, le nettoyer à l'huile végétale et l'exposer 48 heures au soleil. En négociant dur contre la sévérité du système (je veux prendre cet avion et ne pas abandonner mon appareil !), je me retrouve trois fois de suite dans les toilettes de l'aéroport à nettoyer et sécher au sèche-cheveux mon appareil jusqu'à ce qu'on ne puisse plus sentir un gramme d'essence... Deux heures après, ils acceptent mon appareil à bord. Vu la fiche que j'ai remplie dans l'avion, je m'attends à un contrôle de mon sac à l'australienne et donc à voir disparaître mon lait en poudre, ma tente, mes pâtes... En fait, ils vont confisquer uniquement mon miel (pour une fois que j'en achète !), la tente, plantée dernièrement dans le sable, était propre ainsi que les piquets. Je trouve un coin dans l'aéroport pour dormir.


Nouvelle-Zélande

04/01/2002 (Nouvelle-Zélande) Dépenses : 30 F - Distance parcourue : 330 km

Il y a des douches chaudes à l'aéroport (c'est le grand luxe). J'achète la carte du pays (il était temps) et passe au distributeur. Ici, il fait froid, c'est vert, très anglais, les prés sont clôturés, les moutons ont de la laine épaisse, tout est propre, les routes sont nickel. Mais je marche une heure sur la Nationale 1avant que Herman, un touriste allemand de 60 ans ne s'arrête. Il ne sait pas où il va alors il m'emmène un peu avant Twizel, 273 km plus loin. Les paysages sont changeants et toujours magnifiques, paisibles. Le lac Tekapo est vert et donne sur la chaîne de montagnes du Mont Cook National Park. Une petite église en pierre donne sur le lac, une immense vitre permettant aux fidèles de l'observer pendant la prière. Des touristes allemands me déposent au visitor centre du Mont Cook National Park. Je suis au pied du glacier après une demi-heure de marche, je tente vainement de monter ma tente. Il pleut et une heure après, tout est absolument trempé (il pleut à l'oblique et le vent s'est levé). Je jette la tente, fou de rage, pour finir par la récupérer et tailler allègrement dedans pour découper au moins de quoi protéger le sac à dos. Je trouve un camping et je suis invité à partager le dîner d'Australiens. Je dors sous l'abri qui sert de salle à manger pour le camping. Ça caille dur... La nuit tombe vers 22 heures 30, je n'ai pas de montre et je suis un peu déphasé.



05/01/2002 (Nouvelle-Zélande) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 479 km

Je me balade pendant trois heures autour des glaciers, je passe des ponts suspendus, le torrent est boueux. Il fait gris, mais quelques sommets émergent des nuages par intermittence. Je ne verrai pas le Mont Cook (3754 m). Jane et Robert, puis Dave (guide), puis Derick, puis Soeren (touriste allemand qui s'arrête alors que je suis entrain de manger sur le bord de la route sans même tendre le pouce), puis Blake et Nathalie (jeune NZ) me déposent au Fox glacier sur la côte ouest. Sur la route, le lac Hawea s'étire majestueusement de sa couleur verte. Pensant trouver les deux abris indiqués sur le glacier, je me lance sur le sentier qui devient abrupt et dangereux (cordes, chaînes et ponts de planches) ; Il va faire nuit, je ne trouve pas les abris et je suis sur un flanc du glacier couvert de pierres et je décide de rebrousser chemin. Je rencontre par miracle une famille à 22 heures sur le parking, qui me conduira à Fox Town où je passe la nuit (toujours froide !) sous l'abri de l'office de tourisme.



06/01/2002 (Nouvelle-Zélande) Dépenses : 21 F - Distance parcourue : 295 km

Il n'y a personne quand je commence le stop, alors je me lance dans la lecture des citations de la langue française. Je vous en livre quelques-unes... " Qui se connaît connaît les autres car chaque homme porte en lui la forme entière de l'humaine condition " (Montaigne) ; " L'homme a reçu de la nature une clef avec laquelle il remonte la femme toutes les 24 heures " (Victor Hugo). Non (Guide d'hélicoptère) me pose au Franz Josef Glacier. Celui-ci est moins couvert de pierres et de sa gueule verte sort un torrent de boue, les blocs de glace s'effondrent dans un bruit d'éboulis. Au village, j'avale du pain beurré et je discute avec un cycliste qui tire une petite charrette. Il fait le tour de la Nouvelle-Zélande en trois mois. Isabelle me dépose ensuite à Reefton, une vraie ville de western. Je marche ensuite pendant une bonne heure, il n'y a pas de voiture. Je trouve une langue de sable au milieu de la rivière sur laquelle je monte ma nouvelle tente MAC PAK (2100 francs, made in NZ), achetée ce midi à Mokitika. Elle pèse presque trois kilos mais je peux lire dedans, mettre mon sac, enfin vivre quoi.

07/01/2002 (Nouvelle-Zélande) Dépenses : 315 F - Distance parcourue : 328 km

Je marche deux heures, le trafic est presque inexistant. Mes chevilles et mon dos sont douloureux. Mike (un fermier local), puis Phil, puis Dave, puis Avril (prof d'anglais) me posent à Kaikoura. Je suis dans les temps pour le moment. Je prends directement le bateau pour voir les baleines. On a de la chance, on peut en observer trois. Elles ne sont pas très grosses mais le spectacle est prenant. Nous avons la chance de croiser au retour une cinquantaine de dauphins qui jouent à l'avant du bateau. Ils nous tiennent compagnie une vingtaine de minutes, un vrai bonheur ! De retour vers 19 heures, j'achète des pommes, je prends une douche " sauvage " dans un hôtel dont la porte était ouverte et je marche jusqu'au cap pour y planter ma tente. Je suis sur une falaise de rêve, à 10 mètres du phare. En contrebas, les phoques se prélassent sur les rochers. Omelette, coucher de soleil flamboyant et dodo.




