01/01/2002 (Australie) Dépenses
: 172 F - Distance parcourue : 570 km
On
est en 2002 et l'année commence pour moi à cinq
heures du matin par du lait de soja, du pain, du beurre. J'attends
Nick qui m'offre un vrai jus d'orange en bord de mer puis m'invite
au musée de la moto. Ce n'est pas trop mon truc mais
c'est hyper local. Il me laisse ensuite en plein soleil mais
me donne un chapeau. Bruce et Luarne me déposeront ensuite
à Sydney cernée par les flammes et les hélicoptères.
Tout est complet (le feu d'artifice explique la concentration
touristique actuelle) et je me rabats sur un lit dans un dortoir
pour la modique somme de 134 francs (!). Internet, pâtes
et au lit. Il y a beaucoup de touristes ici, je n'aime pas beaucoup...
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02/01/2002 (Australie) Dépenses
: 300 F - Distance parcourue : 0 km
Toasts
grillés dans la superbe cuisine de cette auberge de jeunesse
bagpacker, puis j'envoie les photos sur Internet à toute
vitesse, la connexion est bonne et vous dormez en France. J'ai
décidé de me faire plaisir et de prendre mon temps
pour voir Sydney. Je traverse les quartiers d'affaires, les
centres commerciaux au milieu de la foule qui déambule,
la plupart des mecs sont en costard. Je me sens un peu en décalage,
à regarder le sommet des immeubles comme si je n'en avais
jamais vus. Tout est assez calme, les gens sont détendus,
les parcs et les espaces sont verts, le soleil est beau... Bref
tout paraît assez serein. Je prends le bateau au circular
quay pour aller au Taronga zoo (je passe à l'occasion
devant le Sydney Harbour Bridge et le Sydney Opera House, les
deux merveilles architecturales de la ville). Sur l'eau, on
croise des voiliers qui régatent. Je n'aime que l'on
enferme les animaux, mais je tiens à voir les koalas
avant de quitter l'Australie. Ce zoo est magnifique et j'aimerais
que mes filles soient avec moi : chauves-souris, gorilles monstrueux,
dingos, tortues, singe-araignée, platipus, pandas, wombat
et, bien sûr, les koalas. Je reste une heure à
admirer ces peluches presque immobiles. Je les avais cherchés
en vain pendant une journée dans le parc national de
Noosa Head. On vit vraiment dans un monde fascinant. Retour
en ville pour passer quatre heures à l'aquarium de Sydney,
musique classique dans les tunnels autour desquels passent requins,
raies, tortues, poissons tropicaux. Je profite de la fermeture
à 22 heures et j'observe un poisson au milieu d'une dizaine
d'autres identiques. Son individualité perd un peu de
son sens dans le groupe, ils se ressemblent tous... S'il pense
qu'il est mieux que les autres, alors il est idiot. Je médite
sur la solitude de l'individu, solitude même au sein du
groupe, chacun vit son destin, le confort du groupe n'est qu'un
leurre, nous sommes seuls dans cet univers car personne ne peut
nous ressentir, partager notre monde intérieur, chacun
lutte seul... J'ai trouvé une nouvelle guesthouse (80
francs) très bab, c'est un vrai bordel, cela fume, les
sacs à dos sont éventrés sur la moquette
du dortoir. Extinction des lumières vers 1 heure du matin.
Les fenêtres restent ouvertes sur l'agitation de la rue.
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03/01/2002 (Australie) Dépenses
: 84 F - Distance parcourue : 0 km
Toasts,
lait chaud et Internet. J'achète ensuite une nouvelle
bâche (j'ai perdu la précédente) et le type,
sympa, me donne en prime des piquets qui traînaient par
là. Ballade très cool et reposante dans Hyde Park
puis au Royal Botanic Garden après avoir passé
une bonne demi-heure dans la cathédrale St Mary et la
galerie de peinture. Le lieu est en harmonie avec les oeuvres,
c'est très beau. J'aime cette ville calme où les
hommes d'affaires quittent leurs bureaux à 17 heures,
où les espaces verts semblent être une priorité,
où il est écrit dans les parcs " please walk
on the grass, smell the roses, talk to the birds, picnic on
the lawns ". À l'aéroport, les problèmes
commencent : je devais vider mon brûleur, le nettoyer
à l'huile végétale et l'exposer 48 heures
au soleil. En négociant dur contre la sévérité
du système (je veux prendre cet avion et ne pas abandonner
mon appareil !), je me retrouve trois fois de suite dans les
toilettes de l'aéroport à nettoyer et sécher
au sèche-cheveux mon appareil jusqu'à ce qu'on
ne puisse plus sentir un gramme d'essence... Deux heures après,
ils acceptent mon appareil à bord. Vu la fiche que j'ai
remplie dans l'avion, je m'attends à un contrôle
de mon sac à l'australienne et donc à voir disparaître
mon lait en poudre, ma tente, mes pâtes... En fait, ils
vont confisquer uniquement mon miel (pour une fois que j'en
achète !), la tente, plantée dernièrement
dans le sable, était propre ainsi que les piquets. Je
trouve un coin dans l'aéroport pour dormir.
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Nouvelle-Zélande
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04/01/2002 (Nouvelle-Zélande)
Dépenses : 30 F - Distance parcourue : 330 km
Il
y a des douches chaudes à l'aéroport (c'est le
grand luxe). J'achète la carte du pays (il était
temps) et passe au distributeur. Ici, il fait froid, c'est vert,
très anglais, les prés sont clôturés,
les moutons ont de la laine épaisse, tout est propre,
les routes sont nickel. Mais je marche une heure sur la Nationale
1avant que Herman, un touriste allemand de 60 ans ne s'arrête.
Il ne sait pas où il va alors il m'emmène un peu
avant Twizel, 273 km plus loin. Les paysages sont changeants
et toujours magnifiques, paisibles. Le lac Tekapo est vert et
donne sur la chaîne de montagnes du Mont Cook National
Park. Une petite église en pierre donne sur le lac, une
immense vitre permettant aux fidèles de l'observer pendant
la prière. Des touristes allemands me déposent
au visitor centre du Mont Cook National Park. Je suis au pied
du glacier après une demi-heure de marche, je tente vainement
de monter ma tente. Il pleut et une heure après, tout
est absolument trempé (il pleut à l'oblique et
le vent s'est levé). Je jette la tente, fou de rage,
pour finir par la récupérer et tailler allègrement
dedans pour découper au moins de quoi protéger
le sac à dos. Je trouve un camping et je suis invité
à partager le dîner d'Australiens. Je dors sous
l'abri qui sert de salle à manger pour le camping. Ça
caille dur... La nuit tombe vers 22 heures 30, je n'ai pas de
montre et je suis un peu déphasé.