08/01/2002 (Nouvelle-Zélande) Dépenses : 6 F - Distance parcourue : 161 Km

Encore une nuit ou je ne caille pas. Pain beurre, le temps est au gris. Je fais trempette à marée basse pour passer sur une île de la péninsule et voir à 3 mètres les phoques qui font la grasse matinée en m’observant du coin de l’œil. Bagarre entre un phoque et un couple d’albatros qui défend ses petits encore au nid. Je croise le 4x4 du snorkeling des phoques. Le patron me prend en stop. On attend onze heures que le temps soit meilleur. Si le soleil vient les phoques iront à l’eau. Emma, visage mi-chinois, mi-allemand, et sa copine nous emmènent dans l’eau glaciale. Nous avons une bonne combinaison de plongée de 7 mm d’épaisseur. On longe les rochers sur lesquels éclatent de grosses vagues : la visibilité est mauvaise, au bord les phoques dorment toujours… J’ai la chance d’en approcher un qui nage en surface et sort ses nageoires pour les chauffer au soleil mais c’est plus une grosse tache sombre dans l’eau trouble. Pour le coup les filles ne nous font pas payer cette sortie. Retour sur terre au milieu des algues à bulles locales. Carottes crues, pamplemousse et céréales pour midi et stop avec Grant, puis Eddy, puis Marc et enfin Jason qui m’invite au pub et ensuite chez lui à Picton pour la nuit : une chambre pour moi seul, que demande le peuple !  Encore une soirée alcoolisée et sympa. Il boit comme un dingue et interdit de séjour dans deux pubs de Picton : c’est sa manière à lui d’oublier que sa femme s’est tirée avec son enfant de 6 ans à Sydney. Je fais des spaghettis avec du jambon grillé et du fromage râpé, un délice qui se termine sur des pèches.



09/01/2002 (Nouvelle-Zélande) Dépenses : 171 F – Distance parcourue 488 Km

5h, le réveil sonne. Quelle horreur ! Ca fait bien 9 mois que je n’ai pas entendu de réveil me dire « lève toi. Je rate presque le ferry pour Wellington dans lequel je termine ma nuit. Il pleut. Petit déjeuner face à la poste puis stop sous la pluie ! Félix, un maori puis Michael, puis Isaac me posent à Devin ou je vais rester scotché 3 heures sous la pluie, le sac dans la cabine téléphonique. J’ai froid, je suis trempé et fatigué. Je finis assis sur le trottoir et tout le monde s’en fout… Debby et Tom arrivent pour me sauver et me poser à Rotorua : décidément je suis dans mon timing. Sur la route de belles forets de pins importés, le lac Taupo, des cerfs et des biches en captivité qui sont élevées afin d’être mangées. Je campe sur une aire de repos à 2 km avant Rotorua. Il pleut toujours : céréales et au lit.

 

10/01/2002 (Nouvelle-Zélande) Dépenses : 108 F – Distance parcourue 200 Km

Levé sous la pluie, pain, beurre, confiture et lait chaud. Je plie la tente mouillée : Je n’aime pas cela mais je la sécherai à Auckland. 3 km de marche pour visiter le site thermal de Rotorua, le célèbre Pohutu Geyser qui crache eau et fumée et explose 10 à 20 fois par jour en jet d’eau de baleine. Autour toute la campagne fume et le sol est chaud. Par endroit la boue fait des bulles et bouillonne… Je reste une heure trente devant Pohutu mais la nature ne se commande pas et je n’aurai droit qu’à un petit jet continu de 5 à 6 mètres de haut. Vu un Kiwi en captivité, cet animal national qui vit la nuit et pond des œufs presque aussi gros que lui. Comme je demandais un carton pour le stop à la station service, Robin et Grame me proposent de m’emmener jusqu’à la nationale 1 : voilà mon sac dans le camion à vaches dont le sol est couvert de boue et autres substances excrémentales (pourvu que le sac ne tombe pas dedans). Kanja un maori m’emmène et m’offre le thé à la radio maori locale. Il lance même un appel sur les ondes style « un français sympa tour du mondiste à besoin d’un stop : Appelez la radio » mais nous n’aurons pas de réponse et c’est dommage car je vais rester planté 3 heures sur la route sous la pluie avant que Stephen ne m’emmène en plein centre d’Auckland ou je trouve en 2 secondes un endroit surprenant ou vivent des étudiants étrangers, surtout asiatiques, dans une ambiance assez cool. Il faut les voir, une bonne dizaine, s’agiter dans la cuisine, chacun préparant son plat. Je profite de la douche et pour la première fois du lave linge. Soirée tardive avec Sarah, française souriante et sympa, et Guillaume qui se pose beaucoup de questions sur lui-même. Je dors sur la moquette pour 45 F.




11/01/2002 (Nouvelle-Zélande, Argentine) Dépenses : 370 F – Distance parcourue : 0 Km

Quelques achats car je n’ai plus rien à manger : Internet, achat d’une carte d’Amérique du Sud. Je cherche un billet d’avion Buenos Aires – Ushuaia pour éviter l’Argentine très agitée à l’heure actuelle. Courses et thé avec Sarah. Je croise Guillaume, toujours aussi perdu, avant de prendre le bus pour l’aéroport. Je rencontre aussi un jeune qui désespère de trouver du travail et qui raconte que dieu l’a sauvé : étranges destins et bonne chance à vous Sarah et Guillaume. Je liquide mon argent local et monte dans le Boeing 747 pour 10.723 Km, soit 10h25 de vol par moins 5° à plus de 10 km d’altitude et passant au-dessus de Papeete et Honolulu. Impossible dans l’aéroport de ne pas penser à l’avion que je prendrai d’ici trois mois pour revoir mes filles et ma famille. Beaucoup de questions en tête devant ce nouveau gros morceau de mon voyage. Je sais que je vais transpirer, avoir froid, soif, faim, fatigue dans le continent fabuleux qui m’attend au-delà de l’Océan Pacifique. Dîner de luxe dans l’avion avec menu végétarien comme enregistré par Quantas. « S’il y a une solution à un problème, alors il n’y a pas lieu de s’inquiéter ; s’il n’y en a pas, il n’a pas non plus de sens à s’inquiéter à son sujet » dit le Dalai Lama. Je ferme le livre et je m’endors. Réveil : on est toujours le 11 janvier 2002 et on arrive à Buenos Aires avant d’être parti ! Pas de chance, je rate l’avion de 14h pour Ushuaia car l’aéroport national est à une heure de bus de l’international. Par chance je paie 708F un billet que j’avais failli acheter 2.000F à Auckland. 85F de bus pour rallier l’autre aéroport ce qui me permet de passer par le centre ville de Buenos Aires qui ressemble à celui de Sydney : super développé avec des camions blindés dans la rue, des manifestations à la Bourse du travail. On a du mal à imaginer les violences de cette capitale dues à la crise actuelle en Argentine. Les filles sont presque nues dans leur jean court au nombril. Je ne vous parle pas des jupes ou des décolletés sinon la température va monter et il fait déjà 35° : pas la peine d’en rajouter. Ici c’est l’espagnol et il faut que j’oublie mon anglais devenu instinctif et me mettre sérieusement à la langue locale : Madré de puta no es facil per un francés que se llama federico… 10h d’attente à l’aéroport et enfin le temps de lire. L’avion me pose vers 2h du matin à Ushuaia après avoir avalé 2 micro-sandwiches de la compagnie, je squatte un coin de l’aéroport pour tenter de dormir mais le décalage horaire me fera passer une nuit blanche.


Nouvelle-Zélande


Patagonie

12/01/2002 (Chili,Argentine) Dépenses : 125 F – Distance parcourue 378 Km

Petit déjeuner habituel puis marche pour sortir de l’aéroport. Je découvre le cirque de montagnes environnantes et couvertes de neige alors que c’est l’été ici, sur la mer des montagnes enneigées sortent de l’eau, sorte de fjords nordiques. La lumière pure enchante ce lieu ou je reprends conscience et sort de mon engourdissement. Il fait chaud maintenant que le soleil sort de l’horizon. Un garde de l’aéroport puis un fervent croyant me posent au parc national de la Tierra Del Fuego dont je ne paie pas l’entrée car il est encore trop tôt. Je me fais une ballade magnifique pour arriver au bout du monde, mais j’appelle plutôt cela le bout de l’Amérique du Sud car il n’y a pas de bout du monde sinon on n’en ferait pas le tour ! Je croise de grosses oies en bord de mer et les barrages des castors mais malgré ma patiente observation, ils resteront cachés. Retour avec un camion d’entretien du parc puis avec Sébastien et Martin qui me pose en ville ou j’achète des habits car les miens n’en peuvent plus d’exister. Je me fais un mélange détonnant de muesli et yaourt sur le parking du supermarché, entouré de 5 futurs délinquants d’une dizaine d’années. Marcelo, puis Roberto, puis Rorko, enfin Rose me posant à San Sebastian à la frontière Argentine-Chili après un parcours  au milieu de paysages de rêve, désertiques, arides, ventés, un peu surréalistes. Je me tape d’ailleurs toute la traversée de Rio Grande écrasé par le vent, le sac m’entraînant de droite à gauche, n’arrivant plus à avancer parfois. Je plante la tente sur la plage par grand vent. J’utilise des pierres pour que la tente ne s’écroule pas car les sardines dans le sable, ce n’est pas terrible. Quelques pâtes  et deux pécheurs chiliens qui se bourrent la gueule au vin blanc en carton viennent discuter avec moi avant d’aller cuver leur boisson dans leur tente à 500 m de là.




13/01/2002 (Argentine, Chili) Dépenses : 0 F – Distance parcourue : 520 Km

Réveil venteux, pain, beurre confiture, la routine quoi. Passage de la frontière : je ne déclare pas le lait en poudre car je sais qu’ils me le prendront et, comme d’habitude, je donne l’adresse de mes parents et déclare que je travaille entant qu’ingénieur ce qui est faux actuellement mais m’évite de longues discussions. Il y a un vent de folie et Lucas et Alberto ont pitié de moi sur la piste. Ils m’emmènent pour une traversée du désert de la Tierra del Fuego sur une piste peu connue oû l’on rencontre des oies sauvages et des guanacos, le lama local. Passage du détroit de Magellan en bac, toujours dans un vent pas possible. Nous croisons les premiers dauphins, noirs et blancs et Lucas m’invite à la peninsula Valdes ou il étudie la faune marine. Je refuse car malgré l’intérêt certain de l’endroit, cela me ferait faire un trop long détour… A un croisement désertique et surréaliste, protégé par un des abris qui permettent aux gens de ne pas mourir de froid en hiver et en bord de route, j’avale une demi-baguette et j’attends. Elmut, puis Josko, puis Mario, puis Alfonso et Carmen, puis Rodriguez pour atterrir au deuxième bout du monde : Fuerte Bulnes, un fort tout en bois qui donne sur un paysage fantastique de fjord. Autour des baraques colorées dans le style antarctique et les bateaux de pécheurs sortis sur la plage de galet, forment un étrange village dans ce paysage aride de froideur. Bivouac de rêve au cap, feu de bois, je suis seul et voilà que je cours vers les dauphins qui passent à 4 m de moi mais ne verront pas mes bras s’agiter pour capter leur attention. Je reste 4 à 5 heures devant le feu au milieu de ce panorama et à me dire que la vie est belle.