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05/01/2002 (Nouvelle-Zélande)
Dépenses : 0 F - Distance parcourue : 479 km
Je
me balade pendant trois heures autour des glaciers, je passe
des ponts suspendus, le torrent est boueux. Il fait gris, mais
quelques sommets émergent des nuages par intermittence.
Je ne verrai pas le Mont Cook (3754 m). Jane et Robert, puis
Dave (guide), puis Derick, puis Soeren (touriste allemand qui
s'arrête alors que je suis entrain de manger sur le bord
de la route sans même tendre le pouce), puis Blake et
Nathalie (jeune NZ) me déposent au Fox glacier sur la
côte ouest. Sur la route, le lac Hawea s'étire
majestueusement de sa couleur verte. Pensant trouver les deux
abris indiqués sur le glacier, je me lance sur le sentier
qui devient abrupt et dangereux (cordes, chaînes et ponts
de planches) ; Il va faire nuit, je ne trouve pas les abris
et je suis sur un flanc du glacier couvert de pierres et je
décide de rebrousser chemin. Je rencontre par miracle
une famille à 22 heures sur le parking, qui me conduira
à Fox Town où je passe la nuit (toujours froide
!) sous l'abri de l'office de tourisme.
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06/01/2002 (Nouvelle-Zélande)
Dépenses : 21 F - Distance parcourue : 295 km
Il
n'y a personne quand je commence le stop, alors je me lance
dans la lecture des citations de la langue française.
Je vous en livre quelques-unes... " Qui se connaît
connaît les autres car chaque homme porte en lui la forme
entière de l'humaine condition " (Montaigne) ; "
L'homme a reçu de la nature une clef avec laquelle il
remonte la femme toutes les 24 heures " (Victor Hugo).
Non (Guide d'hélicoptère) me pose au Franz Josef
Glacier. Celui-ci est moins couvert de pierres et de sa gueule
verte sort un torrent de boue, les blocs de glace s'effondrent
dans un bruit d'éboulis. Au village, j'avale du pain
beurré et je discute avec un cycliste qui tire une petite
charrette. Il fait le tour de la Nouvelle-Zélande en
trois mois. Isabelle me dépose ensuite à Reefton,
une vraie ville de western. Je marche ensuite pendant une bonne
heure, il n'y a pas de voiture. Je trouve une langue de sable
au milieu de la rivière sur laquelle je monte ma nouvelle
tente MAC PAK (2100 francs, made in NZ), achetée ce midi
à Mokitika. Elle pèse presque trois kilos mais
je peux lire dedans, mettre mon sac, enfin vivre quoi.
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07/01/2002 (Nouvelle-Zélande)
Dépenses : 315 F - Distance parcourue : 328 km
Je
marche deux heures, le trafic est presque inexistant. Mes chevilles
et mon dos sont douloureux. Mike (un fermier local), puis Phil,
puis Dave, puis Avril (prof d'anglais) me posent à Kaikoura.
Je suis dans les temps pour le moment. Je prends directement
le bateau pour voir les baleines. On a de la chance, on peut
en observer trois. Elles ne sont pas très grosses mais
le spectacle est prenant. Nous avons la chance de croiser au
retour une cinquantaine de dauphins qui jouent à l'avant
du bateau. Ils nous tiennent compagnie une vingtaine de minutes,
un vrai bonheur ! De retour vers 19 heures, j'achète
des pommes, je prends une douche " sauvage " dans
un hôtel dont la porte était ouverte et je marche
jusqu'au cap pour y planter ma tente. Je suis sur une falaise
de rêve, à 10 mètres du phare. En contrebas,
les phoques se prélassent sur les rochers. Omelette,
coucher de soleil flamboyant et dodo.
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08/01/2002 (Nouvelle-Zélande)
Dépenses : 6 F - Distance parcourue : 161 Km
Encore
une nuit ou je ne caille pas. Pain beurre, le temps est au gris.
Je fais trempette à marée basse pour passer sur
une île de la péninsule et voir à 3 mètres
les phoques qui font la grasse matinée en m’observant
du coin de l’œil. Bagarre entre un phoque et un couple d’albatros
qui défend ses petits encore au nid. Je croise le 4x4
du snorkeling des phoques. Le patron me prend en stop. On attend
onze heures que le temps soit meilleur. Si le soleil vient les
phoques iront à l’eau. Emma, visage mi-chinois, mi-allemand,
et sa copine nous emmènent dans l’eau glaciale. Nous
avons une bonne combinaison de plongée de 7 mm d’épaisseur.
On longe les rochers sur lesquels éclatent de grosses
vagues : la visibilité est mauvaise, au bord les phoques
dorment toujours… J’ai la chance d’en approcher un qui nage
en surface et sort ses nageoires pour les chauffer au soleil
mais c’est plus une grosse tache sombre dans l’eau trouble.
Pour le coup les filles ne nous font pas payer cette sortie.
Retour sur terre au milieu des algues à bulles locales.
Carottes crues, pamplemousse et céréales pour
midi et stop avec Grant, puis Eddy, puis Marc et enfin Jason
qui m’invite au pub et ensuite chez lui à Picton pour
la nuit : une chambre pour moi seul, que demande le peuple !
Encore une soirée alcoolisée et sympa. Il
boit comme un dingue et interdit de séjour dans deux
pubs de Picton : c’est sa manière à lui d’oublier
que sa femme s’est tirée avec son enfant de 6 ans à
Sydney. Je fais des spaghettis avec du jambon grillé
et du fromage râpé, un délice qui se termine
sur des pèches.
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09/01/2002 (Nouvelle-Zélande)
Dépenses : 171 F – Distance parcourue 488 Km
5h,
le réveil sonne. Quelle horreur ! Ca fait bien 9 mois
que je n’ai pas entendu de réveil me dire « lève
toi. Je rate presque le ferry pour Wellington dans lequel je
termine ma nuit. Il pleut. Petit déjeuner face à
la poste puis stop sous la pluie ! Félix, un maori puis
Michael, puis Isaac me posent à Devin ou je vais rester
scotché 3 heures sous la pluie, le sac dans la cabine
téléphonique. J’ai froid, je suis trempé
et fatigué. Je finis assis sur le trottoir et tout le
monde s’en fout… Debby et Tom arrivent pour me sauver et me
poser à Rotorua : décidément je suis dans
mon timing. Sur la route de belles forets de pins importés,
le lac Taupo, des cerfs et des biches en captivité qui
sont élevées afin d’être mangées.
Je campe sur une aire de repos à 2 km avant Rotorua.
Il pleut toujours : céréales et au lit.
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10/01/2002 (Nouvelle-Zélande)
Dépenses : 108 F – Distance parcourue 200 Km
Levé
sous la pluie, pain, beurre, confiture et lait chaud. Je plie
la tente mouillée : Je n’aime pas cela mais je la sécherai
à Auckland. 3 km de marche pour visiter le site thermal
de Rotorua, le célèbre Pohutu Geyser qui crache
eau et fumée et explose 10 à 20 fois par jour
en jet d’eau de baleine. Autour toute la campagne fume et le
sol est chaud. Par endroit la boue fait des bulles et bouillonne…
Je reste une heure trente devant Pohutu mais la nature ne se
commande pas et je n’aurai droit qu’à un petit jet continu
de 5 à 6 mètres de haut. Vu un Kiwi en captivité,
cet animal national qui vit la nuit et pond des œufs presque
aussi gros que lui. Comme je demandais un carton pour le stop
à la station service, Robin et Grame me proposent de
m’emmener jusqu’à la nationale 1 : voilà mon sac
dans le camion à vaches dont le sol est couvert de boue
et autres substances excrémentales (pourvu que le sac
ne tombe pas dedans). Kanja un maori m’emmène et m’offre
le thé à la radio maori locale. Il lance même
un appel sur les ondes style « un français sympa
tour du mondiste à besoin d’un stop : Appelez la radio
» mais nous n’aurons pas de réponse et c’est dommage
car je vais rester planté 3 heures sur la route sous
la pluie avant que Stephen ne m’emmène en plein centre
d’Auckland ou je trouve en 2 secondes un endroit surprenant
ou vivent des étudiants étrangers, surtout asiatiques,
dans une ambiance assez cool. Il faut les voir, une bonne dizaine,
s’agiter dans la cuisine, chacun préparant son plat.
Je profite de la douche et pour la première fois du lave
linge. Soirée tardive avec Sarah, française souriante
et sympa, et Guillaume qui se pose beaucoup de questions sur
lui-même. Je dors sur la moquette pour 45 F.
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11/01/2002 (Nouvelle-Zélande,
Argentine) Dépenses : 370 F – Distance parcourue : 0 Km
Quelques
achats car je n’ai plus rien à manger : Internet, achat
d’une carte d’Amérique du Sud. Je cherche un billet d’avion
Buenos Aires – Ushuaia pour éviter l’Argentine très
agitée à l’heure actuelle. Courses et thé
avec Sarah. Je croise Guillaume, toujours aussi perdu, avant
de prendre le bus pour l’aéroport. Je rencontre aussi
un jeune qui désespère de trouver du travail et
qui raconte que dieu l’a sauvé : étranges destins
et bonne chance à vous Sarah et Guillaume. Je liquide
mon argent local et monte dans le Boeing 747 pour 10.723 Km,
soit 10h25 de vol par moins 5° à plus de 10 km d’altitude
et passant au-dessus de Papeete et Honolulu. Impossible dans
l’aéroport de ne pas penser à l’avion que je prendrai
d’ici trois mois pour revoir mes filles et ma famille. Beaucoup
de questions en tête devant ce nouveau gros morceau de
mon voyage. Je sais que je vais transpirer, avoir froid, soif,
faim, fatigue dans le continent fabuleux qui m’attend au-delà
de l’Océan Pacifique. Dîner de luxe dans l’avion
avec menu végétarien comme enregistré par
Quantas. « S’il y a une solution à un problème,
alors il n’y a pas lieu de s’inquiéter ; s’il n’y en
a pas, il n’a pas non plus de sens à s’inquiéter
à son sujet » dit le Dalai Lama. Je ferme le livre
et je m’endors. Réveil : on est toujours le 11 janvier
2002 et on arrive à Buenos Aires avant d’être parti
! Pas de chance, je rate l’avion de 14h pour Ushuaia car l’aéroport
national est à une heure de bus de l’international. Par
chance je paie 708F un billet que j’avais failli acheter 2.000F
à Auckland. 85F de bus pour rallier l’autre aéroport
ce qui me permet de passer par le centre ville de Buenos Aires
qui ressemble à celui de Sydney : super développé
avec des camions blindés dans la rue, des manifestations
à la Bourse du travail. On a du mal à imaginer
les violences de cette capitale dues à la crise actuelle
en Argentine. Les filles sont presque nues dans leur jean court
au nombril. Je ne vous parle pas des jupes ou des décolletés
sinon la température va monter et il fait déjà
35° : pas la peine d’en rajouter. Ici c’est l’espagnol et
il faut que j’oublie mon anglais devenu instinctif et me mettre
sérieusement à la langue locale : Madré
de puta no es facil per un francés que se llama federico…
10h d’attente à l’aéroport et enfin le temps de
lire. L’avion me pose vers 2h du matin à Ushuaia après
avoir avalé 2 micro-sandwiches de la compagnie, je squatte
un coin de l’aéroport pour tenter de dormir mais le décalage
horaire me fera passer une nuit blanche.
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Nouvelle-Zélande
Patagonie
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12/01/2002 (Chili,Argentine) Dépenses
: 125 F – Distance parcourue 378 Km
Petit
déjeuner habituel puis marche pour sortir de l’aéroport.
Je découvre le cirque de montagnes environnantes et couvertes
de neige alors que c’est l’été ici, sur la mer
des montagnes enneigées sortent de l’eau, sorte de fjords
nordiques. La lumière pure enchante ce lieu ou je reprends
conscience et sort de mon engourdissement. Il fait chaud maintenant
que le soleil sort de l’horizon. Un garde de l’aéroport
puis un fervent croyant me posent au parc national de la Tierra
Del Fuego dont je ne paie pas l’entrée car il est encore
trop tôt. Je me fais une ballade magnifique pour arriver
au bout du monde, mais j’appelle plutôt cela le bout de
l’Amérique du Sud car il n’y a pas de bout du monde sinon
on n’en ferait pas le tour ! Je croise de grosses oies en bord
de mer et les barrages des castors mais malgré ma patiente
observation, ils resteront cachés. Retour avec un camion
d’entretien du parc puis avec Sébastien et Martin qui
me pose en ville ou j’achète des habits car les miens
n’en peuvent plus d’exister. Je me fais un mélange détonnant
de muesli et yaourt sur le parking du supermarché, entouré
de 5 futurs délinquants d’une dizaine d’années.