14/01/2002 (Chili) Dépenses : 40F – Distance parcourue : 168 Km

Céréales et marche car ce matin il n’y a  pas de voiture à cette heure et dans cet endroit désolé. Toilette dans un petit lac dont l’eau réveillerait un mort et je cours pour sortir des buissons et faire signe à Jorge qui passe en bus et me conduit à Punta Arenas. Argent, courses, j’avale cinq oranges et rencontre José, notaire, qui veut me prêter une voiture pour aller voir les pingouins et m’inviter 3 ou 4 jours sur son bateau…Victor, puis Patrice, puis dans un pick up à l’arrière sur un tas de bois dans un paysage insolite et venté. Ici une piste qui ne mène qu’aux pingouins et je marche comme un alcoolique poussé de droite et de gauche par le vent qui m’empêche d’avancer. Il n’y a personne. Je suis vraiment dingue… Alberto, dans le bus officiel de Punta Arenas-Pingouins s’arrête et m’emmène sans me faire payer. La pinguiniera (la pingouinière si ca existait en français) est un lieu de nidification pour les petits pingouins des îles Malivas de la cote brésilienne. Ils reviennent là chaque année, toujours le même couple pour faire un a deux petits qui perdront leur duvet gris de naissance entre janvier et février, et je tombe bien, avant de repartir. Je fais la visite avec Facundo et Léonora, un couple de profs argentins. Les pingouins se dandinent dans les prés, de manière complètement burlesque et insolite en venant de la plage pour dormir et se reposer de leur baignade d’après midi et s’abriter du vent dans des cavités qui leur servent de nids. Rencontre aussi avec un renard qui n’apprécie que moyennement mon pain beurré, pris à 19h en guise de déjeuner. Je croise au retour les émeus locaux, les nandis et leurs petits. Le bus, qui me ramène gratis à l’intersection des carabineros, s’arrête pour que l’on puisse observer deux fouines ou putois qui dispersent leur odeur dans le vent violent qui souffle toujours. Des carabineros qui contrôlent le trafic à l’aide d’une barrière, m’indiquent une baraque désolée dans laquelle je rencontre Philippe, français et Frank, allemand, qui squattent déjà la place. Ils sont partis du Canada et vont à vélo jusqu’à Ushuaia. Pâtes et discussions de voyage. Je déniche un matelas dans cette baraque en bois des courants d’air sur lequel je pose ma bâche et passe une nuit merveilleuse.




15/01/2002 (Chili) Dépenses : 38F – Distance parcourue : 226 Km

Pain grillé sur feu de bois et lait chaud. Le sol est plein de pétrole qui brûle gentiment. Mes amis partent aux pingouins en stop et je rame deux heures avant que Miguel me prenne et me largue en pleine nature, dans un vent de folie ou les voitures, peu nombreuses, passent en trombe. Je marche et un minibus de travailleurs d’une compagnie pétrolière me pose à l’intersection Punta Delgada-Puerto Natales- Punta Arenas. La je vais attendre cinq heures en plein vent (merci le pantalon et la veste goretex) que Johnny s’arrête enfin. Je reste malgré tout assez calme et essaie de positiver cette épreuve… A Puerto Natales, je fais le plein de pâtes pour survivre quelques jours dans les montagnes du parc national de Torres del Paine. Un pick up puis, après 4km de marche sur une piste pleine de camions de travaux publics, des étudiants chiliens, Kenet,Gonzalo et Elias. Je visite en leur compagnie la grotte du Miledon. Comme ce sont des fous, nous voilà à ramper à la torche dans des cavités souterraines. Il  est 21h, j’ai beaucoup marché et je suis crevé. Le Miledon  est un animal préhistorique, ours et fauve mélangés qui a disparu depuis longtemps. Je bivouaque à l’intersection la piste principale et de celle qui mène à la grotte. Pâtes et coucher de soleil vers 22h30 sur une belle chaîne de montagnes dans les nuages.



Chili Sud

16/01/2002 (Chili) Dépenses : 100F - Distance parcourue : 100 Km

Pain grillé sur feu de bois et lait chaud (comme hier) mais ca caille trop pour le yoga et ca caille depuis la Nouvelle Zélande. Guitare car le trafic est nul et ca fait rigoler les automobilistes. Un premier véhicule pour 3km puis Louis, le chauffeur du bus officiel me prend sans me demander d’argent. Il me pose à Al Poseda Rio Serrano, au bout de la route du parc national de Torres Del  Paine. Je pars en plein vent dans une plaine aride  en direction du refuge Pehoe entre les lac Pehoe et Grey pour 5h de marche. Uli, une allemande de 32 ans, la première inscrite sur le registre, fait le chemin avec moi et on ne se quittera plus pour le reste de la semaine. Mignonne et rigolant toujours, très nature mais un peu coincée : une bonne copine quoi ! Ici c’est une nature exceptionnelle qui s’exprime simplement mais que je ne saurais décrire avec suffisamment de talent. Alors regarder plutôt les photos. Un vrai bonheur d’être dans cette paix, entouré de sommets aux neiges éternelles. Bonne chaleur quand le soleil donne. Froid vif le soir. Sous les étoiles, les pâtes sur la table du refuge avec deux allemands qui fument en solo mais me payent finalement un verre de vin. C’est un peu cela l’égoïsme à l’occidentale : Tu te siffles une bouteille sans en proposer à celui avec qui tu discutes. Ce serait incompréhensible en Afrique…



17/01/2002 (Chili) Dépenses : 30f  - Distance parcourue 0 Km

Après le pain beurre (ou est le feu de bois ?), confiture et lait chaud, je repars avec Uli pour 10h de marche le long du lac Rey pour découvrir de plus près le glacier Grey qui brille entre bleu et blanc, déchiqueté, gigantesque. Des blocs flottent sur le lac comme des icebergs. Le glacier fait un bon km de large et disparaît dans une vallée lointaine. Retour fatigué avec juste une pomme à midi. Le soir pâtes et lait partagés sous la tente avec Uli qui rigole toujours et surveille la fermeture du refuge pour ne pas se retrouver dehors.



18/01/2002 (Chili) Dépenses : 0F – Distance parcourue 0 Km

« Painbeurreconfiture » et on part pour le glacier Français qui gronde. Uli me raconte que les pionniers pensaient que les bruits de la chute des blocs de glace présageaient de la présence de géants dangereux…En observant les condors en vol Uli ne considère pas que l’on est vraiment libre dans la vie : On ne peut pas voler comme eux. Je lui réponds que l’on peut voler dans nos rêves. Après un début de tempête, nous arrivons au refuge Los Cuernos et le lac se transforme en mer tumultueuse. Planter la tente en plein vent n’est pas une mince affaire pendant qu’Uli prépare le repas dans le refuge. J’arrive ensuite à prendre une douche chaude. Philippe, un autre allemand se joint à nous pour le dîner et la guitare. Il me prêtera sa protection thermique pour le sol et ainsi éviter que je me caille. Il y a des gars bien sur cette planète.



19/01/2002 (Chili) Dépenses : 30F - Distance parcourue : 0 Km

« Painbeurreconfiturelait » le package matinal au grand complet. Beau soleil sur Las Torres que je vois au réveil au travers de l’ouverture de ma tente de luxe. En route, avec le sac, pour le campamento Chile en circulant le long du lac Nordenskjôld, d’un vert irréel. Uli ne comprend pas que je puisse montrer ma rate Joséphine à mes filles. Son éducation lui fait penser que ce n’est pas bien pour les enfants. Moi je ne comprends pas qu’elle ait un lapin et qu’elle mange ceux de son père… Comme les neiges, éternelles pâtes à midi sur les tables ensoleillées du refuge, sieste au soleil et départ vers 16h pour les tours Del Paine que l’on gagne en 2h dans les éboulis. Cette fois le sac est resté au refuge et voilà que je marche comme un lapin. Coucher de soleil sur les tours verticales. On croise encore du monde qui monte alors que ca caille déjà très fort. Un type dort sur le rocher dans son sac de couchage et je lui souhaite bonne nuit sur les tours. Pâtes puis je me fais inviter autour d’un verre de vin par un jeune couple belge. Guitare et chansons françaises surtout.




20/01/2002 (Argentine) Dépenses : 56F _ Distance parcourue : 308 Km

Je me suis caillé grave cette nuit. J’ai fini en pantalon et veste goretex dans le duvet. Je crois qu’il est temps d’investir dans une protection de sol…Dernier bout de pain et lait chaud avant la descente vers l’Hosteria Las Torres ou je trouve Patrice et Fabienne, français qui vivent à Mexico et qui nous descendent en 4x4 à l’entrée du parc. Bise à Uli et je trouve Pedro de Santiago et sa famille qui me posent à Espéranza (drôle de nom pour faire du stop). Comme il y a déjà deux argentins qui attendent depuis 5 heures je sors du bled et m’installe au soleil assis en tailleur sur ma bâche pour écrire mon journal. Je m’attends à poireauter un moment mais Ramiro, un jeune argentin, s’arrête et fait marche arrière après un temps d’hésitation. Il me dépose à El Calafate. C’était une bonne idée de Pedro de faire un détour par Esperanza pour me retrouver sur la route principale ou il y a plus de trafic. Ma carte indiquait le contraire. Je reste finalement au camping avec Ramiro qui veut me conduire au glacier demain. Enfin des fruits, pâtes en sauce et bière offerte par Ramiro. Internet, douche à minuit et dodo au camping municipal pour 4 pesos. Dans les toilettes « En caso de incendio salir cagardo »… C’est drôle de passer d’un ami à un autre. Ramiro me prête sa couverture de sol.

 

21/01/2002 (Argentine) Dépenses :  40F - Distance parcourue : 70 Km

Je fais un lait chaud à Ramiro à son réveil tardif et je chante en allemand « 99 luftballons » que m’a appris Uli et dont je viens de trouver les accords. Pour Ramiro, je demande à la station service de l’eau « Aqua para mate » dans une mini calebasse remplie de thé local. Tu verses l’eau bouillante et tu aspires une petite gorgée avec une paille. C’est amer et il faut se resservir 20 fois pour avoir la quantité française. Tournée des gomérias pour réparer le pneu, très local pour le touriste mais pas la bonne taille. Il faut commander à Rio Galleros et j’abandonne Ramiro vers midi car il doit attendre le lendemain. Dommage : il devait m’emmener au glacier puis le lendemain au Fitz Roy et il était bien sympa. Avec lui pas l’impression de gêner. Marche à la sortie d’El Calafate et Santiago, prof de guitare, et sa copine Soledad me posent au camping, à 7 km du glacier, sans proposer de m’y emmener alors qu’ils s’y rendent. Je marche donc sur la piste poussiéreuse et découvre le glacier Moreno qui s’étend sur le Brayo Rico, un lac d’eau turquoise sur lesquels flottent quelques icebergs géants. Plus tard, Mariangeles, Moira et Gabriella, 3 jeunes profs, m’emmènent au site d’observation et je passe 4 heures en leur compagnie devant ce colossal glacier : 30 km de long, 70m de haut, 4 km de large et qui s’enfonce de plus de 100 m sous l’eau. Plus la glace est compacte, moins il y a d’oxygène et plus c’est bleu foncé. Des blocs s’effondrent en créant des raz de marée. Certains sortent brusquement de l’eau tels des baleines, de dessous le glacier. En 1968 et 1988 32 personnes ont trouvé la mort en s’approchant trop près. Retour avec les filles, douche sans rideau et riz. Je trouve un vieux tapis de sol qui traîne et demande à le prendre. La fille accepte et encore un problème de réglé. Santiago et Soledad m’invitent à un café nocturne au glacier avec deux autres argentins, tous entassés à l’arrière de la petite voiture sans siège arrière. On se caille mais la lune est belle, l’ambiance chaleureuse et je parle espagnol…