Marcelo, puis Roberto, puis Rorko, enfin Rose me posant à
San Sebastian à la frontière Argentine-Chili après
un parcours au milieu de paysages de rêve, désertiques,
arides, ventés, un peu surréalistes. Je me tape
d’ailleurs toute la traversée de Rio Grande écrasé
par le vent, le sac m’entraînant de droite à gauche,
n’arrivant plus à avancer parfois. Je plante la tente
sur la plage par grand vent. J’utilise des pierres pour que
la tente ne s’écroule pas car les sardines dans le sable,
ce n’est pas terrible. Quelques pâtes et deux pécheurs
chiliens qui se bourrent la gueule au vin blanc en carton viennent
discuter avec moi avant d’aller cuver leur boisson dans leur
tente à 500 m de là.
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13/01/2002 (Argentine, Chili) Dépenses
: 0 F – Distance parcourue : 520 Km
Réveil
venteux, pain, beurre confiture, la routine quoi. Passage de
la frontière : je ne déclare pas le lait en poudre
car je sais qu’ils me le prendront et, comme d’habitude, je
donne l’adresse de mes parents et déclare que je travaille
entant qu’ingénieur ce qui est faux actuellement mais
m’évite de longues discussions. Il y a un vent de folie
et Lucas et Alberto ont pitié de moi sur la piste. Ils
m’emmènent pour une traversée du désert
de la Tierra del Fuego sur une piste peu connue oû l’on
rencontre des oies sauvages et des guanacos, le lama local.
Passage du détroit de Magellan en bac, toujours dans
un vent pas possible. Nous croisons les premiers dauphins, noirs
et blancs et Lucas m’invite à la peninsula Valdes ou
il étudie la faune marine. Je refuse car malgré
l’intérêt certain de l’endroit, cela me ferait
faire un trop long détour… A un croisement désertique
et surréaliste, protégé par un des abris
qui permettent aux gens de ne pas mourir de froid en hiver et
en bord de route, j’avale une demi-baguette et j’attends. Elmut,
puis Josko, puis Mario, puis Alfonso et Carmen, puis Rodriguez
pour atterrir au deuxième bout du monde : Fuerte Bulnes,
un fort tout en bois qui donne sur un paysage fantastique de
fjord. Autour des baraques colorées dans le style antarctique
et les bateaux de pécheurs sortis sur la plage de galet,
forment un étrange village dans ce paysage aride de froideur.
Bivouac de rêve au cap, feu de bois, je suis seul et voilà
que je cours vers les dauphins qui passent à 4 m de moi
mais ne verront pas mes bras s’agiter pour capter leur attention.
Je reste 4 à 5 heures devant le feu au milieu de ce panorama
et à me dire que la vie est belle.
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14/01/2002 (Chili) Dépenses :
40F – Distance parcourue : 168 Km
Céréales
et marche car ce matin il n’y a pas de voiture à
cette heure et dans cet endroit désolé. Toilette
dans un petit lac dont l’eau réveillerait un mort et
je cours pour sortir des buissons et faire signe à Jorge
qui passe en bus et me conduit à Punta Arenas. Argent,
courses, j’avale cinq oranges et rencontre José, notaire,
qui veut me prêter une voiture pour aller voir les pingouins
et m’inviter 3 ou 4 jours sur son bateau…Victor, puis Patrice,
puis dans un pick up à l’arrière sur un tas de
bois dans un paysage insolite et venté. Ici une piste
qui ne mène qu’aux pingouins et je marche comme un alcoolique
poussé de droite et de gauche par le vent qui m’empêche
d’avancer. Il n’y a personne. Je suis vraiment dingue… Alberto,
dans le bus officiel de Punta Arenas-Pingouins s’arrête
et m’emmène sans me faire payer. La pinguiniera (la pingouinière
si ca existait en français) est un lieu de nidification
pour les petits pingouins des îles Malivas de la cote
brésilienne. Ils reviennent là chaque année,
toujours le même couple pour faire un a deux petits qui
perdront leur duvet gris de naissance entre janvier et février,
et je tombe bien, avant de repartir. Je fais la visite avec
Facundo et Léonora, un couple de profs argentins. Les
pingouins se dandinent dans les prés, de manière
complètement burlesque et insolite en venant de la plage
pour dormir et se reposer de leur baignade d’après midi
et s’abriter du vent dans des cavités qui leur servent
de nids. Rencontre aussi avec un renard qui n’apprécie
que moyennement mon pain beurré, pris à 19h en
guise de déjeuner. Je croise au retour les émeus
locaux, les nandis et leurs petits. Le bus, qui me ramène
gratis à l’intersection des carabineros, s’arrête
pour que l’on puisse observer deux fouines ou putois qui dispersent
leur odeur dans le vent violent qui souffle toujours. Des carabineros
qui contrôlent le trafic à l’aide d’une barrière,
m’indiquent une baraque désolée dans laquelle
je rencontre Philippe, français et Frank, allemand, qui
squattent déjà la place. Ils sont partis du Canada
et vont à vélo jusqu’à Ushuaia. Pâtes
et discussions de voyage. Je déniche un matelas dans
cette baraque en bois des courants d’air sur lequel je pose
ma bâche et passe une nuit merveilleuse.
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15/01/2002 (Chili)
Dépenses : 38F – Distance parcourue : 226 Km
Pain
grillé sur feu de bois et lait chaud. Le sol est plein
de pétrole qui brûle gentiment. Mes amis partent
aux pingouins en stop et je rame deux heures avant que Miguel
me prenne et me largue en pleine nature, dans un vent de folie
ou les voitures, peu nombreuses, passent en trombe. Je marche
et un minibus de travailleurs d’une compagnie pétrolière
me pose à l’intersection Punta Delgada-Puerto Natales-
Punta Arenas. La je vais attendre cinq heures en plein vent
(merci le pantalon et la veste goretex) que Johnny s’arrête
enfin. Je reste malgré tout assez calme et essaie de
positiver cette épreuve… A Puerto Natales, je fais le
plein de pâtes pour survivre quelques jours dans les montagnes
du parc national de Torres del Paine. Un pick up puis, après
4km de marche sur une piste pleine de camions de travaux publics,
des étudiants chiliens, Kenet,Gonzalo et Elias. Je visite
en leur compagnie la grotte du Miledon. Comme ce sont des fous,
nous voilà à ramper à la torche dans des
cavités souterraines. Il est 21h, j’ai beaucoup
marché et je suis crevé. Le Miledon est
un animal préhistorique, ours et fauve mélangés
qui a disparu depuis longtemps. Je bivouaque à l’intersection
la piste principale et de celle qui mène à la
grotte. Pâtes et coucher de soleil vers 22h30 sur une
belle chaîne de montagnes dans les nuages.
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Chili Sud
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16/01/2002 (Chili) Dépenses :
100F - Distance parcourue : 100 Km
Pain
grillé sur feu de bois et lait chaud (comme hier) mais
ca caille trop pour le yoga et ca caille depuis la Nouvelle
Zélande. Guitare car le trafic est nul et ca fait rigoler
les automobilistes. Un premier véhicule pour 3km puis
Louis, le chauffeur du bus officiel me prend sans me demander
d’argent. Il me pose à Al Poseda Rio Serrano, au bout
de la route du parc national de Torres Del Paine. Je pars
en plein vent dans une plaine aride en direction du refuge
Pehoe entre les lac Pehoe et Grey pour 5h de marche. Uli, une
allemande de 32 ans, la première inscrite sur le registre,
fait le chemin avec moi et on ne se quittera plus pour le reste
de la semaine. Mignonne et rigolant toujours, très nature
mais un peu coincée : une bonne copine quoi ! Ici c’est
une nature exceptionnelle qui s’exprime simplement mais que
je ne saurais décrire avec suffisamment de talent. Alors
regarder plutôt les photos. Un vrai bonheur d’être
dans cette paix, entouré de sommets aux neiges éternelles.
Bonne chaleur quand le soleil donne. Froid vif le soir. Sous
les étoiles, les pâtes sur la table du refuge avec
deux allemands qui fument en solo mais me payent finalement
un verre de vin. C’est un peu cela l’égoïsme à
l’occidentale : Tu te siffles une bouteille sans en proposer
à celui avec qui tu discutes. Ce serait incompréhensible
en Afrique…
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17/01/2002 (Chili) Dépenses :
30f - Distance parcourue 0 Km
Après
le pain beurre (ou est le feu de bois ?), confiture et lait
chaud, je repars avec Uli pour 10h de marche le long du lac
Rey pour découvrir de plus près le glacier Grey
qui brille entre bleu et blanc, déchiqueté, gigantesque.
Des blocs flottent sur le lac comme des icebergs. Le glacier
fait un bon km de large et disparaît dans une vallée
lointaine. Retour fatigué avec juste une pomme à
midi. Le soir pâtes et lait partagés sous la tente
avec Uli qui rigole toujours et surveille la fermeture du refuge
pour ne pas se retrouver dehors.
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18/01/2002 (Chili) Dépenses :
0F – Distance parcourue 0 Km
«
Painbeurreconfiture » et on part pour le glacier Français
qui gronde. Uli me raconte que les pionniers pensaient que les
bruits de la chute des blocs de glace présageaient de
la présence de géants dangereux…En observant les
condors en vol Uli ne considère pas que l’on est vraiment
libre dans la vie : On ne peut pas voler comme eux. Je lui réponds
que l’on peut voler dans nos rêves. Après un début
de tempête, nous arrivons au refuge Los Cuernos et le
lac se transforme en mer tumultueuse. Planter la tente en plein
vent n’est pas une mince affaire pendant qu’Uli prépare
le repas dans le refuge. J’arrive ensuite à prendre une
douche chaude. Philippe, un autre allemand se joint à
nous pour le dîner et la guitare. Il me prêtera
sa protection thermique pour le sol et ainsi éviter que
je me caille. Il y a des gars bien sur cette planète.
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19/01/2002 (Chili) Dépenses :
30F - Distance parcourue : 0 Km
«
Painbeurreconfiturelait » le package matinal au grand
complet. Beau soleil sur Las Torres que je vois au réveil
au travers de l’ouverture de ma tente de luxe. En route, avec
le sac, pour le campamento Chile en circulant le long du lac
Nordenskjôld, d’un vert irréel. Uli ne comprend
pas que je puisse montrer ma rate Joséphine à
mes filles. Son éducation lui fait penser que ce n’est
pas bien pour les enfants. Moi je ne comprends pas qu’elle ait
un lapin et qu’elle mange ceux de son père… Comme les
neiges, éternelles pâtes à midi sur les
tables ensoleillées du refuge, sieste au soleil et départ
vers 16h pour les tours Del Paine que l’on gagne en 2h dans
les éboulis. Cette fois le sac est resté au refuge
et voilà que je marche comme un lapin. Coucher de soleil
sur les tours verticales. On croise encore du monde qui monte
alors que ca caille déjà très fort. Un
type dort sur le rocher dans son sac de couchage et je lui souhaite
bonne nuit sur les tours. Pâtes puis je me fais inviter
autour d’un verre de vin par un jeune couple belge. Guitare
et chansons françaises surtout.
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20/01/2002 (Argentine) Dépenses
: 56F _ Distance parcourue : 308 Km
Je
me suis caillé grave cette nuit. J’ai fini en pantalon
et veste goretex dans le duvet. Je crois qu’il est temps d’investir
dans une protection de sol…Dernier bout de pain et lait chaud
avant la descente vers l’Hosteria Las Torres ou je trouve Patrice
et Fabienne, français qui vivent à Mexico et qui
nous descendent en 4x4 à l’entrée du parc. Bise
à Uli et je trouve Pedro de Santiago et sa famille qui
me posent à Espéranza (drôle de nom pour
faire du stop). Comme il y a déjà deux argentins
qui attendent depuis 5 heures je sors du bled et m’installe
au soleil assis en tailleur sur ma bâche pour écrire
mon journal. Je m’attends à poireauter un moment mais
Ramiro, un jeune argentin, s’arrête et fait marche arrière
après un temps d’hésitation. Il me dépose
à El Calafate. C’était une bonne idée de
Pedro de faire un détour par Esperanza pour me retrouver
sur la route principale ou il y a plus de trafic. Ma carte indiquait
le contraire. Je reste finalement au camping avec Ramiro qui
veut me conduire au glacier demain. Enfin des fruits, pâtes
en sauce et bière offerte par Ramiro. Internet, douche
à minuit et dodo au camping municipal pour 4 pesos. Dans
les toilettes « En caso de incendio salir cagardo »…
C’est drôle de passer d’un ami à un autre. Ramiro
me prête sa couverture de sol.