22/01/2002 (Argentine) Dépenses : 50F  -  Distance parcourue : 250Km

Réveil matinal car je me suis caillé : il faut que je répare mon duvet dont la ficelle de cou est cassée et qui fait perdre de la chaleur. Je marche la fleur au fusil mais c’est dur car Santiago et Soledad se rendent là où je vais, soit 200 km de piste, mais ne m’ont pas proposé de m’emmener. Je marche 5 km et carlo et Stella me ramènent à El Calafate. Sur la route des moutons marchent en file indienne dans les près alors qu’ils ont des km2 pour se déplacer : étrange nature. Je fais des courses pour affronter la piste désertique et je me tape un sandwich au roquefort, le premier bon fromage depuis 9 mois. Je découvre qu’il y a de la purée au supermarché : je suis presque bête devant ce brutal retour à la civilisation. A la sortie d’El Calafate, il y a 8 auto-stoppeurs dont 2 attendent depuis plus de 4 h. Au contrôle, la police est censée les aider à trouver un véhicule mais je ne fais guère confiance à leur pugnacité. Je marche donc sur la route déserte et surchauffée mais personne ne s’arrête et le croisement est à 30 km.   Au bout de 7 km de marche folle, Roberto qui passe en bulldozer me posera à la route 40. Me voici donc à 30km/h au milieu des fûts de gaz oïl qui pissent de tous cotés dans un premier wagon. Le deuxième est une caravane : un vrai train rigolo quoi ! Moi qui pensait attendre une journée au croisement, voilà qu’au bout d’une minute Gustavo, guide au Fitz Roy, me charge à l’arrière de son pick up. On déboule à 90 km/h sur la piste dans un nuage de poussière. Je dors sur les sacs de montagne et les provisions pour sa prochaine expédition. Deux heures d’attente suite à une crevaison et passage à un vieil observatoire dont la coupole reflète le soleil du désert. On longe des lacs bleu turquoise. Provisions puis marche d’une heure pour dormir au lac Caprin, plutôt que de rester dans la vallée. Purée sauce piment et vaisselle dans le lac sous le grand Fitz Roy qui pointe vers le ciel étoilé.


23/01/2002 (Argentine) Dépenses : 0F - Distance parcourue : 0 Km

Pain, margarine, confiture, lait chaud. Je laisse la tente  et pars pour 2 h d’ascension jusqu’au camp de base du mont Fitz Roy, un bloc vertical, paradis des grimpeurs. La haut je rencontre Lyonel et ses parents Christophe et Christine qui passent dix mois entre le Pérou, le Chili et l’Argentine avec un passage sur l’île de Robinson Crusoé. Ils sont en contact avec l’école de Lyonel par internet et tiennent un site et un journal sur http://3valborainsauxandes.free.fr Les parents font l’école à Lyonel en cours de voyage… Descente, repas et je repars. Il n’y a pas de chemin sur la carte mais je trace le mien et en trouve un vrai par la suite pour le Torre Cerro et le camp Bridwell. Rencontre inopinée d’Uli, mon allemande. On papote une heure : je monte, elle descend, la vie quoi  ! Je décide de camper non en sous bois ou l’on ne voit rien mais au bord du lac avec vue sur les tours, seul…



24/01/2002 (Argentine) Dépenses : 50F – Distance parcourue : 91 Km

Petit déjeuner en plein vent mais la tente a bien tenu. Descente de 3 heures sur El Chatten, village ou je fais des provisions pour la route désertique qui m’attend. Il est midi.4 heures d’attente et personne ne s’arrête. Comme il pleuvote, je ne peux pas écrire ou lire. J’en ai marre et je pars en marchant sur cette piste poussiéreuse : 91 km sans rien mais j’ai de l’eau et à manger et j’espère attirer plus d’empathie en marchant. Au bout de deux heures Richard, argentin, dans son car de tourisme me posera vers 20h au carrefour désertique de la nationale 40. Me voilà donc seul, à un croisement ou il passe une voiture à l’heure avec 5 litres d’eau et le prochain bled est à 45 km. Feu, pâtes avec un coucher de soleil affolant de rouge et nuages nucléaires.