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21/01/2002 (Argentine) Dépenses
: 40F - Distance parcourue : 70 Km
Je
fais un lait chaud à Ramiro à son réveil
tardif et je chante en allemand « 99 luftballons »
que m’a appris Uli et dont je viens de trouver les accords.
Pour Ramiro, je demande à la station service de l’eau
« Aqua para mate » dans une mini calebasse remplie
de thé local. Tu verses l’eau bouillante et tu aspires
une petite gorgée avec une paille. C’est amer et il faut
se resservir 20 fois pour avoir la quantité française.
Tournée des gomérias pour réparer le pneu,
très local pour le touriste mais pas la bonne taille.
Il faut commander à Rio Galleros et j’abandonne Ramiro
vers midi car il doit attendre le lendemain. Dommage : il devait
m’emmener au glacier puis le lendemain au Fitz Roy et il était
bien sympa. Avec lui pas l’impression de gêner. Marche
à la sortie d’El Calafate et Santiago, prof de guitare,
et sa copine Soledad me posent au camping, à 7 km du
glacier, sans proposer de m’y emmener alors qu’ils s’y rendent.
Je marche donc sur la piste poussiéreuse et découvre
le glacier Moreno qui s’étend sur le Brayo Rico, un lac
d’eau turquoise sur lesquels flottent quelques icebergs géants.
Plus tard, Mariangeles, Moira et Gabriella, 3 jeunes profs,
m’emmènent au site d’observation et je passe 4 heures
en leur compagnie devant ce colossal glacier : 30 km de long,
70m de haut, 4 km de large et qui s’enfonce de plus de 100 m
sous l’eau. Plus la glace est compacte, moins il y a d’oxygène
et plus c’est bleu foncé. Des blocs s’effondrent en créant
des raz de marée. Certains sortent brusquement de l’eau
tels des baleines, de dessous le glacier. En 1968 et 1988 32
personnes ont trouvé la mort en s’approchant trop près.
Retour avec les filles, douche sans rideau et riz. Je trouve
un vieux tapis de sol qui traîne et demande à le
prendre. La fille accepte et encore un problème de réglé.
Santiago et Soledad m’invitent à un café nocturne
au glacier avec deux autres argentins, tous entassés
à l’arrière de la petite voiture sans siège
arrière. On se caille mais la lune est belle, l’ambiance
chaleureuse et je parle espagnol…
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22/01/2002 (Argentine) Dépenses
: 50F - Distance parcourue : 250Km
Réveil
matinal car je me suis caillé : il faut que je répare
mon duvet dont la ficelle de cou est cassée et qui fait
perdre de la chaleur. Je marche la fleur au fusil mais c’est
dur car Santiago et Soledad se rendent là où je
vais, soit 200 km de piste, mais ne m’ont pas proposé
de m’emmener. Je marche 5 km et carlo et Stella me ramènent
à El Calafate. Sur la route des moutons marchent en file
indienne dans les près alors qu’ils ont des km2 pour
se déplacer : étrange nature. Je fais des courses
pour affronter la piste désertique et je me tape un sandwich
au roquefort, le premier bon fromage depuis 9 mois. Je découvre
qu’il y a de la purée au supermarché : je suis
presque bête devant ce brutal retour à la civilisation.
A la sortie d’El Calafate, il y a 8 auto-stoppeurs dont 2 attendent
depuis plus de 4 h. Au contrôle, la police est censée
les aider à trouver un véhicule mais je ne fais
guère confiance à leur pugnacité. Je marche
donc sur la route déserte et surchauffée mais
personne ne s’arrête et le croisement est à 30
km. Au bout de 7 km de marche folle, Roberto qui
passe en bulldozer me posera à la route 40. Me voici
donc à 30km/h au milieu des fûts de gaz oïl
qui pissent de tous cotés dans un premier wagon. Le deuxième
est une caravane : un vrai train rigolo quoi ! Moi qui pensait
attendre une journée au croisement, voilà qu’au
bout d’une minute Gustavo, guide au Fitz Roy, me charge à
l’arrière de son pick up. On déboule à
90 km/h sur la piste dans un nuage de poussière. Je dors
sur les sacs de montagne et les provisions pour sa prochaine
expédition. Deux heures d’attente suite à une
crevaison et passage à un vieil observatoire dont la
coupole reflète le soleil du désert. On longe
des lacs bleu turquoise. Provisions puis marche d’une heure
pour dormir au lac Caprin, plutôt que de rester dans la
vallée. Purée sauce piment et vaisselle dans le
lac sous le grand Fitz Roy qui pointe vers le ciel étoilé.
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23/01/2002 (Argentine) Dépenses
: 0F - Distance parcourue : 0 Km
Pain,
margarine, confiture, lait chaud. Je laisse la tente et
pars pour 2 h d’ascension jusqu’au camp de base du mont Fitz
Roy, un bloc vertical, paradis des grimpeurs. La haut je rencontre
Lyonel et ses parents Christophe et Christine qui passent dix
mois entre le Pérou, le Chili et l’Argentine avec un
passage sur l’île de Robinson Crusoé. Ils sont
en contact avec l’école de Lyonel par internet et tiennent
un site et un journal sur http://3valborainsauxandes.free.fr Les parents font l’école
à Lyonel en cours de voyage… Descente, repas et je repars.
Il n’y a pas de chemin sur la carte mais je trace le mien et
en trouve un vrai par la suite pour le Torre Cerro et le camp
Bridwell. Rencontre inopinée d’Uli, mon allemande. On
papote une heure : je monte, elle descend, la vie quoi !
Je décide de camper non en sous bois ou l’on ne voit
rien mais au bord du lac avec vue sur les tours, seul…
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24/01/2002 (Argentine) Dépenses
: 50F – Distance parcourue : 91 Km
Petit
déjeuner en plein vent mais la tente a bien tenu. Descente
de 3 heures sur El Chatten, village ou je fais des provisions
pour la route désertique qui m’attend. Il est midi.4
heures d’attente et personne ne s’arrête. Comme il pleuvote,
je ne peux pas écrire ou lire. J’en ai marre et je pars
en marchant sur cette piste poussiéreuse : 91 km sans
rien mais j’ai de l’eau et à manger et j’espère
attirer plus d’empathie en marchant. Au bout de deux heures
Richard, argentin, dans son car de tourisme me posera vers 20h
au carrefour désertique de la nationale 40. Me voilà
donc seul, à un croisement ou il passe une voiture à
l’heure avec 5 litres d’eau et le prochain bled est à
45 km. Feu, pâtes avec un coucher de soleil affolant de
rouge et nuages nucléaires.