25/01/2002 (Argentine) Dépenses : 0F – Distance parcourue : 392 Km

Pain grillé au feu de bois et lait chaud sous un vent glacial. J’attends deux heures mais ca caille trop et je marche. Quelques voitures passent sans pitié. D’abord leurs empreintes sur la piste puis des guanacos et des nandous, dont une douzaine de petits, m’observent d’un promontoire. Après deux nouvelles heures de marche, Silverio et Stella me chargent à l’arrière de leur pick up pour me poser à Tres Lagos. Là le bus qui traverse le désert me tend les bras  mais je ne craque pas malgré que le pompiste me dise qu’il n’y a pas plus de dix voitures par jour par ici sur cette nationale 40. De 13h à 17h les gens rigolent mais ne s’arrêtent pas. Ensuite plus une seule voiture et le vent devient froid. Je me mets à l’abri d’un pont mais hésite à bivouaquer dans cet endroit pour être obligé de prendre ce fichu bus demain à midi. Je rate deux voitures et me précipite à la troisième, couteau à la main pour cause de préparation de tartine beurrée. Bern, un allemand trouve juste le temps de piler sur les gravillons. Mon sac s’est éventré : je fourre tout à l’arrière de sa Ford Ka et me voici parti pour 347 km de désert.. Arrêt dans une hacienda aux chambres délabrées sans lumière et sans vitres, avec des numéros peints à la va vite et que nous font visiter deux types à bérets hyperlocaux. Bern préfère continuer à rouler et me confie  le volant pendant deux heures. Sur les gravillons la voiture chasse dur et ca cogne sec en dessous du véhicule. Arrêt vers minuit à Bajo Caracoles. Bern va à l’Estancia et moi dans ma tente au carrefour principal. Quel réconfort cette arrivée de nuit après cette piste ou de nombreux lièvres courent dans les phares.

26/01/2002 (Chili) Dépenses : 40F - Distance parcourue : 202 Km

Réveil avec chevaux sur les blés jaunes sur fond de montagnes enneigées. La nuit a été plus chaude, signe de notre remontée vers le nord. Bern et sa Ka sortent de nulle part et l’on va visiter Cueva de Las Manos, une vallée style attaque des indiens. Sur les murs des témoignages de nos frères d’il y a 10.000 ans. Des mains d’enfant sur fond blanc, noir, rouge ou jaune, des chasseurs de guanacos (casadores de Guanacos en langue locale) et aussi des formes géométriques. Belle piste qui s’étend dans ce désert rouge et brun. On mange de la poussière mais aussi des petits gâteaux achetés à la seule boutique ouverte à l’heure de la sieste à Perito Moreno. Rues au carré dans lesquelles souffle un vent furieux. Bern me laisse au lac Buenos Ayres, le deuxième  d’Amérique du Sud après le Titicaca qui ressemble à une mer déchaînée. Je change mes derniers pesos argentins et passe la frontière du Chili pour la ville de Chile Chico avec Robelio (9 km entre les deux frontières) et Patricia qui me pose sur la plage ou je peux camper gratis en attendant le bateau  pour traverser le lac à 14h demain. Sandwiches fromage, puis omelette et au lit vers 20h . Je suis crevé, c’est samedi soir sur la terre comme dirait Cabrel. En ville j’entends une musique de fête, peut être un bal. Que faites-vous ? Il est minuit en France : mon Webmaster doit être sur son ordinateur [Note du Webmaster : « En effet ! »], vous autres peut-être au lit, mes filles sûrement dans leur rêve d’enfant…




27/01/2002 (Chili) Dépenses : 31 F - Distance parcourue : 233 km

Il y a un vent furieux et le lac Général Carrera (c'est son nom du côté chilien) est couvert de moutons. Je reste donc dans la tente pour avaler mon petit-dej et avancer le journal. J'embarque sur le ferry à 14 heures après avoir tout replié dans la tempête et traversé la grand-rue avec peine. J'y rencontre un couple de jeunes expatriés français (au Canada) et nous passons une partie de la traversée à discuter, avant que le mal de mer nous contraigne à renter à l'intérieur du bateau. Les gens ont le visage verdâtre et les enfants vomissent leur déjeuner... A l'arrivée, Santo et Santiago m'embarquent à bord de leur camion et me déposent à Coihaique. Je croise des cavaliers (des cow-boys vêtus de poncho et comme sortis de la nuit des temps) et leurs chiens. J'achète du pain (les ¦ufs que je prévoyais pour mon dîner sont cassés dans le sac : super) et, après avoir traversé la ville à la tombée de la nuit, je décide de continuer le stop. Carlos, chauffeur de taxi, me prend en allant prier dans l'un des sanctuaires que l'on trouve un peu partout sur les routes. Il me pose au début de la carretera Australe. Je marche pour trouver un coin où installer ma tente entre la route et les clôtures (elles s'étendent sur des kilomètres et empêchent d'accéder aux prés). Bien  sûr, il pleut, toutes mes affaires sont trempées, mais je suis crevé et je dîne de pâtes pas terribles et je m'endors sous l'¦il bienveillant d'une vache que ma présence surprend (je lui cause en français, mais elle ne répond pas, tant pis).

 

28/01/2002 (Chili) Dépenses : 200 F - Distance parcourue : 512 km

Il ne faut pas changer une équipe qui gagne alors je découvre sans surprise au petit matin qu'il pleut toujours... Petit-dej habituel et je gagne l'intersection la plus proche. Ricardo, puis José m'embarquent dans leurs véhicules respectifs et me déposent devant un tronçon de la route qui est en travaux, ce qui facilite le stop, la circulation s'effectuant lentement. Magaly et Juvenal m'acceptent avec eux pour le restant de la journée sur la Carretera Australe, l'occasion de goûter au café local et à una empanada (fourré typique du Chili) concoctés par Juvenal.. Le paysage est magnifique, lacs verts, cascades, glaciers hauts perchés, villages colorés et petites églises de bois. Nous parvenons à Chaiters après avoir changé un pneu. Il faut patienter jusqu'à minuit pour prendre le bac qui mène à Puerto Montt. Il y a beaucoup de camions et nous adoptons une combine qui consiste à charger la voiture à l'arrière d'un camion. Je me retrouve donc en plein terrain vague, armé de ma lampe de poche, à guider Juvenal qui lance son véhicule sur deux planches de bois. Il faut s'y mettre à trois pour pousser à l'arrière et finir la manoeuvre (c'qu'on ne ferait pas dans la vie !). Il fait un froid glacial et j'essaye le vélo de Matthieu qui fait lui aussi un tour du monde, chargé de sacoches. A bord, il y a la possibilité de prendre une douche chaude, on ne peut pas tout avoir, nous ratons le plateau-repas, les céréales suffiront. Nous dormons sur le pont, emmitouflés dans nos duvets.