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25/01/2002 (Argentine) Dépenses
: 0F – Distance parcourue : 392 Km
Pain
grillé au feu de bois et lait chaud sous un vent glacial.
J’attends deux heures mais ca caille trop et je marche. Quelques
voitures passent sans pitié. D’abord leurs empreintes
sur la piste puis des guanacos et des nandous, dont une douzaine
de petits, m’observent d’un promontoire. Après deux nouvelles
heures de marche, Silverio et Stella me chargent à l’arrière
de leur pick up pour me poser à Tres Lagos. Là
le bus qui traverse le désert me tend les bras mais
je ne craque pas malgré que le pompiste me dise qu’il
n’y a pas plus de dix voitures par jour par ici sur cette nationale
40. De 13h à 17h les gens rigolent mais ne s’arrêtent
pas. Ensuite plus une seule voiture et le vent devient froid.
Je me mets à l’abri d’un pont mais hésite à
bivouaquer dans cet endroit pour être obligé de
prendre ce fichu bus demain à midi. Je rate deux voitures
et me précipite à la troisième, couteau
à la main pour cause de préparation de tartine
beurrée. Bern, un allemand trouve juste le temps de piler
sur les gravillons. Mon sac s’est éventré : je
fourre tout à l’arrière de sa Ford Ka et me voici
parti pour 347 km de désert.. Arrêt dans une hacienda
aux chambres délabrées sans lumière et
sans vitres, avec des numéros peints à la va vite
et que nous font visiter deux types à bérets hyperlocaux.
Bern préfère continuer à rouler et me confie
le volant pendant deux heures. Sur les gravillons la voiture
chasse dur et ca cogne sec en dessous du véhicule. Arrêt
vers minuit à Bajo Caracoles. Bern va à l’Estancia
et moi dans ma tente au carrefour principal. Quel réconfort
cette arrivée de nuit après cette piste ou de
nombreux lièvres courent dans les phares.
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26/01/2002 (Chili) Dépenses :
40F - Distance parcourue : 202 Km
Réveil
avec chevaux sur les blés jaunes sur fond de montagnes
enneigées. La nuit a été plus chaude, signe
de notre remontée vers le nord. Bern et sa Ka sortent
de nulle part et l’on va visiter Cueva de Las Manos, une vallée
style attaque des indiens. Sur les murs des témoignages
de nos frères d’il y a 10.000 ans. Des mains d’enfant
sur fond blanc, noir, rouge ou jaune, des chasseurs de guanacos
(casadores de Guanacos en langue locale) et aussi des formes
géométriques. Belle piste qui s’étend dans
ce désert rouge et brun. On mange de la poussière
mais aussi des petits gâteaux achetés à
la seule boutique ouverte à l’heure de la sieste à
Perito Moreno. Rues au carré dans lesquelles souffle
un vent furieux. Bern me laisse au lac Buenos Ayres, le deuxième
d’Amérique du Sud après le Titicaca qui
ressemble à une mer déchaînée. Je
change mes derniers pesos argentins et passe la frontière
du Chili pour la ville de Chile Chico avec Robelio (9 km entre
les deux frontières) et Patricia qui me pose sur la plage
ou je peux camper gratis en attendant le bateau pour traverser
le lac à 14h demain. Sandwiches fromage, puis omelette
et au lit vers 20h . Je suis crevé, c’est samedi soir
sur la terre comme dirait Cabrel. En ville j’entends une musique
de fête, peut être un bal. Que faites-vous ? Il
est minuit en France : mon Webmaster doit être sur son
ordinateur [Note
du Webmaster : « En effet ! »], vous autres peut-être au
lit, mes filles sûrement dans leur rêve d’enfant…
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27/01/2002 (Chili)
Dépenses : 31 F - Distance parcourue : 233 km
Il
y a un vent furieux et le lac Général Carrera
(c'est son nom du côté chilien) est couvert de
moutons. Je reste donc dans la tente pour avaler mon petit-dej
et avancer le journal. J'embarque sur le ferry à 14 heures
après avoir tout replié dans la tempête
et traversé la grand-rue avec peine. J'y rencontre un
couple de jeunes expatriés français (au Canada)
et nous passons une partie de la traversée à discuter,
avant que le mal de mer nous contraigne à renter à
l'intérieur du bateau. Les gens ont le visage verdâtre
et les enfants vomissent leur déjeuner... A l'arrivée,
Santo et Santiago m'embarquent à bord de leur camion
et me déposent à Coihaique. Je croise des cavaliers
(des cow-boys vêtus de poncho et comme sortis de la nuit
des temps) et leurs chiens. J'achète du pain (les ¦ufs
que je prévoyais pour mon dîner sont cassés
dans le sac : super) et, après avoir traversé
la ville à la tombée de la nuit, je décide
de continuer le stop. Carlos, chauffeur de taxi, me prend en
allant prier dans l'un des sanctuaires que l'on trouve un peu
partout sur les routes. Il me pose au début de la carretera
Australe. Je marche pour trouver un coin où installer
ma tente entre la route et les clôtures (elles s'étendent
sur des kilomètres et empêchent d'accéder
aux prés). Bien sûr, il pleut, toutes mes
affaires sont trempées, mais je suis crevé et
je dîne de pâtes pas terribles et je m'endors sous
l'¦il bienveillant d'une vache que ma présence
surprend (je lui cause en français, mais elle ne répond
pas, tant pis).