 

29/01/2002 (Chili) Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 299 km

Réveil avec la vue sur les volcans enneigés. On a sympathisé avec un matelot qui nous ramène des sandwiches dès qu'il comprend que nous n'avons pas mangé hier soir. Je quitte Magaly et Juvenal et je me lance dans le stop. Maryse me convie dans son pick-up et l'on se retrouve sur une autoroute ultramoderne. Elle me dépose au péage d'Osorno où il y a une dizaine d'auto-stoppeurs. Il y en a partout ! Christian s'arrête, il a coutume de prendre quelqu'un en stop chaque jour en sortant du travail. Carlos m'emmène ensuite jusqu'à Valdivia et dépose quelques collègues dans des quartiers pas vraiment bien famés, pas très touristique, comme ballade. Je finis à la nuit avec Nicolas, Patricia et Rodrigo qui me laissent à Lorcoche. J'avise une chilienne qui m'autorise à planter la tente dans son jardin. Sandwich au roquefort et je me couche, épuisé, sur le sol du jardin un peu cabossé, mais cela ne m'empêche pas de dormir.

 
Chili Centre

30/01/2002 (Chili) Dépenses : 92 F - Distance parcourue : 51 km

Je petit-déjeune de pain rassis et de mûres que je déniche sur le bord de la route. J'arrive à Villarica grâce à un pick-up. J'en profite pour faire une pause Internet, poste, carte bleue et ravitaillement (supermarché ultramoderne). Puis je recommence un peu de stop pour trouver le camping le moins cher du coin (26 francs) où je peux prendre une douche chaude pendant une heure (ce n'est pas tous les jours, j'en profite) et où je coupe une barbe de centenaire qui ma donne un air d'ours mal léché. Il pleut, il pleut, bergère... Demain, si le temps se décide à changer, je suis réveillé à 6 heures pour tenter l'ascension du volcan Villarrica avec un group et un guide qui me prête le matériel nécessaire (crampons, bonnet, lunettes...). Mon linge tente de sécher sur un bambou protégé par une bâche pendant que je dîne de 2 bananes et de trois ¦ufs sur le plat.

 

31/01/2002 (Chili) Dépenses : 8 F - Distance parcourue : 0 km

Pas de réveil donc pas de départ pour le volcan. Normal, il pleut ! Je décide donc de rester ici et de méditer sur ce que m'a apporté mon voyage. Voici le résultat :

-Aimer : la vie, les hommes, la respecter. Elle est fragile (des hommes prennent des risques chaque jour sur des routes dangereuses ou meurent parce qu'ils n'ont pas de soins appropriés...). Voir les hommes comme des frères, les voir avec les yeux de l'amour et non au travers d'un système de jugements bornés.

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Ecouter : se mettre à la place de l'autre, éprouver de la compassion, une rencontre n'est pas une confrontation de deux guerriers qui restent chacun dans leur tranchée et n'écoutent que ce qu'ils veulent entendre, pas besoin d'écraser l'autre avec ses exploits du jour. Ne pas dire " ça va ? " sans attendre de réponse. Les autres ont toujours quelque chose à t'apprendre, ils peuvent t'ouvrir les yeux.

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Donner : sans attendre, gratuitement. Ton frère est dans le besoin, donne ! Pourquoi baser toute sa vie sur un système d'échange commercial ?

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Simplicité : retrouver les vraies valeurs, ne pas se perdre en plaisirs futiles. Des enfants n'ont rien dans les rues de Delhi, mais rient et savent être heureux. Laisser une chance à la nature, trouver son calme intérieur, fuir le stress, s'ouvrir au monde.

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Accepter, attendre, ne pas s'attacher : prendre la vie comme elle vient, saisir les occasions, ne pas regretter ses choix (il y a du bon dans chaque route). Rien ne sert de se projeter dans l'avenir (ça nous éloigne du présent et l'on n'a pas toutes les données), ne pas s'attacher à un programme, aux choses, aux gens mais vivre le moment présent à fond.

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Effort : savoir patienter, il n'y a du plaisir que si la chose est difficile.

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Bonheur : dépend de ton système de valeurs. Tu peux être heureux en mangeant du riz et en dormant par terre chaque jour, tout est question d'habitude, du seuil auquel tu fixes la barre.

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Inégalité : beaucoup d'hommes sur terre n'auront jamais ce que nous avons, connaissons notre chance, apprécions-la et luttons avec nos moyens pour effacer ces inégalités.

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Posséder : plus tu possèdes, plus tu crains qu'on te vole, plus tu protèges, moins tu ouvres ta maison aux autres, moins tu donnes, moins tu ouvres ton coeur.

Qu'est-ce que le voyage apporte de plus que notre quotidien ? Le quotidien implique des habitudes, mêmes lieux, personnes, chemins... Le voyage permet la rencontre de nouvelles personnes, langues, cuisines, maisons, paysages. Cela implique de vivre des situations déstabilisantes, des peurs et de mieux se connaître car on va au bout de soi. En fait, le voyage est possible chez soi, il suffit d'être ouvert, de ne pas prendre toujours le même chemin, de parler aux gens que l'on ne connaît pas, de ne plus passer devant les choses sans les voir, devant une église sans y rentrer, devant son voisin sans lui parler. Voilà ma méditation, cela ne veut, bien entendu, pas dire que je suis comme cela, il y a toute la vie pour s'approcher de sa vision du bien et du mal.