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28/01/2002 (Chili) Dépenses :
200 F - Distance parcourue : 512 km
Il
ne faut pas changer une équipe qui gagne alors je découvre
sans surprise au petit matin qu'il pleut toujours... Petit-dej
habituel et je gagne l'intersection la plus proche. Ricardo,
puis José m'embarquent dans leurs véhicules respectifs
et me déposent devant un tronçon de la route qui
est en travaux, ce qui facilite le stop, la circulation s'effectuant
lentement. Magaly et Juvenal m'acceptent avec eux pour le restant
de la journée sur la Carretera Australe, l'occasion de
goûter au café local et à una empanada (fourré
typique du Chili) concoctés par Juvenal.. Le paysage
est magnifique, lacs verts, cascades, glaciers hauts perchés,
villages colorés et petites églises de bois. Nous
parvenons à Chaiters après avoir changé
un pneu. Il faut patienter jusqu'à minuit pour prendre
le bac qui mène à Puerto Montt. Il y a beaucoup
de camions et nous adoptons une combine qui consiste à
charger la voiture à l'arrière d'un camion. Je
me retrouve donc en plein terrain vague, armé de ma lampe
de poche, à guider Juvenal qui lance son véhicule
sur deux planches de bois. Il faut s'y mettre à trois
pour pousser à l'arrière et finir la manoeuvre
(c'qu'on ne ferait pas dans la vie !). Il fait un froid glacial
et j'essaye le vélo de Matthieu qui fait lui aussi un
tour du monde, chargé de sacoches. A bord, il y a la
possibilité de prendre une douche chaude, on ne peut
pas tout avoir, nous ratons le plateau-repas, les céréales
suffiront. Nous dormons sur le pont, emmitouflés dans
nos duvets.
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29/01/2002 (Chili) Dépenses :
0 F - Distance parcourue : 299 km
Réveil
avec la vue sur les volcans enneigés. On a sympathisé
avec un matelot qui nous ramène des sandwiches dès
qu'il comprend que nous n'avons pas mangé hier soir.
Je quitte Magaly et Juvenal et je me lance dans le stop. Maryse
me convie dans son pick-up et l'on se retrouve sur une autoroute
ultramoderne. Elle me dépose au péage d'Osorno
où il y a une dizaine d'auto-stoppeurs. Il y en a partout
! Christian s'arrête, il a coutume de prendre quelqu'un
en stop chaque jour en sortant du travail. Carlos m'emmène
ensuite jusqu'à Valdivia et dépose quelques collègues
dans des quartiers pas vraiment bien famés, pas très
touristique, comme ballade. Je finis à la nuit avec Nicolas,
Patricia et Rodrigo qui me laissent à Lorcoche. J'avise
une chilienne qui m'autorise à planter la tente dans
son jardin. Sandwich au roquefort et je me couche, épuisé,
sur le sol du jardin un peu cabossé, mais cela ne m'empêche
pas de dormir.
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Chili Centre |
30/01/2002 (Chili) Dépenses :
92 F - Distance parcourue : 51 km
Je
petit-déjeune de pain rassis et de mûres que je
déniche sur le bord de la route. J'arrive à Villarica
grâce à un pick-up. J'en profite pour faire une
pause Internet, poste, carte bleue et ravitaillement (supermarché
ultramoderne). Puis je recommence un peu de stop pour trouver
le camping le moins cher du coin (26 francs) où je peux
prendre une douche chaude pendant une heure (ce n'est pas tous
les jours, j'en profite) et où je coupe une barbe de
centenaire qui ma donne un air d'ours mal léché.
Il pleut, il pleut, bergère... Demain, si le temps se
décide à changer, je suis réveillé
à 6 heures pour tenter l'ascension du volcan Villarrica
avec un group et un guide qui me prête le matériel
nécessaire (crampons, bonnet, lunettes...). Mon linge
tente de sécher sur un bambou protégé par
une bâche pendant que je dîne de 2 bananes et de
trois ¦ufs sur le plat.
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31/01/2002 (Chili) Dépenses :
8 F - Distance parcourue : 0 km
Pas
de réveil donc pas de départ pour le volcan. Normal,
il pleut ! Je décide donc de rester ici et de méditer
sur ce que m'a apporté mon voyage. Voici le résultat
:
-Aimer : la vie, les hommes, la respecter. Elle
est fragile (des hommes prennent des risques chaque jour sur
des routes dangereuses ou meurent parce qu'ils n'ont pas de
soins appropriés...). Voir les hommes comme des frères,
les voir avec les yeux de l'amour et non au travers d'un système
de jugements bornés. -Ecouter
: se mettre à la place de l'autre, éprouver de
la compassion, une rencontre n'est pas une confrontation de
deux guerriers qui restent chacun dans leur tranchée
et n'écoutent que ce qu'ils veulent entendre, pas besoin
d'écraser l'autre avec ses exploits du jour. Ne pas dire
" ça va ? " sans attendre de réponse.
Les autres ont toujours quelque chose à t'apprendre,
ils peuvent t'ouvrir les yeux. -Donner
: sans attendre, gratuitement. Ton frère est dans le
besoin, donne ! Pourquoi baser toute sa vie sur un système
d'échange commercial ? -Simplicité : retrouver les vraies valeurs, ne pas se
perdre en plaisirs futiles. Des enfants n'ont rien dans les
rues de Delhi, mais rient et savent être heureux. Laisser
une chance à la nature, trouver son calme intérieur,
fuir le stress, s'ouvrir au monde. -Accepter, attendre, ne pas s'attacher : prendre la vie comme elle vient,
saisir les occasions, ne pas regretter ses choix (il y a du
bon dans chaque route). Rien ne sert de se projeter dans l'avenir
(ça nous éloigne du présent et l'on n'a
pas toutes les données), ne pas s'attacher à un
programme, aux choses, aux gens mais vivre le moment présent
à fond. -Effort : savoir patienter, il n'y a du
plaisir que si la chose est difficile. -Bonheur : dépend de ton système de
valeurs. Tu peux être heureux en mangeant du riz et en
dormant par terre chaque jour, tout est question d'habitude,
du seuil auquel tu fixes la barre. -Inégalité : beaucoup d'hommes sur terre n'auront
jamais ce que nous avons, connaissons notre chance, apprécions-la
et luttons avec nos moyens pour effacer ces inégalités.
-Posséder : plus tu possèdes, plus
tu crains qu'on te vole, plus tu protèges, moins tu ouvres
ta maison aux autres, moins tu donnes, moins tu ouvres ton coeur.
Qu'est-ce que le voyage apporte de plus que notre quotidien
? Le quotidien implique des habitudes, mêmes lieux, personnes,
chemins... Le voyage permet la rencontre de nouvelles personnes,
langues, cuisines, maisons, paysages. Cela implique de vivre
des situations déstabilisantes, des peurs et de mieux
se connaître car on va au bout de soi. En fait, le voyage
est possible chez soi, il suffit d'être ouvert, de ne
pas prendre toujours le même chemin, de parler aux gens
que l'on ne connaît pas, de ne plus passer devant les
choses sans les voir, devant une église sans y rentrer,
devant son voisin sans lui parler. Voilà ma méditation,
cela ne veut, bien entendu, pas dire que je suis comme cela,
il y a toute la vie pour s'approcher de sa vision du bien et
du mal.
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